Page images
PDF
EPUB
[graphic][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

ARGUMENT.

ANNE ERIZZO étoit fille de Paul Erizzo, Noble Vénitien, qui avoit le Gouvernement

de Négrepont, lorfque Mahomet II l'affiégea en 1469. Ayant été obligé de se rendre après une vigoureuse réfiftance, il ftipula qu'on lui fauveroit la vie; mais Mahomet, fans égard pour la capitulation, le fit scier en deux, & trancha lui-même la tête à Anne, parce qu'elle n'avoit pas voulu condescendre à fes volontés.

Morofini, Amelot de la Houffaye, Freschor, aités par Moréri, Tome IV, page 158, article ERIZZO.

Non, jamaiston amour ne vainera ma fierté,

J'aime mieux les accès de ta férocité.
Lorfqu'immolant mon pere av parjure barbare,
Qui déceloit en toi moins un Roi qu'un Tartare,
Tu trahiffois ta gloire & trompois fa valeur,
Croyois-tu t'applanir le chemin de mon cœur ?
Croyois-tu que ta main, teinte d'un fang illuftre,
Eût à mes yeux féduits un plus glorieux luftre ?
Des mœurs de la Scytie un hommage pareil,
Eft le triomphe affreux, le farouche appareil.
L'amour, le tendre amour s'y nourrit de carnage*;

Allufion à la fameufe Irène, massacrée par Mahomer A la tête de fes Troupes, fuivant plufieurs Hiftoriens.

Ses faveurs font le joug d'un cruel elclavage :
Les droits de la victoire à jamais méconnus
Là, de l'atrocité fignalent les abus.
De l'Europe connois le noble caractere:
On porte au champ de Mars une valeur altiere:
Mais lorfqu'on a vaincu, la tendre humanité
Reprend les droits facrés & répand fa bontés
La piété du ferment, des Dieux bienfait utile,
Eft pour les malheureux le plus fidele afyle;
Et quand de la beauté le charme féduifant,
Dans l'ame du vainqueur verfe un filtre puissant;
Une chaîne de fleurs, l'encens d'un tendre hom

mage,

Du prix qu'on lui destine est la parfaite image.
Tels font de nos climats les magnanimes traits;
Le char de la victoire y porte les bienfaits:
C'est-là qu'on y connoît les héros véritables,
On y méprise trop les vainqueurs implacables.
On laifle à l'Orient ces monstrueux fléaux
Des humains malheureux inflexibles bourreaux...
Je le vois, tu frémis, une fecrette rage
Couvre tes yeux cruels d'un finiftre nuage;
Oui, j'apperçois déjà fur ton front irrité
Le prix que tu deftine à ma fincérité :
Elle doit enflammer le Tyran de l'Afie;
Une noble franchife aiguife ta furie.
Des ames du Sérail, trop prompt à commander,
Tu croyois voir en moi le dévouement entier,

Tu croyois de mon fexe accabler la foiblefle
Et d'une efclave enfin éprouver la baflefle.
Vas, tu ne connois pas la fublime fierté
D'une ame qui te brave & ta férocité...
Moi t'aimer! ah barbaṛe! aux mânes de mon pere
Je ferois cet affront, & ton pouvoir l'efpere?
Monftre que je dérefte, aiguise res poignards,
Frappe, tu ne pourras étonner mes regards,
Frappe, te dis-je ; hélas ! au meurtre accoutumée
Dans mon fang innocent ta main déjà trempée,
Couronne tes horreurs & comble tes forfaits...
Vas,tes coups font pour moi d'agréables bienfaits.

Par M. le Chev. de la Mothe, Major au

› Régiment Royal-Comtois.

LA NUIT

Ja fuis feul J'ai tiré le rideau fur la vie.

O Nuit! qu'avec plaifir j'ai vu tous les objets
Se confondre avec moi fous tes voiles épais!
Que ton ombre fourit à ma mélancolie!

Et toi, du genre humain puiflant confolateur, Sommeil, apporte-moi ta coupe enchanterelle.

C'est toi qui me plongeant dans une prompte

ivrefle,

Peux charmer mes ennuis par un longe flatteur. Fais-moi boire à longs traits l'heureux oubli du monde,

Et pour les réparer anéantis mes lens.

Mais fi mon corps fuccombe à tes charmes puiffans,

Mon ame te demande une ombre plus profonde.
Le lit eft, fi j'en crois un fecret mouvement,
Le paradis du jufte & l'enfer du méchant.

Que dis-je? Eft-il bien vrai que le jufte fommeille?
Quand le méchant, en proie à fes cruels remords,
Cherche à les étouffer par de plus noirs transports?
Le jufte étouffe-t-il la crainte qui l'éveille?
Dans un monde trompeur par l'exemple entraîné,
Des caprices du fort jouet infortuné,

Lui-même ofe-t-il bien fonder fa confcience?
Qui peut en íe couchant dire avec aflurance,
Content de tout le monde & plus content de foi:
Ce jour j'ai fait le bien qui dépendoit de moi.
Cependant l'heure avance, & le joueur lui-même
Déjà s'eft arraché de la table qu'il aime ;
Il calcule, en rêvant, ou fa perte ou fon gain.
Le jaloux laifle choir le poignard de fa main.

L'avare, maudiflant fa triste destinée,

« PreviousContinue »