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PRÉCIS

DES

ÉVÉNEMENS MILITAIRES.

CAMPAGNE DE 1802.

CHAPITRE VI.

Conséquences des préliminaires de paix. Le premier Consul affermit sa politique et découvre ses vues. Ses traités avec

Son

diverses puissances Son influence en Suisse. Nouvelles formes de gouvernement en Hollande et en Italie..

La guerre de dix ans terminée par les pré-, liminaires, signés à Londres, le 1er octobre 1801, avait embrasé l'Europe; les relations des divers États successivement enveloppés dans cette immense calamité, en avaient

:

étendu le fléau à toutes les parties du monde 'civilisé. Les bases de la société partout ébranlées ne pouvaient se rasseoir que dans l'état de paix. La fortune des armes eût-elle été aussi contraire à la France qu'elle lui fut prospère, ses défaites, loin d'étouffer les principes de la liberté, comme l'ont toujours pensé les partisans de la monarchie absolue, leur auraient donné plus de force et d'intensité dans la cause nationale, on ne se sent point humilié humilié par les revers; l'indépendance morale ne saurait être atteinte, le caractère se retrempe, et l'esprit public se relève sous le joug du vainqueur; aussi malgré l'envie qu'excitaient les succès des armes françaises, et pa glorieuse dont elles étaient couronnées, les gouvernemens ne songèrent d'abord qu'a recueillir, chacun dans sa sphère et selon sa position, les divers avantages qu'ils pouvaient s'en promettre. On ne doit point croire sur la foi de quelques publicistes, dont les prédictions se trouvèrent démenties par cet événement, que les grandes puissances belligérantes, l'Au

triche et l'Angleterre, n'eussent fait que céder à la nécessité, et colorer une trève dans l'intention de reprendre les armes. On ne trouve ni dans les documens publics, ni dans les correspondances particulières, rien qui puisse autoriser cette supposition injurieuse pour les hommes d'état qui dirigeaient les affaires, à cette époque, dans les cabinets de Vienne et de Londres. Il arrive trop souvent que les écrivains contemporains veulent enchaîner l'un à l'autre les divers événemens de la période qu'ils ont embrassée, et que dans la recherche des causes qui les ont amenés, ils considèrent comme des preuves historiques leurs propres conjectures; nous tâcherons d'éviter cet écueil; nous dirons que la paix générale dont les préliminaires de Londres donnaient Fassurance, eut l'assentiment commun des souverains et des peuples, et que cet assentiment fut aussi sincère que les témoignages de reconnaissance justement adressés au premier Consul ; là, sa gloire était pure, et jamais, sans doute, l'ambition n'eût atteint un plus noble but

si la liberté eût pu s'asseoir avec lui sur le char triomphal, au lieu d'y être enchaînée.

La nouvelle de la signature et de la ratification des préliminaires de Londres, pro duisit dans les différentes cours une sensation d'autant plus vive, qu'elle était plus inattendue, à cause des délais qui avaient fait douter long-temps du succès de la négociation, et du secret que les deux gouvernemens avaient un égal intérêt à ne point laisser pénétrer. L'effet immédiat de cette transaction, fut d'affermir et d'accroître l'influence du premier Consul,. et d'établir plus solidement l'exercice régulier de son autorité suprême sans contrôle, sans contrepoids, ce qu'il croyait tre un système de gouvernement: il ne coneevait pas qu'on pût en appliquer un autre à un état tel que la France; il n'admettait en politique d'autre puissance que la force, d'autre ressort que la crainte, d'autre garantie que la prépondérance des armes. Après cette grave accusation devant le tribunal de la postérité, tribunal- que le

progrès des lumières et de plus heureuses expériences rendront de siècle en siècle plus sévère sur ces déplorables illusions, il est juste de dire que le général Bonaparte ne parut sur la scène du monde qu'il devait un jour occuper presque seul et tout entière, qu'au milieu des horreurs de la révolution; resté jusques alors étranger aux affaires, il n'avait vu que la corruption de la République. Lorsque la victoire le porta si rapidement au faîte du pouvoir, pouvait-il, par ses propres lumières, dissiper les ténèbres, et découvrir l'esprit vivant de la nation dans le chaos de l'anarchie? Au lieu de lui faire un crime d'avoir méconnu l'opinion publique et dédaigné son appui, ne faut-il pas reconnaître que, dominé par son génie, entraîné par ses habitudes guerrières, il ne dut apercevoir d'autre moyen de gouvernement que la dictature militaire? Tout concourut à le seconder, et les hommes et la fortune; quel Français eût pu songer à accuser d'usurpation et de tyrannie, celui qui brisait ses fers? Cette dictature fut alors le salut de la France, et du

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