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Un ouragan furieux survenu à Saint-Aignan le onze août 1788, fut comme le prélude de la terrible épopée révolutionnaire; tout le pays fut dévasté; on réclama des secours, mais comment pouvoir subvenir à des maux partiels, quand ceux de la France entière réclamaient d'énergiques remèdes! Cependant le gouvernement, tout en manifestant des intentions favorables, voulut, avant de faire droit aux réclamations, qu'il lui fut communiqué un tableau véridique de la situation du pays; il n'est pas sans intérêt de connaître la statistique de Saint-Aignan, adressée officiellement à l'au

torité supérieure, par les officiers municipaux le 16 décembre 1788, en voici l'analyse :

La perte causée par la grêle s'élève à 800 francs.-La population de Saint-Aignan est de 1856 âmes ainsi répartis: 470 hommes, 480 femmes, 446 enfants masculins et 460 féminins. Quoique le climat soit vif et sain, les fièvres tierces et quartes y règnent chaque année en août et septembre. Depuis six à sept ans il n'y a eu que deux enfants trouvés. Le tirage au sort de la milice, conjointement avec trois paroisses limitrophes, fournit chaque année trois miliciens. On compte à Saint-Aignan 7 à 8 petits fabricants de draps en blanc, occupant environ cent individus, les maîtres d'ateliers peu fortunés et obligés qu'ils sont de transporter leurs étoffes a Paris, d'y séjourner six semaines, vendre à crédit, et essuyer des banqueroutes, sont peu a l'aise ; d'ailleurs les draps de Romorantin ont prévalu sur les leurs. -Quatre tanneries occupent douze ouvriers du pays et autant de compagnons étrangers; elles trouvent les débits de leurs cuirs. Six marchands en détail d'étoffes et d'épiceries font très-mal leurs affaires; la concurrence incessante des colporteurs les prive d'une vente fructueuse-Le surplus des habitants exerce des arts mécaniques, toute leur fortune gît dans leurs bras. La ville est surchargée de la taille, 488 feux taillables supportent en taille et capitation 9786 livres, 7 sous, 6 deniers, a quoi ajouter 448 livres 16 sous pour industrie, et 1,114 livres de corvée, total 11,346 livres, 3 sous, 4 deniers. Il n'existe dans Saint-Aignan qu'un

seul bourgeois taillable, huit petits fabricants de draps, six marchands, quatre tanneurs dont la fortune est médiocre, tout le reste est imposé au-dessus de ses facultés. »

A la suite de cette statistique on établit une comparaison entre deux villes: Romorantin dont le nombre des taillables s'élève à 1,500, paie 22,000 livres, et Saint-Aignan taxé à 9,786 livres sept sous six deniers, ne devrait payer que 7,215 livres quatorze sous huit deniers, dont cette cité supporte injustement une taxe arbitraire de 2,570 livres. Ce travail qui n'est qu'une ébauche imparfaite ne fait mention de l'agriculture que pour constater l'existence de 400 arpents de vignes, produisant du vin de médiocre qualité, partant d'un vil prix. Quant aux terres elles sont livrées à la petite culture. On termine par réitérer des plaintes sur le défaut d'une maréchaussée en résidence dans la ville où, depuis deux ans surtout, il se commet des vols fréquents. En voyant ce tableau sombre et naïf des misères de nos pères, quelle âme assez dégradée pourrait désirer le retour du régime stupide sous lequel ils vivaient.

Mais les idées avaient déjà fait bien du chemin; toutes les villes de France furent autorisées par lettres patentes du roi du 24 janvier 1789, à adresser les fameux cahiers contenant leurs plaintes et remontrances; celle de SaintAignan ne resta pas en arrière, quatre de ses députés se rendirent à Blois, à l'assemblée générale du Tiers-Etat, tenie le 9 mars. Cette pièce intéressante, signée par plus de cinquante de nos ancêtres, sous le titre de Doléances, mé

rite de figurer en entier dans l'histoire du pays. ( Voir aux pièces justificatives, n° 2.)

Au moment où les cœurs souriaient à l'espérance d'un meilleur avenir, un cri général se fit entendre; des brigands se répandaient dans les campagnes, pillant, massaerant, mettant tout à feu et à sang; tout le monde les avait vus et reconnus, dans tels champs, dans tels bois, sur telle route; ils vont venir..... ils arrivent! s'écriait-on. La peur gagne toutes les âmes, on se rassemble en désordre, on s'arme, on s'organise; une garde nationale est formée, Lelarge, ancien major, est improvisé commandant; Burin, Morisset-Rouet, Chevallier-Perreau, Lorieux, Salbrunne, sous-officiers; on reste jour et nuit sous les armes; puis, las d'attendre les brigands, on marche à leur rencontre, on les cherche, on ne les trouve nulle part..... on en fut quitte pour la peur éprouvée, comme on sait, dans toute la France au même instant; cette expression la peur a, depuis cette époque, une signification politique bien comprise.

L'effroi s'était tellement répandu dans les campagnes, que la ville de Saint-Aignan fut encombrée de fuyards; on y vit arriver en toute bâte, M. Amelot, seigneur de la terre du Gué-Péan, commune de Monthou-sur-Cher, avec toute sa famille, traînant avec elle une lessive entière encore toute humide, chargée dans des voitures avec les meubles et effets les plus précieux. Un autre M. Amelot et sa femme, venant de Paris dans une voiture particulière, se dirigeant à sa terre de Chaillou, près Châtillon-sur-Indre, furent in

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