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SCÈNE I V.

HENRIETTE feule.

Eh bien, voyez donc cette extravagante, comme elle eft rétive, opiniâtre. Oh pour cela, j'en aurai raifon. Mais bon, voici la nourrice; elle ne l'aura sûrement pas rencontrée. (Auffi-tôt qu'elle apperçoit entrer Mathurine, elle va s'affeoir dans un coin du Théâtre, tire de fon fac une pièce de broderie & travaille).

SCÈNE V.

HENRIETTE, MATHURINE, MADELON, BABET.

MATHURINE entre d'un air épanoui, Jes filles la fuivent d'un air honteux & dé. contenance. Eh bon jour m'n'enfant, mon Henriette; Jéfus! comme la v'là brave & grandelette!

HENRIETTE fans la regarder. Bon jour, ma Bonne.

MATHURINE. Comme ça eft devenu

grand & gentil Moi qui ai vu ça fi petit. Mon Dieu! ça me confond. Embraffe moi donc, ma pauvre enfant; je pleure de joie.

HENRIETTE déconcertée fe laiffe embraffer. Plus doucement, ma Bonne, vous me faites mal.

MATHURINE. Mon Dieu comme c'es devenue délicate, indifférente dès depuis qu'tu n'es plus au village. Dame c'eft que je t'aimons toujours bian tretous.

HENRIETTE toujours travaillant. C'est bien fait, ma Bonne.

MATHURINE prend Madelon par le bras & la préfente à Henriette. Tians v'là ta fœur Madelon, qui eft fi contente de te voir: elle eft aufli grande, que toi; mais tredame alle n'eft ni auffi gente ni auffi brave. Approche, Madelon.

MADELON. Ma mère, je fons honteufe. HENRIETTE. Elle a raifon, nourrice; vous êtes trop familière.

MATHURINE. Comment, eft-ce que tu ne la reconnois plus ; c'eft ta fœur Madelon je vous baillais mon lait dans le même temps. Auffi vous vous aimiez, vous vous embraffiaint (à Madelon ). Allons,nigaude,approche,approche donc.

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MADELON s'avance pour embraffer Henriette. Si vous vouliais parmettre... HENRIETTE la repouffe durement. Dou cement, doucement donc, vous allez gâter mes habits.

MADELON pleurant. Ah ma mère! ce n'est sûrement pas là ma fœur Henriette qui m'aimois tant.

MATHURINE. Si fait, fi fait, c'eft alle même; mais c'est qu'alle n'est plus au village: fes biaux habits ly faifons torner la tête, vois-tu; not' pauvreté ly fait honte, & not' amiquié ly fait déshonneur.

MADELON. Eft-ce que je n'avons pas de l'honneur itou nous autres, quoique je foyons pauvres ?

BABET. Oh pour ma fœur Julie, alle a un meilleur ceeur que ça, je gage.

MATHURINE. Et tu pardras, m'n'enfan; va je parierois moi qu'c'est la même chofe. Eft-ce que ftelle-ci ne nous baillait pas affez de fignifiance d'amiquié? Tant que je les avons au village, vois-cu alles font douces, accortes, alles nous font des amiquiés, des careffes; maman nourrice par ci, ma fœur Madelon par là; Oh je vous aimons tant, j'aurons tant de foin de vous; vous ne manquerais jamais.

Mais, à la ville, ils nous les gâtons, alles devenont fiares, ingrates.,.

HENRIETTE avec aigreur. Ma Bonne, finiffez vos propos, s'il vous plaît. Si j'ai été nourrie chez vous, on vous a bien payee fans doute, & vous n'avez rien à dire.

MATHURINE. Oh Madame vor' mère m'a toujours bian aidée, bian reconnue ; & j'aurions tort de nous plaindre d'elle; mais vous que j'ont nourrie, que j'ont foignée comme not' enfant, à qui j'avons bouté not' affection, tout ainfi comme... nous voir ainfi rebutée... (Elle pleure) Ça eft bian rude.

HENRIETTE. Mais vous êtes folle, ma Bonne.

SCENE VI.

JULIE ET LES PERSONNAGES PRÉCÉDENS.

JULIE entre en accourant & faute au cou de Mathurine. Eh vous voilà, maman nourrice; il y a une heure que je vous cherche.

MATHURINE s'effuyant les yeux. Bon jour, Mamefelle Julie.

JULIE. Ah! & voici m'amie Babet. Comment re portes-tu?

BABET s'effuyant les yeux & faifant la révérence, Bien de l'honneur à nous, Mamefelle Julie.

JULIE. Eh bien! pourquoi ne m'appelles tu pas ta four? Eft-ce que je ne fuis plus ta bonne amie? Mais tu pleures, je crois; qu'as tu done?

BABET. C'est ma mère qui a du chagrin.

JULIE. Mais, oui; vous pleurez auffi, maman nourrice; & toi auffi, Madelon. Qu'est-ce que tout cela fignifie donc ? Le papa nourricier feroit-il malade?

MATHURINE. Non, Dieu merci ! Mamefelle Julie.

JULIE. Oh! pour le coup, vous m'impatientez avec vos tévérences & vos Mamefelle Julie. Maman nourrice, je me rappelle toujours, avec reconnoiffance, les foins que vous avez eus de moi.

BABET à Mathurine. Quand je vous le difois, ma mère, qu'alle avoit bon cœur celle-là.

JULIE. Et toi, ma petite Babet, je t'aime toujours de tout mon cœur.

BABET faifant la révérence. Bian obli. gée, ma fear... Mamefelle Julie.

B

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