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DE

LA REVOLUTION

FRANÇAISE.

CHAPITRE XVII.

Nouveau serment de l'assemblée. · Discussion sur la guerre.

Troubles dans le ministère. - Voyage de Narbonne

Robespierre sur la guerre.

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accusé. Dumouriez ministre.

Opinion de

Narbonne renvoyé. Delessart

-

Le ministère des Feuillans se

retire. Ministère girondin. Conversation de Dumouriez

avec la reine.

de Molleville,

de l'Europe.

- Portrait de madame Roland.

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Aveu de Bertrand

Enumération des forces

Conduite de l'Allemagne. — Déclaration de guerre.

- Exposé des motifs par Condorcet.

LA grande question, la question de vie ou de mort pour le peuple français se débattait toujours avec la même véhémence; les opposans à la guerre multipliaient leurs efforts pour la détourner; leurs adversaires, convaincus de la nécessité de prévenir une attaque combinée de la part des puissances, poussaient les choses aux dernières extrémités, pour amener une explosion inévitable dans toutes les hypothèses.

L'impétueux Guadet, au sujet d'une déclaration de l'Assemblée nationale, qui jurait de nouveau le maintien de la constitution, s'écriait : « Apprenons, messieurs, à

tous les princes de l'Europe que la nation française est décidée à maintenir sa constitution tout entière. Oui! plutôt que de la laisser périr, nous mourrons tous ici!... A ces mots, tous les membres de l'assemblée se lèvent: Oui, nous le jurons! Les cris de vivre libre ou mourir ! la constitution ou la mort! se font entendre dans les tribunes, et sont répétés par tous les représentans. Il y avait là un nouveau serment du Jeu de Paume, mais terrible et menaçant, comme les circonstances. « Oui, nous mourrons tous ici! reprit l'orateur, quand le silence se fut rétabli; mais marquons à l'avance une place aux traitres, et que cette place soit l'échafaud!

« Je propose à l'Assemblée nationale de déclarer, dans l'instant même, infàme et traître à la patrie, coupable du crime de lèse-nation, tout Français, tout membre du pouvoir exécutif qui toucherait à la constitution, ou qui proposerait une composition avec les ennemis de la France. »

L'Assemblée, au milieu des plus énergiques protestations, adopta cette résolution, qui avait un sens beaucoup plus étendu que le sens renfermé dans les paroles de l'orateur. Il aurait exprimé toute sa pensée, et répondu à l'opinion générale, en disant: Quiconque toucherait à la liberté. Le jour même Louis XVI reçut cette déclaration par les mains de Guadet, auquel il répondit : « Vous connaissez mon attachement à la constitution. Assurez l'Assemblée nationale que je ne négligerai jamais rien de ce qui pourra concourir à son affermissement. » Dans cette même séance, Gensonné, au nom du comité diplomatique, avait fait un rapport qu'il terminait par le projet de décret suivant, fondé sur la conduite de Léopold et le traité de Pilnitz.

Art. 1er. Le roi sera invité par un message à demander à l'empereur, au nom de la nation française, des explications claires et précises sur ses dispositions à l'égard de la France, et notamment s'il s'engage à ne rien entreprendre contre la nation française, sa constitution et sa pleine et

entière indépendance dans le réglement de son gouvernement, et si, dans le cas où la France serait attaquée, il fournira les secours stipulés dans le traité du 1er mai 1756.

Art. 2. Le roi sera également invité à demander que ces explications lui soient données avant le 10 février prochain, et à déclarer à l'empereur, qu'à défaut d'une réponse entièrement satisfaisante à cette époque, ce procédé de sa part sera envisagé, par la nation française, comme une rupture du traité de 1756, et comme un acte d'hostilité envers elle.

La discussion avait été renvoyée au 17 janvier ; Brissot l'ouvrit et conclut à ce que, d'après la conduite de l'empereur, le traité de 1756 fût regardé comme rompu, et l'état d'hostilité comme existant, si l'Autriche, avant le 10 février, n'avait pas donné une satisfaction complète à la France. Dumas répondit à Brissot; il se défiait de nos ressources par une certaine timidité d'esprit qui peut s'allier avec le courage. Vergniaud réfuta Dumas. Ramond Becquey, Davrehould parlèrent en faveur du projet du comité, que combattirent Beugnot et Condorcet, qui voulaient tenter la voie des négociations. Le fougueux Isnard vota dans le sens de Brissot. Hérault de Séchelles, devenu un révolutionnaire tout entier, ferma la discusssion; et le décret, tel qu'il avait été présenté par le comité, passa à la presqu'unanimité: seulement on recula le délai donné à l'empereur d'Autriche, jusqu'au 1er mars. La décision avait été prise le 25 janvier; trois jours après, le roi répondit au décret par une lettre que l'Assemblée accueillit avec beaucoup de froideur, et qui contenait, comme toujours, des protestations qui ne parurent pas inspirer beaucoup de confiance. L'Assemblée n'avait point cédé à de vains sujets d'alarmes; tout se préparait en Allemagne pour l'envahissement de la France. Le 7 février, un traité signé à Berlin, entre l'Autriche et la Prusse, établit une alliance entre ces deux puissances, auxquelles se joindra bientôt la Russie, conjurée avec elles pour comprimer les

:

troubles révolutionnaires de la France et de la Pologne. Les rois, après avoir joué pendant des siècles le rôle de geôliers des peuples, ne sont que trop souvent prêts à devenir les bourreaux de ceux qui, las de porter des fers, osent parler de liberté tel était le crime de la France. Mais tandis que les princes du continent, soulevés par les émigrés, formaient ce concordat belliqueux et politique qu'ils renouvelleront un jour sous le titre impie de sainte-alliance, l'As semblée mettait sous le séquestre les propriétés des émigrés leurs complices. Ce décret fut rendu le 9 février à la presque unanimité. Tous les représentans pensaient avec raison que la loi avait le droit d'arracher à de coupabies enfans les moyens de nuire à leur patrie.

Le ministère, composé de deux élémens hétérogènes, était non seulement incapable de se placer à la tête du peuple et de le conduire, mais en outre la discorde régnait dans le conseil, où Delessart et Bertrand d'une part, de l'autre, Narbonne, s'efforçaient de faire prévaloir leurs idées. La presse, une partie des jacobins et de l'assemblée soutenaient Narbonne, qui paraissait marcher droit dans la carrière; ils attaquaient le parti que Delessart et Bertrand de Molleville entraînaient dans leur sphère d'activité. Ce dernier ministre devenait de jour en jour plus suspect. Cependant, lui-même et Delessart ne pouvaient éviter les sarcasmes de la cour, qui déprimait leur zèle, tandis que les émigrés taxaient leur conduite de déloyauté, presque de trahison, et agissaient ouvertement contre la France, sans s'occuper du péril que leurs menaces et leurs hostilités faisaient courir à leurs amis restés près de Louis XVI; ils ne s'inquiétaient pas plus de la situation du monarque compromis chaque jour davantage par leur imprudence. La résistance connue des émigrés aux prières et aux injonctions du roi, la virulence avec laquelle l'Assemblée nationale dénonçait la petite armée rebelle qui, sur les bords du Rhin, insultait à la France, et les préparatifs de l'étran

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