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tôt, Leclert eût été puni; il fut absous par le comité, le comité fit bien; Leclert n'était alors que l'ého du peuple, le précurseur instinctif de la chute d'un droit oppressif, et cependant renouvellé de nos jours! tant il est vrai que les nécessités gouvernementales autorisent souvent l'oppression.

Le comité fut peut-être moins sage en condamnant à l'amende les contrevenants aux ordonnances de police prescrivant la fermeture des boutiques les jours de dimanche et fêtes. Ils avaient cependant, eux aussi, le pressentiment de la prochaine déclaration de la liberté des cultes, mais les impressions de respect pour les anciennes habitudes religieuses étaient encore si fortes dans les esprits qu'on n'osait les heurter. Et puis les ecclésiastiques dominaient dans le comité. On fit la remarque que le jour où cette condamnation fut prononcée (19 novembre), Mgr. le duc de SaintAignan assistait à la séance dont il signa le procès-verbal, et que ce fut la seule fois qu'il parut au comité.

Ce corps administratif exceptionnel remit enfin ses pouvoirs temporaires à la municipalité, qui venait d'être reconstituée régulièrement par l'élection populaire, en vertu du décret de l'Assemblée Nationale du 29 décembre. Elle se composa de cinq officiers municipaux, douze notables et un procureur de la commune; M. Michel Bigot, marchand et géomètre, fut le maire nouvellement élu; on eùt pu faire un meilleur choix.

En entrant en fonctions, la municipalité populaire mit au

rang de ses premiers devoirs, l'exécution du décret de l'assemblée nationale, qui prescrivait à toutes les communautés religieuses de fournir le compte exact de leurs fonds et revenus; celui du chapitre de Saint-Aignan lui fut présenté le 28 février 1790, en voici le résultat:

Le produit des rentes et fermages des biens fonds, én argent, s'élevait à la somme de

Celui des rentes, dixmes et fermages

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11,442 1. 6 s.

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10,840

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Les charges annuelles du chapitre, s'é

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Il restait en caisse chaque année

Tous les biens de ce chapitre ne furent pas évalués à leur véritable prix ; les ventes faites plus tard devant l'adminisnistration du district, s'élevèrent à plus de cent mille francs, valeur réelle.

Pendant que la municipalité se livrait à ses premiers travaux, cette nouvelle administration du district entrait en activité, conformément au décret de l'Assemblée Nationale (5 janvier 1790), qui ordonnait une nouvelle distribution du territoire de la France, en départements, districts et municipalités. Elle se composa primitivement de MM. Juchereau, vice-président, Bournais père, propriétaire à Montrichard, Terriet, propriétaire à Sambin, près Pont-le-Voy, Raboteau, avocat à Saint-Aignan, et Clivot, notaire en la

même ville, M. Pean, procureur-syndic; M. Corrard, ancien receveur des aides, travailleur infatigable et intelligent, fut élu secrétaire. Le directoire du district, ainsi nommé par les électeurs populaires, pour le distinguer du conseilgénéral, dont M. Bardon père, de Chaumont-sur-Loire, était président, se constitua provisoirement et tint des séances irrégulières dans les salles du ci-devant couvent des capucins, où ne résidait plus que le seul père Débrinay, ancien gardien.

Traçons maintenant la faible esquisse des qualités sociales et politiques de ces modernes administrateurs. M. Péan, procureur-syndic, à peine âgé de vingt-cinq ans lors de son élection, dévoué avec ardeur aux principes de la révolution, joignait à une probitė sévère, une intelligence peu commune et une activité sans bornes; M. Juchereau, prêtre profondément instruit, grave, réfléchi, dėjá habitué aux affaires, assidu au travail, devenait un homme indispensable dans une administration de nouvelle création; le thermomètre de ses opinious politiques 'paraissait tant soit peu au variable, mais sa présence était un besoin. M. Bournais, vieillard à bon droit respectable par son âge et ses mœurs, témoignait d'un sens droit et d'un grand attachement à l'ordre public, à défaut de capacités administratives; une physionomie toujours gaie et polie, un dévouement empressé au nouvel ordre de choses, un patriotisme désintéressé, un courage civique ayant eu son origine dans quelques services militaires et quelques conaissances dirigées par un sens

droit, telles furent les qualités de M.Terriet; M. Raboteau,plus homme de loi qu'administrateur, un peu trop fier d'une vaine particule soi-disant héraldique, pour être un partisan sincère de l'égalité, paraissait rarement aux séances; M. Clivot, n'était pas à sa place; notaire et receveur de l'enregistrement tout à la fois, il ne pouvait guère remplir les devoirs d'une troisième fonction..

Le premier acte important de l'administration du district, fut l'enregistrement et la publication solennelle de la fameuse déclaration de l'Assemblée Nationale portant, art. 1er: « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Cette proclamation fit une impression profonde sur tous les esprits; à quelques exceptions près, la pluralité des habitants paraissait partager les mêmes sentiments patriotiques.

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Cependant les passions s'allument; chacun lit ou s'enquiert avec avidité des nouvelles de Paris; on les commente selon ses vues ou ses intérêts; on dispute, on s'injurie; la loi qui conférait exclusivement le droit d'éligibilité à ceux qui payaient une imposition directe de la valeur de trois journées de travail, était surtout le texte quotidien de controverses et d'aigres discussions; cette loi serait largement populaire aujourd'hui. A bas l'aristocratie! à bas le marc d'argent! s'écriaient les uns; vive la justice! point de mendiants! disaient les autres, et les têtes de s'échauffer.

L'orage des passions n'empêchait pas le district et la mu

nicipalité, chacun dans ses attributions, de veiller à l'exécution des lois d'ordre et de salut public, que nécessitaient les circonstances; la garde nationale fut définitivement et légalement organisée, elle prêta, en plein champ, le serment constitutionnel. Ce spectacle d'une garde natiɔnale en uniforme, vu pour la première fois, était magnifique et impo sant. Le serment fut également prêté par MM. Juchereau, Pierre Aubry, Ducanet et Eustache père, récemment appelés aux fonctions de notables criminels, institution nouvelle ridiculement dénommée, créée par lettres patentes du roi, mais qui ne fonctionna jamais. On exigea, conformément à la loi, des titulaires chanoines, moines, prêtres et autres, la remise de leurs titres et bénéfices. Des dons patriotiques affluant de toutes parts, des listes nombreuses en furent envoyées à l'administration départementale; enfin les autorités rivalisaient de zèle pour l'accomplissement de leurs devoirs.

Mais ce qui, par dessus toutes choses, préoccupait et animait violemment les esprits à cette époque où le patriotisme se témoignait par toutes sortes de voies, c'était le grand projet de pacte fédératif des milices du royaume; il était en pleine exécution dans beaucoup de départements, on ne l'ignorait pas. Les journaux avaient appris que le pacte des ci-devant provinces de Bretagne et d'Anjou avait été applaudi par l'Assemblée Nationale, imprimé par son ordre et envoyé à tous les corps constitués. Le signal étant parti d'Orléans, les pays environnants y répondirent; Saint-Aignan s'emut à son tour; le mouvement fut électrique.

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