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au commerce, que la continuation des hos tilités?

La publication du traité définitif, loin de calmer ces inquiétudes, ne fit que les accroî tre, il n'y eut pas un seul article qui ne fût amèrement critiqué. On reprocha aux ministres d'avoir négligé de renouveler les anciens traités, et particulièrement celui de 1783, dont les clauses étaient favorables au commerce anglais qu'aujourd'hui l'on tendait à exclure du continent. Lord Grenville, dans la chambre des pairs, après avoir reconnu que le pouvoir auquel la constitution donne le droit de conclure les traités, engageait nécessairement la foi de la nation, et que le traité ratifié par le roi, devait être fidèlement exécuté, dit qu'il n'en fallait pas moins marquer du sceau de l'improbation nationale. aux yeux de sa majesté, les ministres assez impolitiques et assez pusillanimes pour l'avoir négocié et en avoir conseillé la ratification. Il démontra dans un discours trèsétendu et brillant d'éloquence, que les ministres avaient considérablement affaibli la

puissance anglaise dans les colonies, et n'avaient tenté aucun effort pour diminuer celle de la France sur le continent. M. Wyndham, dans la chambre des communes, ne fut ni moins disert ni plus modéré; il s'attacha surtout à prouver que les arrangemens relatifs à l'île de Malte n'étaient en réalité qu'une cession à la France; que l'ordre des chevaliers était dégradé par l'intromission d'une langue maltaise, et que l'établissement d'une garnison sicilienne, et la protection du roi de Naples, devenu tributaire de la France, étaient des garanties dérisoires; qu'il eût mieux valu remettre l'île aux Français, et exiger la cession d'une possession équivalente. Le fougueux orateur ne se borna pas à relever tous les avantages abandonnés à la France, par cette paix, dans les différentes parties du globe; mais remontant aux premières causes de la guerre, il dit qu'on avait manqué le but en poursuivant la conquête des colonies; il rappela les expéditions de Toulon et de Quiberon, s'applaudit de les avoir hautement approuvées, et vanta la fermeté de

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son honorable ami, M. Pitt, qui avait ré clamé sa part de la responsabilité. Celui-ci le rappela à l'ordre, et lui fit observer qu'il n'avait pas le droit de parler des opinions émises dans le cabinet, et dans les confidences officielles sur la conduite de la guerre. M. Wyndham termina ce discours, qui né dura pas moins de trois heures, par un ef frayant tableau du triomphe des principes révolutionnaires, dont le danger, disait-il, était d'autant plus pressant qu'il n'était pas senti par le peuple. Il vota l'adresse au roi, avec l'amendement proposé par lord Gren ville. Les ministres et leurs amis défendirent le traité dans l'une et l'autre chambre, par les mêmes argumens qu'ils avaient fait valoir pour soutenir les préliminaires. Lord Haw kesbury, dans la chambre des communes, rés pliquant à M. Wyndham, exposa l'historique et tout le système de la pacification. « On ne >> pouvait, disait-il, renverser sur le con»tinent les bases fixées par le traité de » Lunéville, et méconnaître les cessions con>> senties par tout le corps germanique; 'il ne

», restait donc plus qu'à maintenir l'intégrité » de l'empire britannique, obtenir pour nos >> alliés les meilleures conditions possibles, » et assurer à l'Angleterre la conservation » de ses conquêtes les plus précieuses, les >> deux plus importantes possessions dans » les Indes orientales et occidentales: une » telle paix est sans doute honorable..... Il >> ne pensait pas que l'Angleterre dût s'en»gager dans une guerre continentale, parce >> que telle ou telle puissance tomberait sous » l'influence de la France, sans considérer >> jusqu'à quel point la question affecterait >> les intérêts intérieurs et extérieurs de la » Grande-Bretagne : si l'on n'avait pas jugé » qu'il fût raisonnable de continuer la guerre » pour la Hollande et les Pays-Bas, bien >> moins encore devait-on la continuer pour » l'Italie, quand la Prusse et la Russie ve>> naient de reconnaître ses nouvelles con>>stitutions ». Lord Hawkesbury justifia successivement par de semblables raisonnemens, tous les articles du traité, et particulièrement celui de la restitution de l'île de Malte,

au légitime souverain ainsi qu'on l'avait solennellement promis dès la prise de possession. L'adresse proposée par les ministres fut votée à une majorité de deux cent cinquante-six voix. Les principaux traits de ces débats, qui servent à faire connaître la situation respective des partis, et à juger de leur influence sur les événemens ultérieurs, prouvent aussi l'avantage du gouvernement monarchique représentatif. Aucun des objets qui intéressent la nation, lors même que la constitution en réserve la décision péremptoire au seul chef de l'État, n'y peut être soustrait à l'investigation publique des motifs qui l'ont déterminé, ni par conséquent à l'influence de l'opinion. Dans une monarchie absolue, l'intrigue peut cacher quelque temps, ou du moins colorer ces motifs s'ils sont contraires ou seulement étrangers à l'intérêt national. Le meilleur prince et le plus éclairé n'a point de garantie contre ces ténébreuses déceptions; la nation n'en a point contre des fautes qui peuvent entraîner sa ruine et son déshonneur. Tout au contraire, en pré

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