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dévoilant le secret de la négociation, en démontrant par un malheureux sophisme, qu'on n'avait voulu faire porter l'article que sur les émigrés; qu'eux seuls étaient sujets français sans être citoyens, fussent-ils même naturalisés en Russie. Après quelques explications officielles données par le conseiller d'État de Fleurieu, sur la réciprocité de cette clause et ses avantages pour la République, le traité fut sanctionné par le Corps législatif, à une forte majorité. Ah! qu'il eût été généreux et plus digne de la sollicitude des vrais amis de la liberté, de s'élever non contre de vaines expressions, mais contre l'objet même de cette convention, contre ce premier exemple trop bien imité depuis, d'une violation authentique, et au nom de la paix, du droit d'asile et d'hospitalité, le plus sacré de ceux que puissent réclamer le malheur et l'humanité!

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La conclusion du traité avec la Russie, fut immédiatement suivie de la signature des articles préliminaires de paix entre la République française et la Porte ottomane, par

le ministre des relations extérieures, et l'ambassadeur turc Esseyd-Ali-Effendi, le 9 octobre. Ce traité stipulait l'évacuation de l'Égypte, la reconnaissance et la garantie par les deux parties contractantes, de la république des Sept-Iles, et des pays ex-vénitiens situés sur le continent; il renouvelait les anciens traités, réintégrait les Français dans les droits de commerce et de navigation dont ils avaient joui avant la guerre, et leur assurait à l'avenir les mêmes avantages que ceux qui seraient accordés aux nations les plus favorisées. Le premier Consul, qui depuis la capitulation du Caire et les derniers rapports qu'il avait reçus, avait dû perdre tout espoir de reconquérir et de conserver l'Égypte, s'attacha à faire valoir l'évacuation de cette belle colonie, objet de ́tant d'efforts et de regrets, comme si elle eût été spontanée; il manoeuvra en habile politique, n'ayant plus qu'à sauver l'honneur des armes, et persuadé que la place d'Alexandrie où le reste de l'armée d'Orient était renfermé, pouvait te

nir plus long-temps, ou feignant de le croire, il présenta dans son ultimatum des préliminaires de Londres, la clause de l'évacuation de l'Égypte, et la garantie de l'intégrité de l'empire ottoman, comme un équivalent à la restitution des colonies françaises. Le ministère anglais moins bien informé, douta du succès, et craignit les longueurs et les désastres d'un grand siége. Pendant la négociation, Bonaparte profitant des apprêts qu'il avait faits à Otrante, à Ancóne, et dans quelques autres ports de l'Adriatique, avait menacé les Turcs d'une expédition contre leurs possessions d'Europe; et ceux-ci pour conjurer ce nouvel orage, avaient proposé de faire avec la France une paix séparée dont la base et la première condition serait l'évacuation de l'Égypte. Les choses en étaient à ce point, lorsque le jour même de la signature des préliminaires, le 2 octobre, le gouvernement anglais reçut la nouvelle de la capitulation d'Alexandrie, qui fut annoncée dans la gazette de Londres, et parvint à Paris peu de jours après. Le premier Consul

se hâta de conclure son traité préliminaire avec la Porte, et ne laissa éclater la nouvelle de la prise d'Alexandrie, que le lendemain de la signature de ce traité.

Les Anglais se plaignirent de cette subtilité diplomatique, dont ils firent honneur à M. de Talleyrand: ils prétendirent que l'ambassadeur supposé, Esseyd-Ali-Effendi, n'avait aucun pouvoir de sa cour, pour une semblable négociation; que ce personnage retenu en France comme otage depuis 1793, avait été tout à coup tiré de l'obscurité de sa retraite pour jouer le rôle de négociateur, sans mission; ils virent avec dépit que les libérateurs de l'Égypte n'obtiendraient de la Porte ottomane aucune faveur qui ne fût également accordée aux Français, lesquels, disaient-ils, au mépris des anciens traités, après avoir pendant trois ans ravagé et opprimé l'Égypte, avaient été tout près de détacher de l'empire turc la plus importante de ses provinces.

Après ce traité avec la Porte, improvisé disait-on à Londres, si lestement et si à

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propos, parut celui conclu quelques mois auparavant avec l'électeur palatin de Bavière; celui-ci n'avait en apparence d'autre objet

que la renonciation formelle de la maison de Bavière, aux droits de souveraineté qu'elle avait exercés jusques alors sur les duchés de Juliers, et de Deux - Ponts, et sur les bailliages du palatinat du Rhin, situés sur la rive gauche de ce fleuve. Le traité de Lunéville ayant assuré à la France la possession de ces provinces, et l'Empire s'étant obligé à dédommager les princes héréditaires dépossédés, cette transaction particu-, lière n'ajoutait rien à un état de choses déjà fixe, et semblait être superflue. Mais des intérêts mutuels nés de nouvelles circonstances, amenèrent ce rapprochement, et déterminèrent l'électeur de Bavière à rechercher l'appui de la France; s'il donnait spontanément, par sa rénonciation, une preuve de la sincérité de son adhésion au système politique de la France, un gage de sa bonne foi et de sa fidélité, il en recevait la confirmation de

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