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SCENE II.

DUMONT, MATHURINE, faisant plusieurs

réverences.

DUMONT.

Point de cérémonies;

Approchez... Avez-vous honte d'être jolie?
Pourquoi cette rougeur et cet air d'embarras?

MATHURINE.

Monsieur...

DUMONT.

Ne craignez rien: où portiez-vous vos pas?

MATHURINE.

Monsieur, je vous cherchois.

DUMONT, à part.

Ceci change la note:

Me chercher! mais vraiment elle n'est pas si sotte.

MATHURINE.

Vous êtes notre maître?

DUMONT.

A-peu-près; mais voyons,

Comme au meilleur ami, contez-moi vos raisons.

MATHURINE.

Pour une autre que moi, monsieur, je suis venue.

DUMONT.

Oh! je vous vois pour vous.

MATHURINE.

Une dame inconnue,

Depuis quatre ans entiers toujours dans le chagrin,
Demeure en ce pays dans un château voisin.

DUMONT.

Achevez, dites-moi, que veut cette inconnue?

MATHURINE.

Vous voudrez l'obliger dès que vous l'aurez vue:
Je ne sais quel service elle espere de vous;

Mais sitôt qu'elle a su que vous étiez chez nous,
J'étois près d'elle alors, j'ai remarqué sa joie;
Et si je viens ici, c'est elle qui m'envoie

Vous demander, monsieur, un moment d'entretien :
Elle vous croit trop bon pour lui refuser rien.

DUMONT.

Des avances! oh, oh! le monde se renverse;
On a raison, l'aisance est l'ame du commerce:
Oui, qu'elle se présente; au reste elle a bien fait
De vous donner en chef le soin de son projet :
Quel mérite enfoui dans une terre obscure!
J'admire les talents que donne la nature;
Déja dans l'ambassade auroit-on mieux le ton,
Et l'air mystérieux de la profession,

Quand on auroit servi vingt petites maîtresses,
Et de l'art du message épuisé les finesses?
Mais ce rôle pour vous, ma fille, est un peu vieux:
Votre âge en demande un que vous remplirez mieux;
Et, sans négocier pour le compte des autres,

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Ma foi, je la prendrois, si j'étois sans emploi.
(haut.)

Tenez, je ne veux point tromper votre franchise:
Monsieur est là-dedans; vous vous êtes méprise,
Je ne suis qu'en second; mais cela ne fait rien,
Je parlerai pour vous, et l'affaire ira bien:

C'est un consolateur des beautés malheureuses,
Qui fait, quand il le veut, des cures merveilleuses.

MATHURINE.

A tout autre que lui ne dites rien sur-tout.

On vient... Chut, c'est mon pere.

DUMONT.

Oh! des peres par-tout!

SCENE III.

DUMONT, HENRI, MATHURINE.

HENRI, portant un paquet de lettres. Ah, ah! c'est trop d'honneur, monsieur, pour notre fille.

DUMONT.

Vraiment, maître Henri, je la trouve gentille.

HENRI.

Ça ne dit pas grand' chose.

DUMONT.

Oh! que cela viendra! Le temps et ton esprit... Mais que portes-tu là? HENRI, lui donnant les lettres.

Un paquet qu'un courier m'a remis à la porte.

Et qu'est-il devenu?

DUMONT.

HENRI.

Bon! le diable l'emporte,

Et ne le renverra que dans trois jours d'ici.

DUMONT.

J'entends, je crois, mon maître... oui, sortez, le voici.

SCENE IV.

SIDNEI, lisant quelques papiers; DUMONT.

DUMONT.

Oserois-je, monsieur (cela sans conséquence,
Et sans prétendre après gêner votre silence),
Vous présenter deux mots d'interrogation?
Comme j'aurois à prendre une précaution,
Si nous avions long-temps à rêver dans ce gîte,
Faites-moi le plaisir de me l'apprendre vîte,
Vu que, si nous restons quatre jours seulement,
Je voudrois m'arranger, faire mon testament,

Me mettre en regle... Enfin, monsieur, je vous le jure,
Je ne puis plus tenir dans cette sépulture:
Étant seul on raisonne, en bâille en raisonnant;

Et l'ennui ne vaut rien à mon tempérament.

Une table, une plume.

SIDNEI.

DUMONT.

Eh! mais...

SIDNEI.

Point de répliques;

Qu'on tienne un cheval prêt.

DUMONT.

Nous sommes laconiques. (il sort.)

SCENE V.

SIDNEI, assis.

Depuis qu'à ce parti mon esprit s'est rangé
Du poids de mes ennuis je me sens soulagé:
Nulle chaîne en effet n'arrête une ame ferme,
Et les maux ne sont rien quand on en voit le terme.
(après avoir écrit quelques lignes.)

O vous que j'adorai, dont j'aurois toujours dû
Chérir le tendre amour, les graces, la vertu!
Vous, dont mon inconstance empoisonna la vie,
Si vous vivez encor, ma chere Rosalie,

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