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CHAPITRE PREMIER.

(Xe SIECLE).

L'histoire de la ville de Saint-Aignan, selon toutes les traditions orales et écrites, remonte au x° siècle; l'année 970 paraît être celle où furent jetés ses premiers fondements; le territoire sur lequel ils furent assis, appartenait à Odon ou Eudes 1er, comte de Blois, fils de Thibault, dit le vieil ou le Tricheur, comte héréditaire de Touraine et de Blois. A l'appui de cette opinion, il convient de citer ce passage de l'Histoire des comtes de Champagne et de Brie, sans nom d'auteur, imprimée à Paris, chez Huard et Moreau, en 1753 : « Odon ou Eudes Ier, fils de Thibaud le Tricheur, plus tranquille que son père, ne laissa pas de conserver les pays dont il

avait hérité; il les augmenta même, en faisant bâtir Chaumont, et Saint-Aignan, sur le Cher. » Dans les anciennes chroniques, Saint-Aignan est'appelé Petite place forte, située sur la rivière du Cher.

Vers l'année 847, Eudes et Guistilmode son épouse, donnèrent à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, des fonds de terre assez considérables, dont une partie dans nos contrées; l'abbé de cette communauté y avait envoyé plusieurs moines pour les régir; ceux-ci songèrent d'abord à fonder une maison particulière. Ces nouveaux ermites, établis sur la croupe d'une montagne, au milieu des bois, se pratiquèrent des cellules autour d'une petite chapelle dédiée à la SainteVierge, dans le lieu nommé Agan, et se livrèrent aux exercices spirituels de la vie monastique qu'ils avaient embrassée. Cette version est confirmée par le savant auteur anonyme de l'Annuaire du département de Loir-et-Cher, de 1806; voici comment il s'explique: Saint-Aignan est situé sur la rive gauche du Cher, et traversé, du nord au midi, par la route de Blois au Blanc. Ses antiquités connues ne permettent pas de le faire remonter au-delà du ixe ou Xe siècle. Il y avait à cette époque un château bâti sur une hauteur, et qui dépendait des comtes de Blois : quelques ruines qui existent encore, prouvent qu'il était assez fortifié. Une tour entr'autres, qui subsiste, à conservé son ancien nom Agar; une maison d'ermites sortis de l'abbaye de Saint-Martin de Tours, paraît avoir été dans le principe le noyau de cette ville. Par l'effet du concours des pèlerins

à la chapelle de ces ermites, des habitations se formèrent successivement autour de l'ermitage, non loin et au-dessous du château, Eudes Ier, étant alors comte de Blois. »

A cette époque si merveilleuse du moyen-âge, toutes les puissances intellectuelles et scientifiques étaient concentrées dans le clergé ; c'était aussi le temps de la vie ascétique : les ermites et les moines se multiplièrent. Ceux retirés sur le territoire d'Agard, ne se bornèrent pas au spirituel : ils défrichèrent le scl inculte et le rendirent fertile. La vie active et pieuse de ces solitaires, qui faisaient aux hommes tout le bien qui était en leur pouvoir, valut de fréquents pélérinages de tous les pays d'alentour; on courut en foule les visiter: on croyait alors que ces dévotieuses promenades attiraient les bénédictions du Ciel. Cette pieuse crédulité s'accrédita tellement dans l'esprit des peuples voisins d'Agan, que la petite chapelle ne pût plus contenir le nombre toujours croissant des pèlerins. Les bons ermites, que la frugalité et les dons faits à leur chapelle avaient enrichis, conçurent alors le dessein de bâtir une église plus vaste.

A l'époque où nous sommes, c'est-à-dire vers la fin du ixe siècle, et le commencement du xe, ce qu'on appelait la France, alors bien restreinte, était soumise à la dynastie Carlovingienne, race dégénéréc, qui s'éteignit dans la personne de Charles-le-Gros, dont la déposition eut lieu en 888 pour faire monter sur le trône la famille, dite populaire et nationale, des Capets, dont Robert-le-Fort était le chef. Les incursions des barbares, les querelles théologiques,

l'impuissance des rois et des évêques, amenèrent insensiblement le régime de la féodalité, déjà consacré par Charles-leChauve en 877, l'année même de sa mort, où il signa l'hérédité des duchés et des comtés. Cette concession nécessitée par les circonstances fâcheuses où se trouvait l'empire, fut originairement un bien pour la France: les seigneurs la sauvèrent du plus grand des fléaux, les incursions des hommes du Nord ou Normands. Mais ils devinrent les véritables héritiers de la royauté ; ils dressèrent partout des forts, malgré les anciennes ordonnances, pour se maintenir à la fois et contre leur souverain et contre les ennemis extérieurs.

Selon M. Louis Raynal, de Bourges, auteur d'une histoire récente du Berry, la grande famille des comtes de Blois et de Chartres, devenus plus tard comtes de Champagne, exerça de bonne heure une grande influence dans le Berry : il n'est pas sans intérêt pour notre propre histoire, de citer les passages suivants du savant historien.

>> Le fondateur de la puissance de cette famille, au début du xe siècle, fut le comte Thibaud, dit le tricheur: ce surnom significatif qui, à cette époque, où la ruse, le bri gandage et l'usurpation étaient choses vulgaires, prouve qu'il étonna ses contemporains par son mépris de toute justice, et par l'audace de ses perfidies.

» Suivant l'opinion la plus généralement admise, il était fils d'un de ces chefs normands qui venaient de se créer de grands établissements en France, et proche parent de Rol

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