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lon, le premier duc de normandie; sa mère, fille de Robert-le-Fort, appartenait à cette famille qui devait bientôt donner des rois à la France.

« Peut être Thibaud, qui déjà dominait, par ses villes de Tours et de Blois, le cours de la Loire et celui du Cher, voulut-il, en s'emparant de quelques ponts situés plus haut, s'en assurer exclusivement les riches péages; peutêtre, comme chef de Normands, se trouva-t-il appelé à conserver les postes que ces hordes de bandits, en remontant les grands cours d'eau, avaient dù occuper sur leurs bords. On sait en effet qu'ils élevaient à la hâte des fortifications provisoires, des camps retranchés où ils mettaient en sûreté leur butin, jusqu'à ce que les contrées voisines fussent entièrement ravagées et que le temps fût venu de sé retirer.

<< Or, il avait existé à St-Aignan, sur le Cher, une église habitée par des ermites; elle avait été dévastée. C'était un lieu voisin de la Touraine : Thibaud dut s'en rendre maître, et son petit fils, Thibaud II, y fit construire un redoutable château. »

Cette époque fut aussi celle de la puissance du clergé régulier surtout; comment n'en eût-il pas été ainsi? La vie monastique était le seul refuge des serfs malheureux contre les vexations inouïes de milliers de tyranneaux laïques et sacrés qui se disputaient à main armée ce misérable coin de terre; or, à Saint-Aignan, ces premiers apôtres de la foi chrétienne, doux charitables et laborieux, pratiquant

formellement toutes les vertus évangéliques, pénétrèrent d'admiration tous les cours; le concours des fidèles étant indispensable à leur projet de construction, ils les implorèrent de venir à leur aide; ce ne fut pas en vain. Les ouvriers accoururent de toutes parts: nourris, hébergés et payés par les pieux solitaires, l'édifice fut promptement élevé. Mais, quoi qu'en dise un chroniqueur du xvn® siècle, (l'abbé Meûnier), ce travail immense ne s'accomplit pas tel que nous le voyons aujourd'hui. » Le bon sens se refuse à cette croyance; ce ne fut à proprement parler qu'un commencement d'exécution. L'église collégiale de Saint-Aignan est assurément un beau monument; mais il date de plusieurs époques : la partie du Nord est de la fin du x' siècle; le style roman y est bien apparent. Elle forme la croix latine; la tour où s'ouvre le porche, dite tour du Chapitre, était le lieu où se retiraient tous les membres du clergé en cas d'attaque; le corps principal remonte au In siècle, époque de transition du roman au gothique: l'ogive pleine et le plein ceintre s'y trouvent confondus. L'église souterraine, du même temps, n'offre rien de remarquable, à l'exception toutefois des fresques, qui sont d'un assez bon travail et assez bieu conservées.

Depuis long-temps les rois avaient l'habitude de venir à Orléans, visiter le tombeau de Saint-Aignan, son second évêque, et y faire des vœux, à cause de la célébrité des miracles qui, dit-on, s'y opéraient. Ces têtes couronnées et d'autres personnages illustres faisaient éclater à cette occa

sion leur munificence. Dans l'intention de profiter de ces libéralités, les ermites d'Agan concurent l'idée de consacrer sous le nom du saint évêque la nouvelle église, tout en conservant leur dévotion envers la Sainte-Vierge, comme sa première patronne. C'était un appât présenté aux nobles visiteurs qui ne pouvant faire le voyage d'Orléans, ou voulant s'en dispenser, pourraient faire leur pèlerinage au simulacre de représentation du tombeau d'Orléans. Cette combinaison adroitement mercantile, profita aux bons pères; ils s'enrichirent de l'affluence des pèlerins: ceux-ci arrivèrent en si grand nombre, que pour les loger, on fut obligé de construire à la hâte quelques habitations bientôt insuffisantes. Dès lors Eudes Ior, dans le but d'accroître son apanage et d'attirer toutes les populations d'alentour, se proposa de jeter les fondements d'une ville dans le lieu d'Agan, dépendant de son comté.

Mais par quels moyens arriver à ce but tant désiré? les architectes étaient rares, le pays n'abondait pas non plus en richesses, et le concours d'efforts et l'unité de direction ne devaient pas présider aux travaux. On assigna à chacun, sans plans tracés, sans alignemens quelconques, des emplacemens plus ou moins vastes, selon les besoins présumés ou les caprices des habitants; de là des rues tortueuses et étroites, des maisons mal bâties en bois et torchis: on ignorait encore l'existence de ces belles carrières, voisines du lieu d'Agan, découvertes après plusieurs siècles. On ne songea pas davantage aux fossés et fortifications qui plus

tard entourèrent la ville: elles furent entreprises postérieurement, sans doute à diverses reprises. Plus tard donc, la nouvelle citě ayant acquis une certaine physionomie, le comte Eudes Ier songea à la garantir des attaques des seigneurs jaloux de son accroissement, en faisant construire une petite place forte en forme de château, ainsi qu'une ligne de circonvallation entourant la ville: on en voit encore des vestiges en différents endroits.

Quel beau sujet de réflexions! quand on songe qu'en moins d'un demi siècle, nos aïeux fondèrent une église, une ville et tant d'autres travaux ultérieurs, qu'ils exécutèrent avec une patience admirable, un courage héroïque, au milieu des guerres civiles sans cesse renaissantes, en proie à toutes les calamités, et surtout à des inquiétudes cruelles sur la destinée du genre humain... Car sa fin était prochaine, leur avait-on dit!... Essayons de tracer une faible esquisse de cette terrible époque.

La fin du monde était irrévocablement fixée en l'an 1000, et comme si le hasard eût voulu favoriser un mensonge intéressé, cette année s'annonçait très calamiteuse. Une peste épouvantable ravageait toute la France : les hommes tombaient par milliers; les symptômes de la maladie étaient effrayants, l'homme le plus robuste s'affaissait tout-à-coup sur lui-même, se tordait pendant quelques minutes, et mourait en rendant une écume rougeâtre. Aussitôt le cadavre était en putréfaction, les chairs se détachaient des os ; tous ces cadavres restant dispersés ça et là sans sépulture,

répandaient une odeur infecte qui ne contribuait pas peu à augmenter la force de cette peste... le règne des Capets commençait sous de lugubres auspices.

Les prêtres prêchaient à haute voix que la débauche et la dépravation avaient excité la colère du Tout-Puissant, sans dire, bien entendu, que leurs propres vices avaient été l'exemple assez généralement donné ; ils déclaraient que la fin du monde approchait, et que, pour punir les hommes, Dieu envoyait cette affreuse maladie. Ils engageaient donc chacun à travailler au salut de sou âme, puisque la destinée du corps était arrêtée irrévocablement. On voit que de tout temps, le sacerdoce ont sut tirer bon parti du hasard.

Le moyen-âge était l'âge d'or du clergé l'église avait étendu sa puissance; on la rencontre partout, dans le gouvernement des provinces, à la tête des armées, dans le capuchon du moine et sous l'armure du chevalier. Aussi voyait-on les prêtres fulminer d'affreuses menaces de damnation éternelle, ils prêchaient qu'il fallait renoncer aux biens de ce monde et que les grands de la terre devaient s'humilier devant la sainte église.

On voyait bon nombre de seigneurs abandonner, parcelles à parcelles, leurs immenses possessions; ils déposaient à titre d'offrande sur les autels, les titres de leurs baronnies, persuadés par les prêtres que Dieu ayant créé les hommes du même limon, devait voir avec peine l'opulence des uns et la misère des autres. L'église acceptait toujours;

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