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l'ordre de son entrée, et le jugement rendu contre lui; on lui établit ensuite un compte ouvert dans le livre intitulé: Répertoire de la conduite des prisonniers. Là sont consignés, sous des chefs distincts, les actes d'une conduite méritoire, les fautes commises et les punitions encourues. Rien n'est écrit dans ce livre qu'avec l'approbation des conseillers-inspecteurs.

L'instruction des détenus est suivie avec une sérieuse attention par un comité de surveillance morale et de régénération, qui s'occupe à la fois de leur perfectionnement pendant leur captivité, et des arrangemens relatifs au sort futur de ceux qui sont près d'en atteindre le terme. Les membres de ce comité font les dimanches des lectures dans les différens quartiers, et, deux fois par semaine, il est tenu une école pour ceux des prisonniers qui désirent apprendre à lire, à écrire et à chiffrer.

Les employés de la prison sont un directeur, quatre chefs d'atelier, deux portiers et un cuisinier. La plus grande douceur et l'abstinence de toute familiarité leur sont recommandées et sont observées par eux dans leurs rapports avec les pri

sonniers.

La bonne conduite de ceux-ci pouvant donner lieu à réduire la durée de leur détention, la loi a créé une commission de recours à laquelle sont présentées les requêtes des détenus qui ont accompli les deux tiers de leur peine; et afin que le découragement et le désespoir ne puissent pas mettre obstacle au repentir et à la réforme des condamnés

à vie, il a été sagement statué que la détention perpétuelle serait assimilée à une détention de trente ans, pour tout ce qui concerne la faculté et le mode de réduction de la peine.

La commission fait porter son examen sur les notes relatives à la conduite du prisonnier et sur ses moyens de subsistance. Elle peut prononcer la libération immédiate, rejeter la requête, ou bien fixer le terme après lequel il sera permis au détenu de la présenter de nouveau. Sa décision est lue dans les divers quartiers de la prison.

Le prisonnier libéré pour bonne conduite reçoit un certificat motivé de sa libération, et, à sa sortie, il est placé sous la surveillance particulière d'un membre du comité de régénération, dont l'une des attributions consiste à protéger les condamnés lorsqu'ils sont rentrés dans la société.

Jusqu'à mon passage à Genève, la prison pénitentiaire n'avait point reçu de femmes; diverses considérations avaient empêché de les y transférer; et, comme on a reconnu que la séparation complète des sexes a des avantages importans pour la tranquillité des prisonniers et pour l'ordre de la prison, il est vraisemblable qu'elle sera main

tenue.

Tels sont les détails qu'une visite attentive de plusieurs heures et des documens authentiques dus à l'obligeance des fonctionnaires m'ont mis à même de recueillir sur cet intéressant établissement. Son organisation ingénieuse et prévoyante, la discipline à la fois douce et régulière à laquelle sont

soumis les détenus, la salubrité de leur régime physique, la sage et utile direction des instructions qu'ils reçoivent, en un mot, le système entier d'après lequel cette prison est instituée et gouvernée est digne d'une véritable admiration, et qui mieux est, dans l'intérêt de la morale et de l'humanité,d'une imitation générale.

Quelques parties accessoires ont néanmoins donné sujet à la critique, et fait naître des observations qui ne semblent pas dénuées de fondement. On a trouvé que l'infirmerie, située au second étage, présente l'inconvénient de n'être pas suffisamment à portée d'une promenade salutaire pour les convalescens ; que ses fenêtres, ayant vue sur deux des cours de la prison, il peut exister par là des communications avec les autres détenus, ce qui est contraire à l'un des principes fondamentaux de cet établissement, aussi bien que la confusion dans cette même infirmerie de malades provenant des quatre différentes classes. On a encore cru remarquer que la construction de l'édifice laisse aux prisonniers des chances pour s'échapper, et enfin quelques personnes ont pensé qu'ils ne sont pas assujétis à un exercice assez vif.

Quant à cette dernière objection, si la pratique. a pu faire reconnaître quelque vice dans le régime de la prison, il est très-facile d'y remédier, et les modifications qu'elle aura rendues nécessaires sont ordonnées et s'exécutent peut-être en ce moment: car la loi du 28 janvier 1825 devait être révisée dans la session du conseil représentatif de cette

TOME III.

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année. Mais en résumé, depuis l'origine de cet établissement jusqu'au moment où je l'ai visité, c'està-dire pendant les quatre premières années de son existence, l'ordre n'y avait point été sérieusement troublé; aucune évasion n'avait eu lieu; la bonne tenue de toutes les parties de la maison, l'harmonie qui paraissait régner entre les détenus de chaque quartier, le calme avec lequel ils poursuivaient leurs travaux m'ont vivement frappé ; et j'ai trouvé l'infirmerie entièrement vide, quoique le nombre des prisonniers fùt de trente et quelques.

Il semble donc permis de conclure que le système de détention mis en expérience à Genève sur une petite échelle, et susceptible d'être facilement étendu à une plus vaste application, est infiniment préférable à tout ce qui a existé jusqu'ici dans ce genre chez les nations les plus civilisées, et l'on doit espérer que, le temps faisant ressortir les résultats avantageux de cette habile combinaison, les regards des gouvernemens seront de plus en plus attirés vers une institution qui répond à tous les vœux des amis de la justice, de la religion et de l'humanité.

Le comte RENÉ DE BOUILLÉ.

SOUVENIRS

DES

COTES D'AFRIQUE.

(Fragmens inédits communiqués par M. Duvernay.)

PPEMIER FRAGMENT.

SAINT-MARY, LA CAZAMANSE, BISSAO, BOULAM, CAGNABAC.

I. Saint-Mary.

Le 25 novembre 1828, après plusieurs jours d'attente à la barre du Sénégal, je partis pour Gorée, à bord de la goëlette l'Héléna. Mon dessein était d'aller essayer de m'établir pour commercer sur quelque point de la côte. De Gorée je me rendis à Saint-Mary Bathurst; là se trouvait, à mon arrivée, le trois-mâts anglais l'Hécla, qui revenait de faire un voyage d'exploration au pôle, et

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