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exécutif. Le Directoire répondit à cette opposition par un coup d'état, et déclara par une nouvelle proclamation la dissolution des deux chambres du Corps législatif : les salles des séances furent fermées; le bataillon des gardes fut délié du serment; tous les employés furent congédiés, et quelques personnes furent arrêtées. Il est inutile d'ajouter qu'à La Haye comme à Berne, la présence des troupes françaises assura la prompte exécution de ces mesures de salut public, et prévint les éclats des factions coutre lesquelles elles étaient dirigées. N'ayant plus nulle part la force armée à leur disposition, la fureur des partisans de la démocratie s'exhalait en murmures, en vaines déclamations contre le système de contre-révolution qui détruisait leur funeste puissance. La nouvelle constitution donnée à la Hollande, était plus qu'aucune autre appropriée au génie, aux mœurs, aux coutumes de la nation : le Corps législatif, composé de trente-cinq députés, rappelait les anciens états-généraux : la démarcation des

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départemens était la même que celle des Provinces-Unies; le conseil d'état, composé de douze membrės, dont le président n'était élu que pour trois mois, avait plus de pouvoir, et des attributions plus étendues qu'on n'en n'avait jamais accordés au stathouder.

Le résultat des votes recueillis dans les municipalités et dans les tribunaux, fut que sur 416,419 citoyens ayant droit de voter, 52,219 rejetèrent le projet de constitution; son acceptation fut en conséquence solennellement proclamée; le silence de ceux qui s'abstinrent de voter ayant été regardé comme un assentiment. On voit par ce résultat, et l'on doit remarquer à l'honneur du caractère hollandais, que depuis l'invasion du territoire, la plus grande partie de la nation ne prit aucune part à tous les changemens politiques; elle se soumit avec résignation à la loi de la nécessité, demeura impassible au milieu des plus grands désastres sans que rien pût altérer sa constance, ses habitudes civiles, et ses pratiques religieuses. Cette fois, du moins, la nouvelle forme

de gouvernement garantissait les propriétés; et dès qu'elle fut établie, l'abolition des con fiscations, la levée des sequestres, la révision des lois vexatoires ramenèrent la con fiance et le crédit. L'armée française, qui jusques alors avait occupé la Hollande, reçut l'ordre de se retirer; il n'y resta qu'un corps de huit à dix mille hommes. Enfin, la paix achetée par tant de sacrifices, vint ranimer le commerce languissant et l'espoir de réparer de si longs malheurs.

L'ordre chronologique des événemens (dont nous ne nous écartons quelquefois que pour ne pas entrecouper nos récits, et pour éviter de fatigantes répétitions) aurait exigé que nous eussions placé ici immédiatement après la publication de ces divers traités, la formation du congrès d'Amiens; mais ne pouvant clairement expliquer à la fois, malgré leur connexité, les trois grandes affaires que le premier Consul menait de front à cette époque, nous comprendrons d'abord, dans ce chapitre, tout ce qui a rapport aux affaires d'Italie, et aux grands changemens

qu'y apporta la nouvelle constitution de la république cisalpine; nous réserverons pour le chapitre suivant qui sera uniquement con

cré à cet objet, l'entière négociation du traité définitif à Amiens, et nous ferons ensuite, sans nous interrompre dans les derniers chapitres de ce volume qui compléterá la campagne de 1802, l'historique de l'expédition de Saint-Domingue.

Bonaparte mûrissait depuis long-temps le projet de régner en Italie, et l'on peut croire qu'après sa victoire à Marengo, et son entrée triomphale à Milan, il résolut de ne laisser jamais échapper de ses mains les rênes du gouvernement de ces belles contrées qu'il avait deux fois conquises. Le régime qu'il avait d'abord établi en Lombardie n'était qu'un mode provisoire d'exercer son autorité; il n'y avait dans cette republique idéale, il ne pouvait y avoir d'autre règle que sa volonté. La faction révolutionnaire étant contenue par la présence des troupes françaises, et par la vigueur de la police militaire, les grands propriétaires, la haute noblesse, le clergé, et à

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leur exemple, les classes industrieuses avaient confiance dans le protectorat du premier Consul. Le traité de Lunéville ayant fait reconnaître la république cisalpine, l'esprit public en acquit plus de force, et l'on attendait avec impatience de voir établir par une constitution appropriée au caractère et aux mœurs des peuples de la Haute-Italie, l'indépendance de ce nouvel état, garantie solennellement par la France, l'Autriche et l'Empire.

On voit quelle était la situation politique de Bonaparte à l'égard de la république cisalpine s'il l'émancipait et la laissait se constituer et se gouverner elle-même, il perdait tout l'avantage de sa conquête; les liens qui l'attachaient à la France ne pouvaient manquer de se relâcher, de plus en plus, et le moindre désordre la livrait à la puissance rivale; s'il continuait à la retenir dans la dépendance, il violait manifestement l'article du traité de Lunéville, conçu en ces termes « Les parties contractantes se ga>> rantissent mutuellement l'indépendance

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