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tans fervices, & que vous meuriez à portée de vous en rendre encore de plus effentiels.

ALEXANDRE. Il ne nous eft permis de difpofer d'un bien qu'au défaut des légitimes poflefleurs. Cependant je t'avoue que fi Abdolonime me paroiffoit indigne du rang où fa naissance l'appelle, je ne pourrois me réfoudre à l'y élever; mais je lui laifferois ignorer à jamais les droits qu'il y peut avoir.

ÉPHESTION. Ne doutez pas, Sei

gneur...

ALEXANDRE. Ce point vaut bien la peine d'être éclairci. Eh! que favonsnous! Le fens jufte & droit, les fentimens purs & nobles, l'amour de l'é quité, la bravoure, toutes ces qualités font indépendantes de l'éducation. Abdolonime peut donc les avoir.

EPHESTION. On vient. C'est peut-être lui qu'on vous amène.

ALEXANDRE. Retirons-nous. Je vais t'expliquer quels moyens je compte employer pour l'éprouver.

SCÈNE IV.

ABDOLONIME, XANTIPPE, MYSIS.

ABDOLONIME. Par la fangoy, je vourais bien favoir ce que ce grand Alexandre, qui a tant de gens à fon farvice, a besoin

du

pauvre Abdolonime. Seroit-ce que ly qui n'auroit pas affez de tout le monde, vouroit prendre mon petit jardin, qui fait toute ma fortune. Si c'est ça, y n'a qu'à dire; faura ben ly céder : il eft le plus fort, une fois, & je ne nous battons jamais, quand la parcie n'est pas égale.

XANTIPPE. Eh! bons Dieux, notre mary, ne vous chagrinais pas tant. M'est avis à moi, au contraire, que le Roi nous veut quelque chofe de bon, car ces Meffieux qui font venus de fa part, nous ont parlé avec tant d'obligeance & de civilité!

ABDOLOMINE. Oh ! ne ty trompes ; ça ne dit tian, Vois tu quand ces Meffieuxlà vous font bonne meine, fouvent c'eft qu'ils vous préparent mauvais jeu ; & pis, ils font tant accoutumés entr'eux à

le faire des révérences & des complimens, qu'ils vous en dégoifent à tout le monde, & le pu fouvent fans y penfer.

XANTIPPE. Mais fi le Roi voudroit nous garder à fa Cour; par exemple, te faire fon Jardinier !

ABDOLONIME. Je fis fon farviteur, mais je ne vourais pas de çà: quoique je ne fois qu'an Payfan, j'ons l'ame haute, & le cœur bien placé: je n'ons qu'un petit jardin, mais il eft à nous; j'en fommes le maître; je fis le Roi là; au lieu que fi je faifois le jardin d'un autre, je n'aurois point de fatisfaction; je n'oferois rien faire à ma tête; où je vourois mettre un potager, il m'y feroit bouter un parterre; ce que je vourois en bois, il me le feroit planter en pré. Oh! j'aime la liberté, moi, & n'y a que le libertinage qui me déplaît.

XANTIPPE. Eh! oui, not' homme; tu parles pour toi mais moi, eft-ce que je ne ferois pas la Jardinière du Roi; c'eft comme qui diroit la Reine des Jardinières je ferois attifée des plus belles fleurs; noi, & not fille Mylis; on me feroit la cour pour avoir de biaux bouquers peut-être que Myfis donneroit dans l'acuil à quelque gros Seigneur qui nous la demanderoit à mariage.

Mysis, Oh bien! ma mère, ne soyez donc point fi grand Dame, car je ne veux point époufer de gros Seigneur. Myrtil me fuffit; c'eft lui feul que je veux. Mon père veut bien fouffrir que nous nous aimions; vous lui avez fait efpérer qu'il m'épouferoit ; je n'en veux point d'autre

que

lui.

ABDOLONIME. Elle a raison; Myrtil j'en fuis fûr, est un honnête garçon. Il n'y a qu'un mois que nous le connoiffons mais comme je fuis honnête homme je vous devine les honnêtes gens, prefque tout d'un coup; & j'eftime plus une once de probiré, qu'un cent pefant de nobleffe. C'est ce qui fait que d'autant qu'elle aime Myrtil, & que Myrtil l'aime itou, j'entends qu'ils s'époufent,

MYSIS. Mon père ! voilà le Roi,

SCÈNE V.

ALEXANDRE, ÉPHESTION, ABDOLONIME, XANTIPPE, MYSIS, fuite du Roi.

ALEXANDRE. Approchez, Abdolonime, approchez avec confiance, Re

craignez rien d'un Roi qui ne veut que récompenfer vos bonnes qualités.

ABDOLONIME. Seigneur, quant à du respect, j'en avons pour vous, affurément; je faifons plus encore, & je vous allurons même que j'avons pour vous de l'efteime, & de l'amitié, pour votre perfonne mais pour de la crainte, j'ons : toujours bian fait, je comptons faire toujours bian; ainfi je ne craignons perfonne.

ALEXANDRE. C'est ainsi qu'il faut penfer..... c'eft-là, fans doute, votre femme & votre fille ?

ABDOLONIME. Oui, Seigneur, voici notre femme Xantippe.

EPHESTION. Et fa fille Myfis. Seigneur regardez la ; que d'attraits! ALEXANDRE. Elle me paroît aimable. XANTIPPE. Ce n'eft pas parce qu'elle eft not' fille, mais on la trouve affez drolerte ; & fi çà étoit requinqué comme ces Dames d'ici, elle vauroit bien fon prix tout comme elles.

ÉPHESTION. Ah! elle a trop de grâces pour avoir befoin de parure.

ABDOLONIME. Jufqu'à préfent, j'ons tâché de conferver en elle l'innocence

&

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