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On fait encore que les endroits les plus favo rables à la production du nitre font les lieux bas qui ne font pas trop expofés à l'action du grand air, dans lefquels, cependant l'air a un aflez libre accès, qui font à l'ombre, a l'abri du foleil & de la pluie, & où il règne habituellement un peu d'humidité; tels que font les caves, les cuisines, les lat:ines, les celliers, les granges, écuries, étables; en un mot, tous les endroits, toutes les pièces habitées par les hommes & les animaux.

On s'eft affuré par l'expérience, qu'en mêlant les fumiers, les litières des animaux, les plantes, meme toutes feules, de quelqu'efpece qu'elles foient, avec des terres, fui-tout calcaires, marneufes & limonneules, on peut conftruire des murs ou des monceaux de fept a huit pieds d'élévation, qui, lorfqu'ils font placés dans des lieux, tels que ceux qu'on vient d'indiquer, & arcofes de temps en temps avec de l'urine, commensent à fournir une quantité fenfible de falpêtre quelque temps après leur conftruction; que ce falpêtre qui eft a bafe d'alkali fixe, quand il vient des plantes, fe cryftallife à la furface; qu'on peut l'enlever par le houflage; que fa quantité augmente jufqu'a un certain termes qu'on peut en retirer de cette manière, & fans lefliver les més langes, pendant fept ou huit ans; & qu'enfin on les leffive pour achever de reciter tout le falpetre qui s'y eft formé ou raffemblé. C'eft de čette maniere fe conftruifent & s'exploitent, à ce qu'on allure, les couches ou nitriaires arti ficielles en Suède, dans plufieurs autres pays, & peut-être même aux Indes, dont on apporte

que

en Europe, ane énorme quantité de falpêtre, lequel, malgré les frais du transport & de bénéfice du commerce, n'est point içi d'un plus haut prix que celui du pays.

Au rapport des falpêtriers, les terres qu'ils ont épuifées de nitre par les leffives, en four.niflent une nouvelle quantité, après qu'elles opt féjourné fous les hangards où ils les confervent pour cet ufage'; il eft vrai qu'ils répandent fur ces mêmes terres, les eaux- mères qu'ils obtien'nent de leurs cuites, & que ces eaux contenant ordinairement encore une portion de falpetre, & toujours du nitre à base terreufe, cette circonftance répand de l'incertitude fur la production du falpêtre dans ces terres, quoiqu'elle foit bica d'accord, d'ailleurs, avec la génération de ce fel dans les couches Suédoifes. *

Nota. Le peu de temps que l'Académie a eu pour dreffer & publier ce Programme, ne lui a pas permis de fe procurer, par le moyen de fes Correfpondans, tous les éclairciffemens qu'elle auroit delire d'inferec ici, fur ce qui fe pratique dans les Pays etrangers, Lau fujet des couches à falère ou nieriaires artificielles; mais voici ce qu'un Citoyen (M. de Chaumont) qui s'occupe avec zèle depuis un certain temps de cet objet, “a bien voulu lui communiquer.

» Les couches à falpêtre établies près de Stockholm, » font faites en pyramides triangulaires, avec du chau» me, de la chaux, des cendres & des terres de pré; » leur bafe cft construite en briques pofées de champ; » fur cette bale eft un lit de chaume de neuf pouces » de hauteur, & fur ce chaume eft pofé un lit de mortier fait avec de la terre de pré, de la cendre, de la chaux, & fuffifante quantité d'eau - mere de falpêtre ou d'urint: les lits de chaume & de mor

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Enfin, les analyfes des Chimiftes ont prouvé que beaucoup de plantes, telles que la bourache, la pariétaire, & fur-tout le grand soleil, contiennent, fans aucune putréfaction préalable, une quantité fouvent confidérable de falpêtre à base d'alkali fixe ; on a obfervé que celles qui croiflent

»tier fe fuccèdent ainsi alternativement jusqu'au fom>> met de la couche.

<<< Pour couvrir ces monceaux & les garantir de la >> pluie, on pique en terre autour d'eux des perches, » qu'on lie par leur extrémité supérieure, & le tout » eft couvert avec de la bruyère ; on obferve qu'il y ait >> entre le monceau & fa couverture un efpace affez grand pour qu'on puiffe les arrofer quand il con>> vient, & recueillir le falpêtre qui fe cryftallife à leur » furface; l'arrosement se fait avec des urines & des » matières fécales, que des femmes de mauvaise vie font » forcées d'y transporter.

» Ces couches font en rapport au bout d'un an, & » durent dix ans. On en détache le nître avec des » balais tous les huit jours, & on les arrofe, dès » qu'elles font balayées, avec des eaux-mères étendues »d'eau pure, quand on n'a pas affez d'eau-mère pour arrofer complettement la couche.

» Le réfidu de ces couches au bout de dix ans, » eft un excellent engrais & très-recherché pour la cul»ture du chanvre & du lin.

» On conftruit auffi en Pruffe des murs de terre » mêlée avec la vidange des latrines, & quand ils font falpêtrés, on en retire le nître par les lexiviations & » les cuites ordinaires. »

Le Citoyen qui a bien voulu communiquer ces détails à l'Académie, dit qu'il les tient du fieur Berthelin, François, qui a conduit en Suède une Manufacture de porcelaine, & qui eft actuellement à fa terre pour y diriger une nitriaire à peu-près fur les mêmes principes, mais avec quelques changemens done efpère de l'avantage.

au pied des murs, ou dans des terreins remplis de fumier, en contiennent beaucoup plus que leurs analogues, qui ont végété dans des terres moins nitreufes, ou contenant beaucoup moins de matériaux du falpêtre, ce qui peut faire préfumer, avec beaucoup de vraisemblance, qu'il le forme habituellement une grande quantité de falpêtre fur toute la furface de la terre, par la putréfaction des herbes, feuilles & racines qui y reftent enfevelies, chaque année; mais que ce falpêtre étant emporté & difperfé par l'eau des pluies, ne fe trouve nulle part en quantité fenfible dans les endroits découverts, à moins qu'il ne foit recueilli & raffemblé par des plantes qui ont en quelque forte la vertu de le pomper.

On reconnoît que les terres & pierres font bien falpêtrées, à leur faveur qui a quelque chofe de falin & de piquant: de plus, ces inatières quand le falpêtre y eft abondant, n'ont plus leur confiftence naturelle; elles font plus friables, ordinairement leur furface fe couvre d'une effiorefcence qui fe réduit en pouffière dès qu'on y touche, & dans certaines circonftances on y obferve même un vrai falpêtre de houflage.

Les faits qui viennent d'être expofés, réunis avec les procédés connus, ou faciles à connoî tre, de l'extraction & de la purification du falpêtre, compofent toutes nos connoiffances certaines fur la production& l'extraction de ce fel ; car comme on l'a déjà fait obferver, les Chimiftes n'ont encore établi aucune théorie entièrement fatisfaifante fur les principes de l'acide nitreux, fur fa véritable origine & la manière dont il fe forme.

Tout ce qui a été dit fur cet objet, peut fe réduire à trois fentimens principaux.

Le premier eft celui des anciens Chimiftes: its penfoient que l'air de l'atmosphère étoit le Ifeu natal & le grand magazin de l'acide nitreux; faivant cette opinion qui a même encore des partifans, cet acide nitreux de l'air fe dépofe dans les terres calcaires & autres matières alka lines, qu'il trouve à fa portée, & forme avec elles les différentes efpèces de nitre qui fe manifeftent dans ces matières après qu'elles ont été expofées à l'air pendant un temps convenable." Ceux qui adoptent ce fentiment, fe fondeur principalement fur ce qu'on ne trouve point de falpêtre dans les terres & pierres, à moins qu'elles n'aient éprouvé pendant long-temps l'action &, lé contact d'un air tranquille; mais outre que ce fait n'eft pas bien avéré, & qu'il eft un de ceux qui demandent à être vérifiés, il eft combattu par un autre fait indubitable, favoir, que' les mêmes terres & pierres qui fe falpêtrent aboudamment dans les habitations des hommes & des animaux, ne produifent point du tout de falpêtre dans leur carrière lors même qu'elles s'y trouvent placées de manière qu'elles foient accelibles a l'air, précisément comme dans les maifons & autres lieux habiés,

Le fecond fertiment eft celui de Stahl, qui n'admetrant avec Bécher qu'un feul acide primitif, principe & origine de tous les autres, favoir l'acide vitriolique, croit que l'acide nitreux n'est que cet acide univerfel, tranfmué par fon union intime avec un principe inflammable qui fe fépare des fubftances végétales & animales, &

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