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diverses occupations qui leur dérobent tout le temps des réflexions, passent leur vie dans une affreuse indolence sur la destinée qui les attend après la mort ; ils en étouffent même la pensée, comme triste et capable de troubler leur repos. De là cette aversion secrète qu'ils nourrissent dans leur cœur pour la religion, dont ils ne daignent pas même s'instruire pour se convaincre de sa vérité Dé là cette pente à suivre le torrent de la coutume et de l'exemple. De là ces vaines excuses sur leurs désordres, en disant qu'ils vivent de même que les autres hommes ont toujours vécu. De là cette curiosité criminelle pour tous les écrits où les principes du libertinage sont répondus. De là enfin les doutes sur toutes les vérités de la religion.

Remarquons en effet que les hommes ont une grande pente à l'incrédulité, parce que la plupart ne se conduisent que par les sens. On se plait à douter de ce qu'on ne voit pas, on murmure de ce qui nous gêne, on y trouve son intérêt, parce que la religion combat nos passions; on ne cherche pas à réfuter les discours des impies: l'esprit s'en nourrit et voudrait y trouver de la vérité. Disons-le hardiment: Mahomet imposteur, Mahomet faux prophète, apôtre sans mission, sans autorité, sans miracles; mais Mahomet prédicateur d'une morale qui ne flatte que la volupté, allant au-devant même de nos désirs, en nous permettant la pluralité des objets propres à les enflammer, annonçant après la mort une felicité imaginaire qu'il fait consister dans une pleine satisfaction de tous nos appétits charnels, trouverait plus de sectateurs parmi un nombre infini de chrétiens que la morale de Jésus-Christ avec toute sa pureté, la force de sa vérité, appuyée par les miracles, le témoignage des martyrs, les exemples des saints, les promesses d'une éternité de bonheur au-dessus de toute expression. Combien parmi eux, chancelant dans la foi et esclaves de leurs passions, voudraient que la religion du faux prophète fût la véritable; mais comme ils sentent toute l'absurdité de ses dogmes, et qu'elle semble avoir été accommodée à dessein aux penchants de leur cœur, ils ne sauraient se déguiser la fausseté d'une pareille morale.

Le nombre des chrétiens bien instruits de leur religion, bien convaincus de la vérité de ses grands principes, est plus rare qu'on ne pense. Une infinité d'hommes sont chrétiens parce que la naissance et l'éducation les ont rendus tels; souvent même les premiers éléments de la religion s'effacent de l'esprit de plusieurs. Ils n'en connaissent que la superficie et, pour ainsi dire, le corps; en un mot, ils sont chrétiens de même qu'un Turc se trouve musulman sans qu'il sache pourquoi. Dans une pareille disposition, sont-ils en état de bien soutenir les coups que leur porte souvent le libertinage? Comment réfuteront-ils ou les discours impies que les incrédules tiennent devant eux, ou les doutes que leurs raisonnements captieux font naître dans le cœur de gens peu instruits; car les prétendus esprits forts se multiplient plus que jamais. La qualité d'athée, ou du moins celle de déiste n'est nullement incompatible avec des talents brillants consacrés à l'amusement des gens du siècle. Des ouvrages de ténèbres, flétris par le ministère public et dévoués aux flammes, n'en sont que plus recherchés. Les hommes sont avides de toute opinion qui pourrait flatter le penchant de leur cœur; ils aiment à s'aveugler, ils écoutent les patrons de leurs désordres, et ils ne deviennent que trop les disciples de ces sortes de maîtres, véritables échos du démon. Une infinité de faux chrétiens se font honneur de la société de ces blasphémateurs de la religion. On applaudit même à leurs railleries impies. Ce sont, dit-on, des saillies d'esprit. Une lache complaisance lie la langue à ceux qui les entendent, et en faveur de l'enjouement et du brillant de l'expression qui renferme souvent une fausse pensée, on souffre que des hommes débitent les principes d'un pur déisme, et dont ils laissent tirer les conséquences aux auditeurs. Ces conséquences ne vont pas moins qu'à insinuer que Dieu ne prend aucune part au bien ou au mal que les hommes font; que la nécessité de craindre sa justice est une terreur populaire et un vieux préjugé ; que notre nature approche fort de celle des bêtes ; qu'il y a une grande apparence que tout périt avec l'homme; que la religion chrétienne avec tous ses mystères est, de même que toutes les autres, une invention purement humaine, accréditée par la superstition des peuples, et soutenue par la politique des législateurs qui l'ont regardée comme un frein nécessaire à la tranquillité des Etats. Tels sont souvent les discours que l'impie sème avec audace; partout il laisse des traces de l'impiété de ses sentiments, semblable à ces insectes qui infectent tous les lieux par où ils passent; et s'il déguise l'horreur de ses principes sous un langage figuré ou sous l'apparence d'un système particulier donné par conjecture, les traits empoisonnés qu'il décoche n'en portent pas moins une atteinte mortelle dans le cœur d'une infinité de chrétiens chancelants dans leur foi, et achèvent souvent d'éteindre ce qui leur restait de créance

Le mal vient de plus loin. Le siècle où nous vivons fourmille d'une infinité de gens qui se piquent de science et dont une bonne partie se croient en droit de décider sur cette matière, pour avoir lu seulement les ouvrages de ces malheureux hommes qui ont employé tous les talents de leur esprit à rassembler des nuages sur la vérité de la religion, jusque à mettre en usage les sophismes les plus grossiers. La plupart de ces savants et de ces demi-savants ne croient rien ou presque rien en matière de religion; un respect politique pour les lois de l'état les retient dans le silence; ils n'osent publier la licence de leurs sentiments, mais ils se font un système et une espèce de religion de cabinet dont ils ne parlent qu'avec des personnes qui leur sont connues et qui les regardent eux-mêmes comme des oracles; là se forment souvent des ouvriers d'impiété. Mais les personnes guidées par la foi savent quel est le vide et le danger des talents humains; et lorsque ils jettent les yeux sur ces ouvrages qui sont une pierre d'achoppement pour une infinité de gens, ils gémissent de toutes les extravagances dont peut se repaitre un esprit dégoûté du vrai et abandonné à sa propre inquiétude. L'homme est destiné, quoi qu'il fasse,

à croire et à se soumettre. S'il secoue le joug de la foi, il faut qu'il sacrifie sa raison à des opinions arbitraires et insensées et plus incompréhensibles que les mystères qu'il rejette.

Cependant tout n'a pas fléchi les genoux devant Baal, il est encore des ames fidèles; il est des chrétiens qui s'intéressent à l'honneur de la religion, et qui sont bien aises d'être convaincus de sa vérité pour être en état de réfuter les objections des libertins, lorsque l'occasion s'en présente. Un chrétien doit toujours avoir les armes en main pour combattre le libertinage; il doit toujours lutter contre le torrent de ses maximes pour empêcher la prescription de l'esprit impie du monde contre l'esprit de l'Evangile. Il regarde tous ces prétendus esprits forts comme les véritables pestes d'une nation qui fait profession du christianisme,

C'est pour seconder leurs désirs et leur fournir des moyens capables de se défendre contre les discours empoisonnés des incrédules qu'on a entrepris cet ouvrage. On a eu principalement en vue cette partie d'hommes qui, sans autre secours que les lumières naturelles de la raison, veulent se convaincre, sans beaucoup de peine ni de temps, de la vérité de leur religion. C'est ce qui a déterminé à rassembler en un seul volume tout ce qui a paru le plus propre à persuader les esprits raisonnables qui cherchent sincèrement la vérité. On a tâché d'exposer dans le jour le plus favorable tout l'enchaînement des principes de la foi des chrétiens.

On s'est donc proposé de démontrer qu'il n'y a rien de plus fort que l'autorité divine, sur laquelle est établie notre religion; et en même temps qu'il n'y a rien de plus faible que les vains raisonnements de ceux qui l'attaquent.

(1) On a commencé par engager l'homme à se demander, lorsque il voit ce vaste univers avec cette terre qu'il habite, s'il le croit éternel. On lui prouve qu'il ne l'est pas, parce que la matière dont il est composé n'a pu se donner son existence; qu'ainsi il a eu un commencement, qu'il doit avoir un auteur, que cet auteur n'est autre que Dieu; on lui en démontre l'existence par les preuves les plus claires et les plus fortes, prises du raisonnement et du sentiment; on lui donne une idée des perfections divines. On fait voir ensuite que cette partie de nous-mêmes qui pense, qui désire et que nous appelons notre ame, est une substance spirituelle et immortelle; et de ce principe on conclut qu'elle a été créée pour une fin. De là on établit la nécessité d'une religion naturelle sur les notions primitives du bien et du mal que nous trouvons en nous; on fait remarquer en même temps que la dépravation du cœur humain avait corrompu cette loi naturelle et défiguré cette première religion. On prouve que l'état déplorable où était le genre humain demandait qu'il fût instruit de nouveau du culte qu'il devait rendre à Dieu. On démontre donc que Dieu a instruit les hommes de ses volontés par la voie de la révélation; que cette révélation a été faite à la nation juive; qu'elle est certaine, parce qu'elle a des caractères divins, en ce qu'elle est appuyée sur des preuves non équivoques de la puissance divine. On donne une idée des grandes vérités que cette révélation contient, savoir: la création du monde, l'unité de Dieu, la chute du premier homme, la promesse d'un libérateur annoncé pendant plusieurs siècles par les oracles des prophètes, et destiné à être le réparateur de la nature humaine, coupable dans la personne de son chef. On établit l'authenticité des livres qui sont dépositaires de cette révélation. On fait voir que le libérateur promis, appelé le Messie, est venu. On démontre l'autorité du Nouveau Testament, et on fait remarquer de quel poids est la tradition pour ce livre sacré. On établit que Jésus-Christ est le Messie, et qu'il est le fils de Dieu. On prouve sa divinité par ses miracles, sa doctrine, et surtout par sa résurrection. On porte la preuve de ce fait jusque au degré le plus fort de certitude que les hommes puissent jamais avoir. On achève les preuves de sa divinité par l'accomplissement de ses promesses, la plus grande est l'établissement de l'Eglise. On termine enfin les preuves de la religion, en faisant voir que l'établissement du christianisme porte des caractères divins, et que la religion fournit assez de preuves pour convaincre les hommes de sa vérité.

dont

Au reste on ne le dissimule point et on le déclare expressément qu'on n'a rien ajouté de nouveau aux preuves de la religion chrétienne que l'on trouve dans plusieurs livres excellents, qui ont traité à fond cette matière. C'est là qu'on peut se convaincre que la religion chrétienne est prouvée, ou que jamais rien ne le sera. Ses preuves surpassent en évidence celles des mathématiques. La doctrine de l'Eglise a été communiquée par Jésus-Christ aux apôtres, par eux transmise à leurs successeurs et à leurs disciples, scellée de leur sang, enseignée par une suite non interrompue, reçue avec docilité, défendue après trois siècles de combats par les plus grands génies, victorieuse de l'erreur et des assauts toujours renaissants du schisme et de l'hé résie; sa morale défendue et mise en pratique depuis Jésus-Christ jusque à nos jours par des hommes d'un savoir éminent. En un mot, notre religion est divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans ses effets. Tels sont les fondements inébranlables de notre espérance. Mais comme on a fait réflexion que ce qui a été dit de plus fort et de plus convaincant sur ce sujet, supposait souvent dans les lecteurs des connaissances acquises par l'étude, que le commun des hommes n'est pas en état de saisir des raisonnements métaphysiques ou abstraits et qui demandent une attention suivie, on a travaillé à dégager ce qu'il y avait de trop épineux dans les ouvrages des génies supérieurs qui ont traité cette matière; on en a exprimé la substance, et on en a formé des arguments clairs, précis, et le plus à la portée de tout le monde. On en a fait de même sur tout ce qui regarde le dogme de la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie contre les protestants; car tout ce qu'on a dit à ce sujet est une espèce d'analyse d'une partie du grand ouvrage de la Perpétuité de la foi, chef-d'œuvre de dialectique.

(1) Plan de l'ouvrage.

Ce serait une objection frivole de dire que le commun des hommes ne peut pas être instruit à fond de la religion, car il est bon d'expliquer ce qu'on entend par là. Le commun des hommes, il est vrai, n'est pas en état d'expliquer les dogmes de la foi avec l'exactitude et la précision d'un théologien; ce n'est pas de quoi il est question ici. Il s'agit seulement s'il est nécessaire et possible que le commun des hommes soit instruit et convaincu de la vérité de la religion chrétienne; en un mot, que les hommes sentent que c'est avec raison qu'ils sont chrétiens et qu'ils croient. On vient de faire voir qu'il est nécessaire qu'ils soient bien affermis dans les principes de leur religion pour résister aux coups que leur porte l'incrédulité, et le lecteur se convaincra que la chose est possible, même sans aucune étude, parce que la religion est attachée à des faits dont la vérité ne peut être contestée, et qu'il n'y a qu'à s'instruire par la lecture et faire usage de sa raison, pour s'en assurer et dissiper tous les doutes. Il s'agit donc uniquement de prouver à tous les chrétiens qui veulent se convaincre de la vérité de leur religion que cette religion est la seule véritable, parce qu'elle a des caractères divins qui marquent sensiblement que Dieu même en est l'auteur.

On avait ici terminé cette Préface, mais on a cru depuis devoir y ajouter quelques réflexions et y spécifier à quelle sorte de personnes cet ouvrage pourrait convenir.

Il peut être utile à tous les états qui sont dans la voie de l'instruction; mais principalement aux sujets qui se destinent à l'état ecclésiastique, parce qu'il est dans l'ordre qu'ils soient parfaitement instruits des grandes preuves de la religion, qu'ils les aient présentes à l'esprit, qu'ils soient toujours prêts à soutenir avec zèle et avec science la cause de cette sainte et auguste religion, dont ils doivent être un jour les ministres.

Le temps qu'un ecclésiastique passe dans un séminaire pour se préparer aux ordres sacrés, et celui du noviciat pour les sujets qui entrent dans les monastères ou dans les congrégations, semblerait le plus propre pour cette étude. Ce temps est ordinairement employé à des lectures et à des exercices de piété, propres à leur donner l'esprit de leur état. Or quel exercice plus utile et par lequel on doive plutôt commencer que de leur faire étudier les principes fondamentaux de la religion, pour qu'ils se convainquent par eux-mêmes de la force de sa

vérité?

Un homme qui possède sa matière, qui a des principes, desquels il part pour en tirer ses conséquences et arranger ses preuves, qui a présents les grands traits qui caractérisent la révélation, est bientôt en état de repousser les traits de l'incrédule; car rien n'est plus honteux, et c'est une espèce de scandale, qu'un homme qui n'a souvent d'autre qualité que celle d'homme de lettres, qui s'acquiert aujourd'hui à très-juste prix, se raille impunément de la religion en présence d'un ecclésiastique, ou même de tout homme qui croit fermement sa religion, qui la respecte et qui l'aime, et qu'il triomphe de son silence.

comme

Un autre genre de sujets à qui cet ouvrage serait propre, ce sont tous les jeunes gens qui étudient en philosophie. Comme ils ont déjà l'esprit formé et qu'ils sont en état de saisir des matières abstraites par elles-mêmes, on croit que cet ouvrage leur serait fort convenable et qu'on pourrait le leur faire étudier dans le temps qu'ils sont en métaphysique. Il y a, on sait, un grand rapport entre cette sorte de science et la religion, puisque l'existence de Dieu et des purs esprits, la spiritualité et l'immortalité de l'ame sont la base de la métaphysique. Et qu'on ne dise pas que tout ce qui pourrait sembler de surérogation déplait à cet age. Un jeune homme n'est pas toujours fixé sur ses cahiers, et parmi le grand nombre de sujets, il en est qui ont de la solidité dans le jugement et qui sont plus curieux de s'instruire que d'autres. Pourrait-on leur proposer un sujet de variété plus utile pour la suite des temps que de leur faire étudier leur religion, en y consacrant quelques heures les dimanches et les fêtes ? Un jeune homme se trouverait par là en état de démontrer avec force et avec pleine connaissance de sa matière la vérité de la religion dont il fait profession, laquelle, dans le fond, est la vraie et la plus importante thèse qu'il doit savoir soutenir.

Nous finirons par cette réflexion. On est en général trop pusillanime à l'égard des incré– dules; mais c'est leur faire un peu trop d'honneur que de les craindre. On devrait se mettre bien dans l'esprit que la plupart de ceux qui lancent des traits contre la religion blasphèment ce qu'ils ignorent. Une infinité de gens, par une conduite qui n'a d'autre principe que la corruption du cœur, lisent avec avidité les ouvrages qui attaquent la religion, et presque aucun d'eux ne daigne examiner avec attention ceux qui ont été faits pour en démontrer la vérité, quoique ils aient pour auteurs des génies qui valent bien nos prétendus esprits forts. La plupart ne les connaissent que de nom, ils aiment mieux se repaître des railleries impies et malignes, semées de côté et d'autre dans les vaines fictions, dans les systèmes monstrueux que l'incrédulité, revêtue du titre spécieux d'esprit philosophique, a enfantés de nos jours. Ils ne lisent pas même ces écrits si solides qui ont paru depuis quelques années, dans lesquels de vigoureux logiciens, de profonds métaphysiciens, encore vivants, ont vigoureusement relevé les principes dangereux répandus dans des ouvrages qu'on ne connait que trop ; qui ont fait sentir cette malignité avec laquelle on jette des doutes sur l'authenticité des monuments qui servent de base à la révélation; on égale l'homme à la béte ; on insinue le poison du matérialisme, système devenu une espèce de maladie qui fait sourdement ses ravages; on tend des piéges à tous ceux qui n'ont point de principes sur cette matière. Mais cet essaim de guépes n'aura qu'un temps. Dieu se lèvera pour venger sa cause (Ps. 3), et ses ennemis seront dissipés. Ils périront, et la vraie religion, contre laquelle ils semblent avoir conspiré, subsistera. Les vents et les tempêtes ne renverseront jamais cette colonne du Dieu vivant ( 1 Tim. 3): et les

dents du serpent se briseront contre elle (Ps. 59): Inimici tui, Domine, inimici tui peribunt (Ps. 91).

CATECHISME

DE L'AGE MUR.

CHAPITRE PREMIER.

D. Quels sont les principes qui doivent servir de préliminaire et de base aux preuves de la Religion chrétienne?

R. C'est 1° que le monde n'est point éternel, qu'il a eu un commencement et qu'il doit avoir un auteur; 2° qu'il y a un Dieu, c'està-dire une intelligence supérieure à la matière et d'une autre nature, et qu'il doit être infini dans ses perfections ; 3° que cette partie de nous-mêmes qui pense, et que nous appelons notre ame, est une substance spirituelle et immortelle; 4° que l'existence de Dieu une fois admise on doit reconnaître la nécessité d'une religion naturelle; 5° que les hommes ayant défiguré cette religion naturelle par les erreurs où leur corruption les a fait tomber, Dieu a révélé ses volontés à un peuple, le plus ancien du monde, à qui il a fait part de ses conseils et de ses desseins sur les hommes, et qu'il a instruit de quelle manière il voulait être servi, et cela par des signes évidents de sa puissance.

D. Comment prouvez-vous que le monde doit avoir un auteur, et qu'il a eu un commencement?

R. Je le prouve par les considérations sui

vantes :

1a Afin que l'univers subsiste tel qu'il est, il faut une matière, et que cette matière ait un mouvement déterminé d'une certaine manière, autrement le monde entier ne serait qu'un horrible chaos. Mais si cette matière n'a point été créée, elle existe donc par ellemême, et il lui est essentiel d'exister; supposition qui serait absurde; car il est certain qu'on ne voit point dans la nature de la matière qu'elle doive exister nécessairement, et qu'elle ne puisse pas ne pas exister. Bien plus il faut un mouvement à cette matière, mais un mouvement limité dans un degré nécessaire pour faire ces assemblages merveilleux de tant de corps répandus dans cet univers, où tout nous surprend et tout nous ravit. Il faudrait donc que cette matière se mût nécessairement; mais il est aussi peu essentiel à la nature de la matière de se mouvoir que d'exister. Cependant supposons un moment qu'il lui soit essentiel de se mouvoir; que l'incrédule nous dise qui a réduit son mouvement à la juste mesure nécessaire pour former le monde; qui est-ce qui la détermine à se mouvoir plutôt d'un côté que d'un autre? Il faut répondre; car c'est un premier principe qui doit être une intelligence infiniment sage et puissante et supérieure à la ma

tière; ou un concours fortuit de tous les atomes de cette matière qui a fait l'arrangement du monde ; mais ce concours fortuit d'atomes ou le hasard sont la même chose, et ne forment que la même idée. Le hasard est un nom vide de sens, et autant vaut-il dire que rien n'a formé le monde, et que c'est une nécessité naturelle et essentielle qu'il subsiste tel qu'il est: seconde absurdité qui résulte du système de ceux qui forcent leur esprit à nier tout, ou à douter de tout.

2o Je dis que le monde que nous habitons a eu un commencement, que par conséquent il a été créé, et je le prouve par les caractères de nouveauté qu'il est aisé de reconnaître dans les différentes parties qui le composent.

1° Il est certain que la terre reçoit des changements par le cours des années. Les pluies qui tombent sur le haut des montagnes et des collines en font rouler la terre et les abaissent sensiblement. Or si le monde avait toujours subsisté, ou qu'on ne voulût point reconnaître qu'il a eu un commencement, une étendue infinie de temps rendrait ces changements fort sensibles; et les plus hautes éminences seraient au niveau des autres parties de la terre.

2o La naissance du genre humain n'est pas si ancienne que les incrédules veulent se l'imaginer, et il est sensible qu'il a eu un chef qui a été lui-même sans père; car dans la suite des générations les branches doivent être nécessairement en plus grand nombre que le tronc plus on met le chef d'un peu◄ ple dans un siècle éloigné, plus ce peuple se trouve nombreux; et plus son chef est prochain, moins le nombre de ce peuple est considérable. D'où il s'ensuit que la multitude des hommes doit être infinie, si l'on met son chef dans un éloignement infini, et que toute la terre non seulement serait habitée, mais qu'elle n'aurait pas même assez d'étendue pour contenir la multitude des hommes qui seraient provenus par la suite des générations, dès qu'on les suppose monter à l'infini.

3o On n'a qu'à jeter les yeux sur les arts, les sciences, les lois, le commerce, les histoires, pour voir, dans leur nouveauté, celle de la société des hommes. Prenons pour exemples les lois. Nous montons du code Justinien au code de Théodose; du code de Théodose aux XII Tables; et ces lois des XII Tables les Romains les tenaient des Grecs, comme de Solon et Lycurgue, qui les avaient apprises des Egyptiens, au rapport de Plutarque dans la Vie de ces deux hommes illustres. Čes

Jois étaient encore si grossières, si on les compare avec celles que nous avons aujourd'hui, qu'il paraît bien que la jurisprudence était alors dans son commencement. On peut faire la même remarque sur les arts, le commerce, la politique, etc.

Il résulte de toutes ces observations que le monde a eu un commencement; que ce commencement n'est pas si éloigné qu'on ne puisse le reconnaitre; qu'il faut donc supposer un premier homme, destiné à être l'origine commune des autres; d'où il s'ensuit qu'il a été créé par cette même sagesse qui a créé l'univers. Or cette sagesse, ce premier principe n'est autre chose que Dieu même.

CHAPITRE II. De l'existence de Dieu.

D. Sur quelles preuves établissez-vous l'existence de Dieu?

R. Je l'établis, 1° sur le premier principe de tout le raisonnement.

2 Sur l'impression de la Divinité que le Créateur a mise en nous, et qui se fait connaître de différentes manières.

3 Sur le spectacle de l'univers.

4° Sur l'idée même que nous avons de Dieu, Je dis 1° sur le premier principe de tout le raisonnement, qui est le sentiment que j'ai de ma propre pensée, d'où j'infère que j'existe, car je dois arriver par là à la preuve de l'existence de Dieu. Je m'assure donc de mon existence en réfléchissant que je pense en effet si je pense, donc j'existe. Mais en même temps je sens que ce qui pense en moi, je ne le dois point à moi-même; qu'il n'a pas déperdu de moi de me le donner une première fois, qu'il ne dépend pas de moi de me le conserver. Je ne le dois point à un être qui soit au-dessous de moi comme la matière, car la matière ne pense point, il n'est point de son essence de penser; au lieu que la pensée est essentielle à la nature de l'homme; il faut donc que ce soit par la puissance d'un être qui m'est supérieur que j'ai reçu cette faculté de penser, par laquelle, d'un côté je me convaines de mon existence, et de l'autre ques je dois tout ce que je suis à un être au-dessus de moi et qui n'est point matière. Cet être je l'appelle Dieu.

La seconde preuve de l'existence de Dieu se tire encore de l'impression de la Divinité que le Créateur a mise en nous ce sentiment qu'il y a un Dieu est fondé sur une proportion naturelle entre cette première vérité et notre entendement. Tous les hommes qui vivent en société se sont de tous temps accordés à reconnaître cette vérité fondamentale, qu'il y a quelque sagesse qui conduit l'univers. On ne peut pas dire que ce soit un préjugé, parce que ce sentiment s'est conservé malgré tous les changements arrivés dans la société, comme le mélange des nations, les différentes inclinations des hommes et la différence de l'éducation, puisque il n'y a point de peuple ni de nation qui ne reconnaissent l'existence d'une Divinité; et quoique la plupart se soient trompés dans l'objet qui devait être cette Divinité, ils ont néanmoins admis une puissance maîtresse de toutes choses. En un mot, ce

sentiment est entièrement indépendant de l'éducation, nous l'éprouvons dès que nous voulons faire usage de notre raison. Les sens et l'imagination s'opposent quelquefois à cette vérité de l'existence d'un Dieu, parce qu'ils n'en voient point; les passions du cœur peuvent en murmurer, parce que cette vérité les mortifie toutes; mais à peine sont-elles cal→ mées, que la raison, que nous tenons de la nature, leur impose silence, et, en nous disant d'une manière très-distincte qu'il y a un Dieu, elle dissipe toutes les vaines difficultés que font naître les sens, l'imagination et les passions.

Ce sentiment de l'existence de Dieu, gravé dans le cœur de l'homme, se fera encore éprouver par les réflexions suivantes :

1° Tous les biens et tous les plaisirs du monde ne peuvent jamais remplir le vide de notre cœur. L'homme porte ses désirs au delà du temps. Ses désirs sont quelque chose de plus noble que tout ce qui en fait ordinairement l'objet. L'infinie avidité de son cœur lui fait connaître qu'il peut aspirer à un bonheur infini; ce qu'il ne connaît pas l'humilie ; ce qu'il connaît lui plaît sans le satisfaire; et ce qu'il ne peut connaître élève et enflamme son cœur et lui fait sentir que son ame ne demeurera pas toujours dans l'abaissement où elle est ; qu'elle ne sera pas toujours occupée de ces petits avantages qui font son attachement sans pouvoir faire sa satisfaction: il faut donc qu'un plus grand objet que tout ce qui est ici-bas le remplisse, Il y a donc un principe qui a mis en nous ce désir de la vie éternelle et cette capacité infinie pour un objet infini; il faut donc que ce grand objet qui a fait ainsi le cœur de l'homme existe nécessairement,

2° La crainte et la frayeur sont naturelles à l'homme or de quelque cause qu'elles viennent, elles sont autant de modifications de la crainte de Dieu qui excitent l'homme à implorer le secours de la Divinité dès qu'il voit sa vie en danger; le sentiment qu'éprouve alors son cœur lui dit qu'il y a un Dieu, et c'est à lui qu'il a recours.

3° Dieu, en nous donnant d'un côté une raison qui ne peut s'empêcher d'approuver certains devoirs et de nous les prescrire, nous a donné un cœur qui ne peut s'empêcher de craindre lorsque nous nous reprochons de ne les avoir pas remplis : de là vient même que dès que nous voyons commettre quelque injustice ou quelque violence, nous témoignons notre indignation par un mouvement qui nous est naturel. Or cette honte et ces remords, attachés au mal dès que l'usage de la raison se fait sentir en nous, viennent de la nature, et nullement de l'éducation; cela est si vrai, qu'on trouve toujours quelques vestiges de conscience dans les hommes les plus sauvages et les plus barbares. On peut donc tirer une preuve de l'existence d'une Divinité qui voit tout et qui juge tout, par cette crainte que nous avons de sa justice lorsque nous avons commis le mal.

Enfin l'expérience que nous avons de la providence sensible d'un Dieu qui veille aux

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