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As-tu fondé ton âme ? Et connois-tu la gloire ?
Si tu veux parvenir au temple de mémoire,
Suis le fentier de la vertu.

Aux mortels étonnés donne un exemple augufte
Jufqu'au dernier foupir fois bienfaisant & jufte:
Sers les infortunés & l'Etat & ton Roi:
Qu'embelli par l'hon neur, le tableau de ta vie
Excite nos tranfports, & donne à la patrie
Des citoyens plus grands que toi.

Le Héros ne meurt point: le temps détruit l'argile;
Il abandonne au temps fa dépouille fragile,
Et vit dans les vertus qu'il attache à fon nom.
Sur l'autel de la gloire il reçoit notre hommage.
La terre à cet autel, élevé pour le Sage,
A placé Socrate & Caton.

Tout fléchit (ous les loix du Defpote farouche;
Tout tremble à fon affect; un feul mot de fa

bouche,

En cent climats divers fait flotter les drapeaux : Qu'importe à la vertu la puiflance fuprême ? Forfenna, vil guerrier, eft ceint du diadême; Mais Mutius eft un héros.

Quand la mort a frappé l'orgueilleule victimne, Son éternelle chûte entraîne dans l'aby(me

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Les débris confondus de fa vaine grandeur.

Un inftant à détruit le colofle éphémere:

Il ne reste que l'homme; & l'avenir févere
Juge cet homme fur fon cœur.

Mon il vous cherche en vain fur la feène du monde;

Votre pouffiere, ô Rois! dans une nuit profonde, Gît, au fein de l'oubli, fous de froids monuinens. Le foc a fillonné vos pompeux édifices;

Vos plaifirs font paflés; vos vertus ou vos vices Echappent feuls aux coups du temps.

Tous les crimes affreux fignalent ta furie ;
Tu déchires le fein où tu reçus la vie,
Monftre, que les enfers... C'en eft fait, ta n'es
plus;

D'alegreffe & d'horreur à la fois agitée,
Rome libre a foulé ta cendre détestée,.
Et vengé Séneque & Burrhus.

Mais quel tableau divin (éduit mon cœur fenfible!
Titus Henri Trajan! l'humanité paisible
Sourit entre vos bras & vous offre nos vœux:
Les peuples attendris embraflent vos images;
Ils demandent au ciel, après de longs orages,
Les jours où vous régniez fur eux.

Jours de gloire & de paix que la vertu nous donne !

Vous charmez les humains & décorez le trône:
Le feu de vos rayons eft bienfaisant & pur ;
Il ranime les arts, il produit l'abondance,
Et dérobe à nos yeux les horreurs de Mézence
Et les ravages de Timur.

Enflammé des tranfports d'une valeur atroce,
Dans des ruifleaux de lang le conquérant féroce
Plonge & baigne à loifir fon homicide bras:
Croit il qu'en fa fureur l'humanité l'honore?

peut

elle encenfer un guerrier qu'elle abhorre, Et qui l'écrafe fous fes pas?

Octave étouffe enfin la vengeance & la haine.
La vertu qui le fuit, fous les traits de Mécène,
Au temple de Janus a changé les deftins.
Letyran difparoît; il fait place au grand homme;
Et l'objet odieux de la terreur de Rome,

Devient l'Idole des Romains.

Mécène ?.... O doux respect où mon cœur s'a❤ bandonne!....

Mais vous qui foutenez le poids de la couronne, Vous, que l'orgueil enchaîne aux plus nobles emplois ;

Ofez fixer Mécène à fon heure derniere, *

Mécène mourut épuisé par les travaux du Ministère. Pendant les trois dernières années de fa vie, il ne dormoit presque point pour donner plus de temps aux affaires de l'Etat.

Et d'un regard jaloux obfervant fa carriere,
Apprenez à fervir les Rois.

Je l'ai vu ce Miniftre, inexorable, avare,
A l'indigence en pleurs fermer fon cœur barbare,
Et des travaux du peuple enrichir les trésors.
Esclave du plaisir, repoussant l'infortune,
Il a vieilli, courbé fous la haine commune,
Sans poufler le cri du remords.

Eb toi, Sulli?... tu fuis le féjour de l'envie ?
Son fouffle empoisonné s'exhale fur ta vie,
Et le grand homme échappe à l'Etat abattu....
Le jaloux Courtifan est paffé comme l'ombre,
Et le temps l'a couvert du voile horrible & fombre
Qu'il crut jeter fur la vertu.

Des malheurs de Thémis, victime illuftre & chère,*

O toi, dont le grand nom pare son sanctuaire,
Magiftrat éloquent & juge vertueux!

Que les fiécles futurs, en t'offrant leur hommage,
Apprennent que ton fiécle a reconnu le fage,
Et qu'il fut l'honorer comme eux.

*M. de Lamoignon de Malesherbes étoit encore Premier Président de la Cour des Aides.

Tel que l'aftre du jour, dans fa contfe féconde, L'ail pénétrant du fage, en éclairant le monde, Fait germer le bonheur, & veille autour de nous : Auteurs licencieux qui fouillez l'art d'écrire, Cet encens des humains, que la vertu refpire, Ne brûlera jamais pour vous.

Eft-ce à vous de prétendre à ce tribut infigne? L'efpoir d'un nom fameux, quand on n'en eft pas digne,

Infulte, avec mépris, à la postérité.

La gloire des talens eft dans leur noble ufage,
Et la feule vertu peut frapper fon ouvrage
Au coin de l'immortalité.

Delcends, fille du ciel, & transforme mon êtres
Imprime lui ces traits qui le font reconnoître ;
Donne-moi le courage embralé de tes feux
Qui pardonne à Cinna, perce le cœur d'Arie
Fait déchirer Caton, immole Virginie,

Et place l'homme au rang

des Dieux.

Par M. Pilhes, de Tarafcon, en Foix;
Avocat au Parlement.

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