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pour tout vêtement que ce qu'on appelle ce qu'on appelle en yoloff un guimpe, espèce de ceinture attachée autour des reins, et qui, passant entre les jambes, vient s'assujétir par derrière, ne cachant qu'exactement ce que l'on ne peut montrer sans indécence; cette ceinture est en peau de chèvre, avec la queue, qui se trouve placée là où l'animal la portait lui-même. Les garçons non circoncis ont une ceinture formée de la feuille d'un palmier, avec un morceau de bois fixé au milieu de la ceinture; l'un des bouts de ce bois est pointu et ressort en avant, l'autre bout rentre entre les jambes. Ce bois traverse une boule de terre cuite, de sorte qu'il ressemble à un fuseau; rien n'est singulier comme de voir marcher les jeunes nègres avec ce morceau de bois de quatre pouces de long, formant angle droit sur leur ventre.

Les habitans de Cagnabac, qui sont des Bisagos, me paraissent tenir le milieu entre la race des nègres de Cayor, Wallo et Yoloff, et celle des Foulahs et des Mandingues; sans avoir les formes proéminentes des Wallos, ils ne sont pas aussi minces que les Foulahs.

Après avoir habité le pays de Wallo, l'île de Cagnabac paraît un paradis terrestre ; la beauté des arbres, la force de la végétation et l'abondance des récoltes y sont remarquables. J'y ai retrouvé tous les fruits que les nègres de Cayor apportent au marché de Saint-Louis du Sénégal, mais beaucoup plus beaux, et infiniment plus savoureux ; il

en existe aussi à Cagnabac une quantité d'autres que je n'avais pas vus jusqu'alors.

Les cases sont généralement bien bâties et proprement tenues. Une remarque à faire, c'est que, depuis Saint-Louis jusqu'à Sierra-Léone, tous les peuples construisent mieux que les Wallos, ce que j'attribue à ce que les beaux mangliers sont communs chez eux, et à ce que cet arbre, par sa tige droite et élevée, est merveilleusement propre à faire des toitures dans le Wallo, au contraire, où les bois sont rabougris, les habitans doivent nécessairement proportionner leurs cases aux moyens qu'ils ont de les couvrir.

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Si les autres peuples s'adonnent plus qu'eux à l'agriculture, j'en vois encore la raison dans la nature du sol et dans le climat : les Wallos cultivaient du mil jusqu'à ma porte; je pouvais mème, sans sortir de ma chambre, suivre leurs travaux; j'ai vu des nègres s'adonnant avec ardeur, pendant quatre ou cinq mois, à la culture du gros mil, ne quittant leurs champs ni nuit ni jour, puisqu'ils les gardent la nuit pour les préserver de l'invasion des singes; et lorsque la récolte était faite, ils n'avaient souvent pas assez de grain pour se nourrir quatre autres mois. Sur le reste de la côte, au contraire, la terre les paie avec usure de leurs peines; se trouvant dédommagés de leurs travaux, il est naturel qu'ils s'y livrent avec ardeur. Je sais. qu'en attribuant au sol et au climat, et non aux hommes, le mauvais état de la culture dans le Wallo, je me mets en contradiction avec beaucoup

de monde; mais je puis dire aussi : J'y étais et j'ai vu. Voici comment on a basé les calculs qu'on a faits on a pris un bel épi de mil, on a compté les grains, et l'on s'est dit : Tous ces grains viennent d'une seule graine, donc le terrain produit tant pour un. Mais est-ce ainsi que l'on doit établir des comptes? Ne pourrait-on pas avec autant de raison, en soutenant l'opinion contraire, dire: Voilà un trou où l'on a jeté cinq grains, un seul pied a levé sans produire de grains; et partaut de là, on dirait graines cinq, produit zéro.

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On ne saurait trop prévenir les blancs qui voyagent en Afrique de se tenir en garde contre leurs premières impressions et contre la vivacité de leur caractère; je citerai ici un exemple qui m'a été raconté par un Diola. Le capitaine d'un navire de guerre vint à terre avec son canot dans le pays des Diolas. Un nègre l'aperçoit et lui dit : « Blanc, >> viens chez moi, je tuerai une volaille, je te don» nerai du lait, du vin de palme et des bananes, tu >> seras bien reçu!» Un autre nègre survient, et lu dit à son tour: « Blanc, viens avec moi, sois mon » hôte, je puis te donner tout ce que mon cama>> rade t'offre, et je tuerai de plus une chèvre. » Pour le mieux déterminer, les deux interlocuteurs le tiraient chacun par un bras. Le capitaine, fort embarrassé, ne comprenant point ce qu'on lui disait, et voyant beaucoup de nègres se rassembler, ne sut à quoi attribuer l'espèce de violence qu'on exerçait envers lui; il prit ces politesses, auxquelles il était peu habitué, pour des témoignages qui cachaient

des desseins hostiles; il dégagea ses bras, saisit une paire de pistolets, et brûla la cervelle aux deux pauvres nègres qui n'avaient d'autre intention que de le recevoir chez eux, afin de pouvoir se glorifier devant leurs voisins d'avoir donné l'hospitalité à un chef blanc qui avait de l'or sur ses épaules!!!!... Peut-être, au fond, espéraient-ils un petit cadeau, mais recevant chez eux, ils l'auraient attendu sans le demander. Le séjour de six ans que j'ai fait en Afrique m'a mis à portée de juger que presque toutes les querelles qui s'élèvent entre les européens et les nègres proviennent de ce que l'on ne se comprend pas, et que ceux-là prennent pour insulte ce qui, d'après les usages du pays, est une chose toute naturelle.

Aussi, dans la formation d'un établissement commercial sur la côte d'Afrique, je crois que le caractère du résident sera toujours pour beaucoup dans la réussite; il faudrait un homme ferme, et en même temps assez conciliant pour éviter toute querelle violente avant que l'on pùt savoir positivement si les avantages qu'on retirerait compenseraient les frais d'une guerre qu'on pourrait se trouver obligé d'entreprendre. Un fort serait indispensable, ou au moins un lieu de refuge assez sûr pour arrêter des Africains pendant quelque temps : il faut que le résident se trouve en état de protéger efficacement tous les marchands nègres qui viendront se mettre sous sa protection provisoire; il faut qu'il puisse maintenir en état de paix des hommes appartenant à des nations différentes et souvent en

guerre; il ne pourrait atteindre ce but s'il n'avait pas un asile inviolable à offrir à ceux qu'il regarderait comme les plus faibles. Il doit s'attacher, par sa conduite et par une surveillance active sur les européens, à donner au nouvel établissement une force morale basée sur la justice et sur l'intérêt commun des européens et des nègres. Il doit écouter toutes les plaintes; souvent les nègres lui en porteront de frivoles, mais en leur répondant tranquillement, et surtout en prenant la peine d'entrer dans des explications, il parviendra aisément à leur faire entendre raison, et par cette conduite il acquerra une réputation de justice qui rendra sa tâche bien plus facile par la suite.

Qu'il évite surtout de prendre une femme du pays : plus les parens de cette femme seront puissans, plus il se trouverait à la merci des nègres ; les indigènes se croiraient en droit de tout exiger de lui, et s'il refusait de leur complaire, les marabouts ou les jongleurs se serviraient de la superstition pour travailler l'esprit de sa femme, et sa vie ne serait plus en sûreté. S'il croit qu'une femme du pays puisse lui être utile dans ses rapports avec les indigènes, il doit lui donner une case à part, et lui interdire l'entrée de sa cuisine.

Au surplus, Cagnabac, par sa situation un peu éloignée du continent, et par la nature de sa population, ne serait aucunement propre à recevoir un établissement de commerce.

Il n'est

pas étonnant que des gens habitués à la

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