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espèce de manifeste, Bonaparte se hâta de faire notifier à toutes les puissances la nouvelle constitution de la république italienne. La dépêche circulaire du ministre des relations extérieures, M. de Talleyrand, expliquait, sans détour, les motifs qui avaient déterminé le premier Consul. « Il a voulu, >> disait-il, que l'accomplissement du vœu >> de cette nation s'accordât avec les prin»cipes de son indépendance. Il a senti que » la tranquillité générale de l'Europe était » liée à celle de chacun des états qui en font » partie. Après avoir voué tous ses efforts à >> terminer la guerre qui l'a si long-temps - » désolée, il désire que l'influence de la sa» gesse éteigne au sein de toutes les nations » qui sont dans la sphère de ses alliances, >> tout principe de méfiance, d'incertitude >> et d'agitation ».

En politique ainsi qu'à la guerre, quand l'occasion est bien saisie, les moyens calculés, le temps mis à profit, le coup frappé, le succès justifie les témérités. Cette opération, que les Anglais appelèrent la restaura

tion de l'empire d'occident, n'excita pas une plainte de la part des puissances. Le roi de Prusse s'empressa de faire présenter par son ambassadeur ses sincères félicitations; l'Autriche, plus affectée de cette violation implicite du traité de Lunéville, se borna à tém moigner, pár une expression ambiguë, qu'elle avait appris cet événement avec un vif intérêt. Le premier Consul satisfait, pressa l'installation du gouvernement de la république italienne, et traça de sa main les limites de son territoire. On s'aperçut que depuis son retour de Lyon il mettait plus d'arbitraire et d'austérité dans l'exercice du pouvoir, et plus de splendeur dans sa représentation. L'opposition libérale, mais à ses yeux séditieuse, qu'avaient rencontrée quelques-unes de ses mesures législatives, et quelques parties du code civil; les murmures des hommes mécontens dans les partis extrêmes, et dont on s'efforçait, au dehors, d'exagérer l'importance, irritèrent sa fierté, et le portèrent à des actes d'une injuste sévérité : ce fut alors qu'il écarta du tribunat des hommes

distingués par leurs sentimens patriotiques et par leurs talens, qu'il exila des femmes, des auteurs dont les correspondances et les ouvrages faisaient supposer des intrigues politiques ou prêtaient à des allusions. On s'étonne toujours que les chefs des nations, quand leur autorité fondée sur les lois et soutenue par l'opinion, n'est pas contestée, ne sachent pas la maintenir sur ces généreux appuis, et la fassent descendre jusqu'à ces misérables persécutions qui l'énervent et la déshonorent.

CHAPITRE VII.

Conférences et paix définitive d'Amiens entre la République française, la Grande-Bretagne, l'Espagne et la République batave. Conclusion du concordat pour le rétablis sement de l'Église catholique en France. - Organisation des divers cultes. - Principes monarchiques rappelés. Consulat à vie. Institution de la légion d'hon

neur.

Les mêmes motifs qui depuis la signature des préliminaires avaient porté le premier Consul à différer la conclusion du traité définitif, le déterminèrent à la hâter aussitôt qu'il eut réglé les affaires d'Italie, et profité du vague de la situation générale, pour effectuer les réunions de territoires à sa convenance. Maintenant qu'elles étaient consommées, il lui importait de les faire reconnaître dans l'acte solennel par lequel les hautes parties contractantes devaient se garantir réciproquement leurs possessions.

Dans toute espèce de transaction, les délais sont profitables au plus fort, et Bonaparte était surtout habile à faire valoir ses avantages. L'un de ceux qu'il avait le plus à cœur de réaliser dans l'intervalle entre la signature des préliminaires, et la conclusion du traité définitif, était la soumission de la colonie de Saint-Domingue; les forces considérables de terre et de mer qu'il y destina, l'activité qu'il mit aux apprêts de cette expédition, la sécurité avec laquelle il se hasardait à l'entreprendre et à compromettre le reste de la marine, établirent en Europe et même en Angleterre, l'opinion que la paix était dans ses mains, et qu'il n'avait aucun ménagement à garder. Quel souverain donna jamais un tel signe de puissance? Nous réservons pour les chapitres suivans, ainsi que nous l'avons annoncé, tout ce qui est relatif à cette expédition, dont les détails et les événemens coïncident, pour la plupart, avec la grande affaire du traité d'Amiens. Nous fixerons d'abord uniquement sur celle-ci l'attention de nos lecteurs, en suivant, comme nous

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