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dirigeaient les deux nations ». Quelque spécieux que fût le motif de ne pas retarder la conclusion de la paix par une discussion incidente qui touchait à tant d'intérêts, les amis de l'humanité regretteront toujours que les deux puissances maritimes prépondérantes n'aient pas saisi cette occasion de faire cesser un brigandage atroce, dont la tolérance est une tache au siècle de' la civilisation. Les hautes parties contractantes, en s'accordant sur la neutralité per manente de l'ordre de Malte, en ouvrant ce beau port au commerce et à la navigation de toutes les nations, devaient s'interposer efficacement, armer de concert une escadre respectable, uniquement destinée à purger les mers de ces forbans, et à les contraindre de renoncer à leur système d'hostilité habituelle. Peut-être cet effort commun pour garantir la liberté de la navigation, les relations qui se seraient établies entre les deux marines auraient-elles produit un rapprochement plus sincère et plus utile au maintien de la paix que les garanties écrites. Cependant

les deux gouvernemens s'allachèrent bien moins à cet objet si digne de leur sollicitude, qu'à satisfaire leur méfiance réciproque sur l'avantage que l'un ou l'autre pourrait conserver dans la situation ultérieure où se trouverait l'île de Malte. C'était le noeud de l'affaire, et le principal dissentiment reparaissait lorsqu'il fallait régler la composition de la garnison qui devait, à l'époque de l'évacuation, relever les troupes anglaises. Le premier Consul voulait que l'indépendance fût établie de droit et de fait, par la faculté qu'on laisserait à l'ordre de former la garnison de Maltais et de recrues levées parmi les natifs des pays qui continueraient à posséder des langues. Les Anglais, au contraire, ne se fiaient pas à ce mélange de soldats de diverses nations, et plus certains de leur influence à la cour de Naples que sur aucune autre puisils ne consentaient à évacuer l'île et ses dépendances dans les trois mois qui suivraient l'échange des ratifications, qu'à condition que les troupes napolitaines y tiendraient garnison pendant trois ans.

sance,

Pendant que les deux gouvernemens délibéraient sur les projets et les contre-projets discutés par leurs plénipotentiaires relativement à la restitution de Malte, ceux-ci s'occupaient à régler des stipulations moins litigieuses, et sur lesquelles les préliminaires avaient donné des bases plus positives : les restitutions des colonies, la levée des sequestres et plusieurs autres objets d'une moindre importance furent réciproquement consentis. La demande faite par la France, d'une augmentation de territoire et du commerce français dans l'Inde, ne fut point admise. Celle relative à la protection des pêcheurs français à l'île de Terre-Neuve, et à la reconnaissance de leurs droits si fréquemment contestés, fut longuement controversée. Enfin, la rédaction du plus grand nombre des articles sur lesquels les plénipotentiaires n'avaient pas eu à référer à leurs gouvernemens, fut arrêtée dans les premiers jours de février.

Mais l'affaire de Malte n'avançait point. Lord Cornwallis, dans la séance du 18 février,

communiqua et fit insérer au protocole la réponse négative du cabinet britannique aux dernières propositions du plénipotentiaire Joseph Bonaparte. Il établit que l'ordre de SaintJean de Jérusalem ne pouvait, par ses propres forces, jusqu'à une époque très-éloignée, , maintenir l'indépendance de l'île contre une attaque du dehors, ni se soutenir contre l'opposition dangereuse qu'il aurait à éprouver de la part des habitans; il affirmait, d'après des informations positives, que les Maltais ne cessaient de manifester la plus grande animosité contre l'ordre. Il rappelait les concessions qu'il prétendait que Joseph Bonaparte avait faites ou laissé entrevoir dans de premières conférences à Paris, avant la réunion du congrès; il insistait de nouveau sur la nécessité d'exécuter l'article 4 des préliminaires, et de donner, par la présence d'une force étrangère appartenant à une puissance tierce, la protection efficace dont on était convenu, et non une garantie illusoire. L'Angleterre exigeait que les droits de suzeFaineté du roi des Deux Siciles sur les

îles de Malte, de Gozo et de Comino, fussent solennellement reconnus et confirmés comme étant irrévocablement annexés à la couronne des Deux-Siciles; et qu'à cette cause, sa majesté sicilienne fournît une force de deux mille hommes pour servir de garnison dans les forteresses de l'île, jusqu'à ce que l'ordre fût en état de lever un nombre suffisant de troupes de la manière convenue.

Le plénipotentiaire français, loin d'admettre cette interprétation rigoureuse des préliminaires, expliqua dans une note fort étendue, le sens et le peu d'importance de ses premières conversations sur cet objet avant la réunion du congrès. Il niait le prétendu mécontentement des Maltais, et insistait en ces termes pour l'entière indépendance: « Les moyens d'exécution des pré>>liminaires sont abandonnés à la sagesse » et à la bonne foi des deux gouvernemens; >> ils doivent faire tout pour que Malte soit » à l'ordre et rien au-delà, rien de ce qui >> pourrait restreindre sa prérogative, rien » de ce qui, au lieu d'offrir une protection.

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