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JULIE avec impatience. Finirez-vous, ou bien je vais me fâcher tout à fait. MATHURINE. Tredame, je parlons comme on nous l'a commandé. Açt'heure qu'ous êtes grand' Dames, je ne fons pas daignes de vot' amiquié.

JULIE. Voila de bien fots propos; ce n'est pas moi qui les tiens, maman nourrice: allez, je vous ferai attachée toute 'ma vie; je n'oublierai jamais que je dois à vos foins ce qui en fait le bonheur.

MATHURINE. La daigne enfant ! v'lå parler ça; v'là qu'eft d'un bel exemple pour les enfans fiars & ingrats qui nous méconnoiffons.

HENRIETTE, qui, pendant toute cette fcène, eft restée à fon ouvrage en l'interrompant de différens geftes d'impatience, fe lève & fort brufquement. Oh! je n'y tiens plus.

SCÈNE VII.

JULIE, MATHURINE, MADELON,

BABET.

JULIE. Bon, la voilà partie; maman

nourrice, je vous attendois avec impatience. (Elle va prendre un petit coffret qu'elle ouvre) Tenez, voilà une coëffure & un mouchoir de cou que je vous garde depuis long-temps.

MATHURINE Confidérant ce que lui donne Julie. La brave enfant !

JULIE. Et toi, Babet, voilà un petit cœur d'or que je veux que tu portes toujours pour te reouvenir de moi.

BABET. Oh! je n'ont pas befoin de ça pour vous aimer de tout not' cœur, Mamefelle Julie.

JULIE. Encore Mamefelle Julie. Oh bien, tu n'auras pas le cœur d'or & tune feras plus ma bonne amie, fi tu ne m'appelles pas ta fœur.

BABET honteufe. Dame, je n'ofe.
JULIE. Je le veux, je le veux.

BABET. Eh bian! ma fœur, je vous

remarcie.

JULIE. Allons, embrasse-moi. ( Elles s'embraffent) Er toi, ma pauvre Madelon, il faut que je te trouve auffi quelque chofe. Ah! tiens, voilà une petite croix d'argent. Dame, je ne peux pas te donner davantage actuellement.

MADELON faifant des révérences. Oh!

Mamelelle.... C'est toujours plus.... Je ne méritons pas.....

JULIE. Ailons, prends, & ne fais pas

la forte.

MADELON. Grand merci! Mamefelle

Julie.

MATHURINE. Pour le coup, je n'y tenons plus ; v'là on cœur ça aupres de l'autre : je fommes bian confolées au chagun qu'alle m'a donné,

JULIE. Comment donc ?

MATHURINE. Ta fœur, m'n'enfant, qui ne te vaut pas, faut voir, & tu favois comme alle nous a reçues en faifant la Madame; comme alle nous a rebutées quand j'avons voulu l'y taire amiquié. Tians, j'en fis encore toute je ne iais comment : & ç'te pauvre Madelon alle ne peut pas s'en remettre.

JULIE. Allez, allez, maman nourrice, il ne faut pas prendre garde à cela. Eit ce que je ne vous refte pas, moi? Ne vous inquiétez pas, je vous aimerai pour deux; je ferai aut la tour de Madelon, ainfi vous ne perdrez rien.

SCÈNE VIII.

Mde BEAUPRÉ, JULIE, MATHURINE, BABET, MADELON.

Mle BEAUPRÉ à Julie févérement. Eh bien! Mademoifelle, avez-vous allez couru, aflez folâtré toute la journée? Fi, n'avez vous pas honte; un petit garçon eft moins diffipé que vous. ( appercevant Mathurine) Ah! ah! vous voilà Mathurine, bon jour.

MATHURINE faifant la révérence Je fis vot' fervante, Madame Beaupré.

Md: BEAUPRÉ. Voilà, je crois, vos filles, les fours de mes enfans; comme elles font grandes & fortes! cela doit vous faire plaifir à voir, nourrice?

MATHURINE. Dame, Madame, ça m'est itou bian agréable.

Mde BEAUPRÉ. Ont-elles vu leurs fœurs? car c'est ainsi que je veux qu'elles appellent mes filles: fans donte ou Henriette a été bien contente de vous voir. MATHURINE avec un fonpir. Ah! not Dane, vous avais toujours eu plus de

bontés pour nous que je n'en fommes daignes.

Mde BEAUPRÉ. Qu'est ce à dire, nourrice? vous n'avez point l'air contente. Vous auroit-on mal reçue? Je voudrois bien favoir cela, par exemple. Mademoifelle Julie, vos folies me préparent elles quelque nouveau chagrin.

JULIE. Moi, ma chère mère! Oh, maman nourrice vous dira fi je ne l'ar pas reçue avec plaifir.

Mde BEAUPRÉ. Je le crois; mais cela ne fuffic pas. Peut être lui aurez-vous dit quelque chofe de défagréable; car vous ètes fi folle, G inconféquente....

MATHURINE. Oh Madame! ben du

contraire.

Mde BEAUPRÉ. Mais encore : je veux favoir ce qui vous chagrine, nourrice. Peut-être n'aura-t-elle pas fait d'amitiés à sa fœur.... Oui, c'est cela sûrement : ces petits airs là ne me conviennent point du tout, Mademoifelle. Imitez votre fœar Henriette: elle eft douce, fage pofée; elle a l'ame fenfible, reconnoiffante, généreufe; je fuis sûre qu'elle aura accablé fa fœur de carefles.

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