Page images
PDF
EPUB

comte de Sancerre, gendre du roi, aussi son beau-frère, s'opposa au mariage qu'Étienne prétendait former, parcequ'il ne le trouvait pas assez avantageux et parceque, d'un autre côté, il avait soutenu les prétentions antérieures du seigneur Ansel de Traînel, dont le mariage avec la demoiselle de Donzy était enfin décidé. Une heure après la cérémonie, une lettre pressante appela Traînel à sa terre: c'était une ruse d'Étienne avec Hermansède et son père. Quelques jours après, Étienne vint à Donzy, ramena Hermansède à l'église et l'épousa. Et cepit eamdem dominam in uxorem. C'est alors que Geoffroy dota sa fille de la terre de SaintAignan ; les deux époux vinrent s'enfermer dans le château de cette terre. Cependant Traînel regarda ces noces comme un affront; il en porta sa plainte au comte de Troyes, son souverain. Celui-ci assura Traînel qu'il serait vengé; que le mariage de son frère serait annulé, et le sien réhabilité. Le comte de Sancerre tenait son fief en hommage de son frère qui le reportait au roi ; ainsi le comté de Sancerre était un arrière-fief de la couronne. Par cette raison et par la force de la loi féodale, Henri ne put prendre aucune résolution sans avoir le consentement du roi. Louis VII, au retour de la croisade, avait répudié Éléonore d'Aquitaine et avait marié au comte de Troyes, Marie, sa fille. Le comte de Troyes lui représenta que la cause du chevalier de Traînel était la sienne propre; le roi se laissa facilement persuader; il assembla ses troupes et se mettant à leur tête avec le comte de Troyes, ils vinrent investir le château de

Saint-Aignan. Le comte de Sancerre l'avait fortifié, il le défendit assez long-temps.

Le récit qu'on vient de lire est extrait d'une histoire de Louis VII, par Duchesne, qui s'accorde en cela avec Mezeray; voici une autre version puisée dans l'histoire des comtes de Champagne et de Brie, qui ne diffère guère de la précédente :

« Le comte Étienne de Sancerre eut une guerre au sujet de son mariage; Geoffroy de Gien avait marié d'abord sa fille à Ansel de Traînel, et lui avait donné en mariage Neuilli et la moitié du bourg d'Ouchy; Ansel de son côté lui donna 500 livres. Ansel quitta sa femme la nuit même de ses noces et s'en alla dans son pays. Étienne ayant ensuite épousé cette dame, Ansel s'en plaignit à Henri qui avait fait ce mariage et qui était garant du contrat. Le comte Henry alla aussitôt représenter au roi l'affront que son frère avait fait à Traînel, qui était un chevalier fort aimé de ce prince. Henri persuada au roi de venir avec lui assiéger Saint-Aignan, où Étienne s'était enfermé avec sa femme. Le château se rendit enfin, et on le garda jusqu'à ce que Geoffroy de Donzy et le comte de Sancerre eurent fait leur paix avec Ansel de Traînel. »

Les historiens du Nivernais et du Donziois rapportent différemment cet épisode historique: suivant eux, le mariage du chevalier de Traînel n'était point encore accompli lorsque le comte Étienne enleva la demoiselle et vint l'épouser à Saint-Aignan même..... Traînel invoqua ses droits;

il y eut même arbitrage et indemnité. Puis le comte de Donzy finit par s'entendre avec Étienne (4).

Cette version est confirmée par M. L. Raynal; appuyée de preuves, elle est incontestablement la véritable voici comme il s'explique :

« Geoffroy, seigneur de Gien et de Donzy, avait deux enfants: Hervé, qui lui succéda, et Adélaïs, dont la main était promise à un chevalier d'Henri, comte de Champagne, frère aîné d'Étienne, nommé Anseau de Traînel. Les fiançailles avaient lieu à Donzy, dans le cours de l'année 1153; le jour même Anseau retourna dans ses domaines.

• Pendant son absence, Geoffroy manqua à sa parole. Sans doute Étienne de Sancerre s'était épris de sa fille, et le seigneur de Donzy voulut s'assurer, par son alliance, un puissant auxiliaire contre Guillaume III, comte de Nevers et d'Auxerre, son ennemi déclaré. Il donna donc Adélaïs en mariage à Étienne, avec les châteaux de Gien et de SaintAignan pour dot. Étienne l'emmena dans son château de Saint-Aignan.

« Hervé, fils de Geoffroy, porta aussitôt ses plaintes à Louis VII, de ce que son père le déshéritait de deux Châ– tellenies importantes, et de ce qu'Étienne en avait pris possession sans l'aveu du roi. En même temps, le chevalier de Traînel s'adressa à Henri, comte de Champagne, son suze

(1) Voyez Guy Coquille, Née de la Rochelle et la nouvelle publication intitulée Le Nivernois; je crois donc que la version de l'historien des comtes de Champagne, à quelques détails près, est la bonne.

rain féodal; et ce dernier, irrité de la déloyauté de son frère, alla de son côté trouver Louis VII, et lui exposa que l'outrage fait à son vassal, lui était personnel : tous les deux, le roi et le comte, se préparèrent à marcher contre Étienne.

« On assiégea d'abord le château de Gien, où le comte de Sancerre avait placé une garnison; on s'en empara, et on le rendit à Hervé de Donzy. Saint-Aignan, qui fut ensuite investi, résista plus longtemps; mais enfin Louis VII et Henri s'en saisirent, comme gage du traité qui devait intervenir entre Étienne et Anseau.

« Un arrangement fut en effet bientôt conclu entre eux; Anseau garda Neuilly-Saint-Front, et Oulchy-le-Château, fiefs de l'Ile-de-France, que Geoffroy lui avait donnés le jour des fiançailles, en échange d'une somme de cinquante livres ; mais Etienne garda sa femme : elle vivait encore en 1160. » Le siège de Saint-Aignan eut effectivement lieu en 1153: il en est parlé dans l'histoire générale des seigneurs de Vergy, et dans le trésor des anecdotes, selon un acte de 1217, déposé à la bibliothèque royale.

en

C'est de la maison de Geoffroy Ier, seigneur de Donzy et de Cosne-sur-Loire, que celle de Donzy tira son origine; pendant le x11 siècle se succédèrent Geoffroy IV, 1113, et Hervé II, en l'an 1171; celui-ci épousa Madeleine Goeth, fille de Guillaume de Goeth, seigneur de Montmirail et autres lieux ; il commit la félonie de livrer les châteaux de Saint-Aignan et Montmirail à Henri, roi d'Angleterre, pourquoi Thibaud IV, confisqua sa seigneurie de

Saint-Aignan. Cet Hervé II eût un fils, qui lui succéda sous le nom de Hervé III; il épousa Mahaut de Courtenay, fille et héritière de Pierre de Courtenay et d'Agnès, comtesse de Nevers, d'Auxerre et de Tonnerre: il fut qualifié de défenseur de toutes les possessions de Saint-Eusice, defensor omnium possessionum St-Eusicie. L'acte de 1182 qui le constate commence par ces mots : « Ego herveus, comes, inverneusis. » Après Hervé III, son fils Hervé IV, rentré en grâce auprès de Thibaud, succéda à son père.

Voici, au surplus, comment s'exprime M. Raynal, sur la vente de Saint-Aignan au roi Anglais :

» En 1169, Henri II se fit livrer à prix d'argent par Hervé, seigneur de Gien et de Donzy, les châteaux de Montmirail, dans le perche, et de Saint-Aignan, sur les bords du Cher. Saint-Aignan appartenait toujours aux descendants de ce brave chevalier Geoffroy, qu'Eudes le Champenois y avait placé dans le commencement du xıo siècle; Guillaume Goeth, qui le possédait vers cette époque, étant mort à la terre Sainte, son beau-frère Thibaud, comte de Blois, voulut le reprendre; mais il fallait en déposséder le gendre de Guillaume, Hervé de Gien et de Donzy; et ce dernier ne se sentant pas de force à résister au comte de Blois et au roi de France, son allié, vendit, et Montmirail et Saint-Aignan, au roi d'Angleterre.

[ocr errors]
« PreviousContinue »