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qui, sous prétexte de les convertir, viendraient les piller.

Les nègres, en général, sont à peu près ce que les localités les font; cultivateurs dans un pays fertile, pasteurs là où les prairies abondent, et où ils peuvent élever leurs bestiaux en sûreté, industrieux là où ils ont du superflu qu'ils échangent par le commerce, et pillards quand ils sont obligés d'employer ce moyen pour subsister. Le Sousou qui possède un sol fertile cultive assez pour se nourrir; mais son état de dépendance l'empêche de rien amasser; il vit bien ou mal, selon la récolte qu'il fait.

On boit dans le pays du vin de palme; ony fabrique aussi, avec du miel fermenté, une liqueur assez agréable, et qui enivre aisément. Le poisson est abondant. La seule chose qu'on ne pourrait se procurer chez les Sousous, c'est la viande; mais chaque propriétaire a chez lui un troupeau de bœufs et de moutons qu'il achète aux Foulahs, et qui ne revient pas plus cher qu'à Saint-Louis. Les chevaux sont extrêmement rares; on n'en élève même pas ; tous les voyages se font par eau. Comme le pays est couvert de montagnes et de vallées, on trouve sans cesse entre les rocs, des passages difficiles pour les chevaux; d'ailleurs, même au Sénégal où ces animaux sont assez communs, ils ne servent que pour l'agrément.

L'aspect de la contrée est généralement beau; la végétation est vigoureuse; toutes les parties élevées sont parsemées de fragmens de rochers: on semble

voir un sol bouleversé par des volcans. Les pluies commencent à la fin de mars; elles n'étaient pas terminées à la fin de juillet. Etant arrivé au Rio-Pongo vers la fin de la saison sèche, la végétation ne m'a pas paru souffrir du manque de pluie; seulement j'ai remarqué que les ruisseaux avaient considérablement diminué de volume, et ils ont grossi de nouveau vers le mois de mai.

J'ai résidé au Rio-Pongo jusqu'au 23 juillet 1829; de là, je suis retourné à Saint-Louis, d'où je partis pour la France à la fin de septembre. Je débarquai au Havre le 25 novembre suivant. Rentré dans ma famille, j'y ai constamment été malade, et même en terminant ces lignes je m'aperçois que la fièvre d'Afrique ne m'a point encore définitivement quitté.

DUVERNAY.

Paris

..., juillet 1830.

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TOME III.

Histoire moderne.

DE

L'INSTRUCTION PUBLIQUE

EN DANEMARCK.

(Inédit.)

L'esprit de réforme et de perfectionnement qui a renouvelé la face de la société ne s'est guère étendu en France à l'instruction publique; vide et insuffisante pour les classes supérieures, elle est presque nulle pour le peuple, de sorte que, par un singulier contraste, nous sommes en même temps l'une des nations les plus libérales et les moins éclairées du continent. Dans le nord, au contraire, où la liberté n'est qu'un beau rêve des esprits élevés, sans application à la vie commune, l'instruction des masses a fait des progrès rapides; les universités sont le dépôt de toutes les connaissances humaines ; les écoles primaires répandent le bienfait de la civilisation parmi les classes inférieures, et leur assurent une place dans l'ordre moral et intel

lectuel. Chez les peuples du nord, la science est une chaîne immense et sans lacune, dont les anneaux embrassent la société toute entière.

Ce goût des études sérieuses, ce développement de l'éducation publique, ne sont nulle part plus sensibles qu'en Danemarck. Ce pays, soumis à un gouvernement absolu, mais florissant aujourd'hui sous l'autorité d'un roi populaire, complète peu à peu son système d'instruction universelle, appliqué à chaque ordre de citoyens selon ses facultés et ses besoins. Car là le pouvoir a compris que l'abrutissement du peuple n'est pas un gage de tranquillité pour l'état, et que tenir les hommes dans l'ignorance est un mauvais moyen de les rendre meilleurs. L'enseignement élémentaire, soutenu par la protection du prince et l'active sollicitude d'un patriote distingué, M. d'Abrahamson, a été accepté de tous comme une nécessité et un bienfait. L'exemple du Danemarck est précieux pour l'Europe: il lui montre qu'il n'y a rien d'impossible à une volonté ferme et persévérante, appuyée de quelques faibles ressources; et il mérite, à ce titre, de fixer l'attention de notre gouvernement et des vrais amis du pays. Universités. Il n'existe en Danemarck que deux universités : celle de Copenhague et celle de Kiel dans le Holstein. D'après l'antique division: conservée par le Nord dans toute son intégrité, elles comprennent quatre facultés : théologie, qui embrasse toutes les études relatives à l'interprétation des livres saints et des symboles de l'église

protestante; philosophie : l'on réunit sous cette dénomination la philosophie proprement dite, les mathématiques, la physique, les langues anciennes et l'histoire; jurisprudence et médecine: c'est l'ensemble complet des sciences, et comme un vaste panorama où l'esprit humain se montre sous tous ses aspects divers. En Danemarck, comme en Allemagne, et même en Angleterre, on a senti qu'il ne suffit pas à l'homme de savoir ou la religion, ou les lois, ou la physique, ou la littérature; qu'il lui faut, sinon la connaissance approfondie, du moins l'intelligence de toutes ces choses. On ne s'est point avisé de morceler la science, de jeter une école de droit dans une province, une école de médecine dans une autre ; de parquer surtout dans des séminaires, sorte de cloîtres anticipés, les élèves en théologie: on a jugé que les études sont sœurs, qu'elles croissent et se développent par le fait seul de leur rapprochement, et que l'union leur est aussi nécessaire que la liberté.

Dans ces facultés diverses, la forme de l'enseignement est arbitraire et laissée au choix du pro

fesseur: la direction des cours de chacune des deux universités est même loin d'être uniforme. Nous prendrons pour exemple la faculté de jurisprudence. A Kiel, où l'université est organisée d'après les besoins des provinces allemandes, le Corpus juris Justinianeum est la base de l'enseignement comme la base de la jurisprudence des cours de justice de Slesswig et d'Altona. A Copenhague, au contraire, le droit romain est plus négligé, et le Dansk Low,

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