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Je vais fuir sur tes pas un palais que j'abhorre;
A moi-même rendu, je retourne au repos.
Je ne demande point le prix de mes travaux;
Quel prix plus doux pourroit flatter mon espérance?
Le ciel dans tes vertus a mis ma récompense;
Je vais tout disposer. Édouard amoureux

Doit lui-même bientôt t'instruire de ses vœux :
Je m'en remets à toi du soin de les confondre,
Et je veux te laisser la gloire de répondre.

SCENE III.

EUGÉNIE.

Ainsi tous mes malheurs ne m'étoient pas connus!
Il m'aimoit, et je pars!... Je ne le verrai plus!...
Toi qui fais à la fois mon bonheur et ma peine,
Le sort avoit donc fait mon ame pour la tienne!
Mais de ce même sort quel caprice cruel

Éleve entre nous deux un rempart éternel!

Cher prince, il faudra donc que cette bouche même,
Qui devoit mille fois te jurer que je t'aime,
Trahisse en te parlant le parti de mon cœur!...
Fuyons... Mais le roi vient. Toi qui vois ma douleur,
Ciel, cache-lui du moins...

Où me réduit l'ingrat! Que sert ce diadême
Si je ne puis enfin couronner ce que j'aime?
Mais quel est cet hymen dont on défend les droits?
Quels sujets orgueilleux ! est-ce un peuple de rois?
Quelles sont ces vertus farouches et bizarres?

Le devoir en ces lieux fait-il donc des barbares?
Par un terrible exemple il faut leur enseigner
Qu'il n'est ici qu'un maître, et que je sais régner.
Holà, gardes!

SCENE VI.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Volfax, venge-moi d'un rebelle.

VOLFAX.

Seigneur, nommez le traître, et cette main fidelle... ÉDOUARD.

Au nom du criminel tu frémiras d'effroi.

Ce sage révéré, cet ami de son roi,

Comblé de mes bienfaits, chargé de ma puissance, Le croiras-tu? Vorcestre, oui, Vorcestre m'offense; Il ose me trahir.

VOLFAX.

Vorcestre! lui, seigneur!

Lui qui parut toujours l'oracle de l'honneur!

Peut-être en croyez-vous un douteux témoignage?

ÉDOUARD.

Je n'en crois que moi-même, et j'ai reçu l'outrage;
Cet esprit de révolte éclaire enfin mes yeux,
Et me confirme trop des soupçons odieux.

VOLFAX.

On vient de m'annoncer la trame la plus noire...
Je le justifiois... O ciel! qu'on doit peu croire
Aux dehors imposants des humaines vertus!
ÉDOUARD.

Parle; que t'a-t-on dit? rien ne m'étonne plus.

VOLFAX.

Dispensez-moi, seigneur, d'en dire davantage;
Il est d'autres témoins des maux que j'envisage,
Et je crois avec peine un si noir attentat.

ÉDOUARD.

Acheve, je le veux; je crois tout d'un ingrat.

VOLFAX.

J'obéis, puisqu'enfin ce n'est plus qu'un coupable:
Je vois que son forfait n'est que trop véritable;
Je rapproche les temps, ses projets, ses discours.
Dans le conseil, seigneur, vous l'avez vu toujours
Contraire à vos desseins, contraire à votre gloire;
Il tâchoit d'étouffer l'amour de la victoire :
Je vois trop maintenant par quels motifs secrets
Ses dangereux conseils ne tendent quà' la paix.

ÉDOUARD.

Oui, tu m'ouvres les yeux; aujourd'hui même encore, Trahissant le renom dont l'univers m'honore,

Il m'osoit conseiller un indigne repos.

VOLFAX.

Pour en savoir la cause apprenez ses complots;
Dans la sécurité d'une paix infidelle
On vous laisse ignorer que l'Écosse rebelle...

ÉDOUARD.

Je ne le sais que trop; de fideles sujets

M'ont découvert sans lui ces mouvements secrets.

VOLFAX.

De ces déguisements l'honneur est-il capable?
Qui peut taire un complot lui-même en est coupable.
Peut-être jusqu'au trône osant porter ses vœux,
Appui des Écossois, il veut régner sur eux;
C'est pour favoriser ces ligues ennemies
Qu'il prétend séparer vos forces réunies,
En des ports différents disperser vos vaisseaux,
Et borner à régner le destin d'un héros.

Il avoit des vertus, il avoit votre estime,

Seigneur; mais pour régner quand il ne faut qu'un crime,
L'honneur est-il un frein à l'orgueil des mortels?
L'espoir du trône a fait les fameux criminels,

Et, fausse trop souvent, cette altiere sagesse
N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa bassesse.
ÉDOUARD.

Le perfide!

VOLFAX.

Je crains autant que sa fureur

Ce renom de vertu que lui donne l'erreur;

Par ces vains préjugés, entraînés dans ses brigues,

Tous croiront vous servir en servant ses intrigues;
De la rebellion l'étendard abhorré

Deviendroit dans ses mains un étendard sacré...
ÉDOUARD.

Va; qu'on l'amene ici... Mais que vois-je? il s'avance.

SCENE VII.

ÉDOUARD, VORCESTRE, VOLFAX.

VORCESTRE.

Daignez remplir, seigneur, ma derniere espérance.
Si le ciel m'eût permis de consacrer toujours
Au bien de cet état mes travaux et mes jours,
J'eusse été trop heureux: par un destin contraire,
Forcé, yous le savez, au malheur de déplaire,
Trop vrai pour me trahir, je dois, fuyant ces lieux,
Soustraire à vos regards un objet odieux.
Souffrez donc qu'aujourd'hui dans un obscur asile,
Inutile à l'état, moi-même je m'exile.

Ne tenant plus à rien que par de tendres vœux
Pour la félicité d'un peuple généreux,
J'attendrai sans regret la fin de ma carriere,
Si, d'un dernier regard honorant ma priere,
Vous conservez, seigneur, par de justes projets,
Le premier bien d'un roi, l'amour de vos sujets.
ÉDOUARD.

Vous apprendrez dans peu ma volonté suprême ;

Sortez.

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