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qu'un héritier du trône était né. Les Chambres envoyèrent le même jour présenter leurs félicitations au roi par des députations. Le nouveau né reçut les noms de Léopold-LouisPhilippe-Marie-Victor, et fut tenu sur les fonts de baptême par la reine des Français et par le jeune prince de Joinville, à la place de son père le roi Louis-Philippe.

Ce fut pour la Belgique un autre sujet de satisfaction que l'inauguration du chemin de fer de Bruxelles à Malines. Cette première section d'une ligne qui doit lier Anvers à Cologne, avait quatre lieues d'étendue; elle avait été achevée en moins d'une année et coûtait 1,224,100 francs. La cérémonie eut lieu le 5 mai, en présence du roi, des ministres et d'une foule innombrable attirée par le spectacle encore inconnu à la Belgique, et vraiment curieux, de la circulation à la vapeur, dont l'essai allait se faire sur une assez grande échelle. Le départ des locomotives fut annoncé par une salve d'artillerie. Aussitôt trois longues files de wagons, chargés d'un millier de personnes, se mirent en mouvement, entraînées chacune par un remorqueur. Cet immense convoi fut salué sur toute la route par des acclamations d'enthousiasme. Arrivés au terme de leur course, les voyageurs se réunirent autour d'une colonne milliaire dont la base était disposée pour recevoir des pièces de monnaie en or, en argent et en cuivre au millésime de 1835, ainsi que le procès-verbal de la cérémonie. Le ministre de l'intérieur rappela en quelques paroles les avantages du nouveau chemin, et la colonne fut ensuite posée en commémoration de cette journée.

L'ouverture d'une nouvelle session législative le 4 août, après des élections qui n'avaient ni excité un bien vif intérêt, ni changé d'une manière remarquable les élémens de la représentation nationale, présenta une circonstance presque inouïe dans l'histoire des gouvernemens représentatifs. Cette réunion des Chambres fut faite sans discours du trône. On expliqua cette innovation par le désir des ministres d'éviter

de perdre dans la discussion de l'adresse un temps qu'il convenait mieux, suivant eux, d'employer à l'examen des divers projets dont ils saisirent immédiatement la législature. Toutefois on trouva généralement extraordinaire l'absence de toute communication entre le chef de l'état et les Chambres lorsqu'elles étaient en partie renouvelées, et que des événemens graves venaient de se passer en France (voyez plus haut, p. 262).

Les deux lois les plus importantes qui dussent marquer cette session étaient relatives à l'enseignement universitaire et au séjour des étrangers en Belgique. Une loi fut aussi votée pour la suppression des dix centimes additionnels de guerre, à partir du 1er septembre, excepté sur un seul objet de consommation. Quant à l'organisation communale, le ministère présenta un nouveau projet qui ne paraissait pas près d'être discuté.

Sous le gouvernement du roi de Hollande, la Belgique avait trois universités établies aux frais de l'état, une à Louvain, une à Liége, une à Gand. Aujourd'hui les opinions se partageaient entre deux systèmes : celui d'une seule université à Louvain; et celui de deux universités, l'une à Liége et l'autre à Gand. Le projet de loi ministériel consacrait ce dernier système; il ne fut adopté par la Chambre des représentans qu'à la majorité de 5 voix (37 contre 32), et rencontra aussi plusieurs adversaires dans le sénat. Chaque université comprendrait les facultés de philosophie et des lettres, de médecine, de droit, et des sciences mathématiques, physiques et naturelles. Les examens seraient faits, et les certificats et les diplômes pour les grades seraient délivrés par des jurys siégeant à Bruxelles. Toute personne, en quelque temps, en quelque lieu, de quelque manière qu'elle eût étudié, pourrait se présenter aux examens, et obtenir des grades. Chacun des jurys d'examen serait composé de sept membres nommés, savoir, deux par la Chambre des représentans, deux par le sénat, et trois par le gouvernement,

L'institution des jurys d'examen était une innovation en rapport avec la liberté absolue de l'enseignement proclamée par la constitution belge; et la discussion, arrivée à ce point dans la Chambre des représentans, offrit toutes les apparences d'une lutte entre deux partis. D'un côté, on trouvait dangereux de faire nommer les jurys par un corps politique. Les majorités législatives les nommeraient toujours dans le sens de l'opinion dont elles voudraient le triomphe, et l'opinion des minorités serait rarement représentée; partant point d'impartialité. En outre, les majorités variaient, avec les fluctuations de l'opinion publique, selon les élections; quelques membres de plus à droite ou à gauche changeraient la composition des jurys et compromettraient le sort des universités. On voyait moins d'inconvéniens à laisser la nomination des jurys aux ministres, parce qu'il y aurait alors une responsabilité morale, qu'une nomination au scrutin secret par une majorité irresponsable ne pouvait entraîner. Le système de la nomination mixte rencontrerait d'ailleurs. des difficultés d'exécution, par exemple dans le cas de la dis solution des Chambres. D'un autre côté, on insistait pour que les jurys fussent nommés par les Chambres à l'exclusion du gouvernement, parce que, seules, elles seraient exemptes d'esprit de partialité et à l'abri des obsessions de l'intrigue. L'intervention des Chambres était surtout appuyée par le parti catholique ceux qui la repoussaient demandaient que le gouvernement et les universités nommassent de concert les jurys, ou que cette nomination fût attribuée seulement aux universités libres et à celles de l'état. En résumé, l'assemblée appelée à se prononcer sur la question de l'intervention des Chambres, ne la résolut affirmativement qu'à la majorité d'une voix ( 42 contre 41); mais 80 voix contre 8 votèrent pour l'intervention du gouvernement. Il fut décidé, au surplus, que ce système de nomination mixte ne serait que provisoire et pourrait être modifié au bout de trois

ans. La loi, adoptée dans son ensemble par 54 voix, rencontra encore 39 opposans au scrutin définitif.

Au fond, dans la discussion de la loi précédente, c'était le libéralisme philosophique qui avait combattu contre le catholicisme; maintenant nous allons voir deux partis, tout différemment composés, se trouver aux prises sur la loi relative aux étrangers, et la lutte, dont le ministère aura principalement à porter le poids, va reprendre un caractère exclusivement politique.

Cette dernière loi armait le gouvernement du droit de contraindre ceux des étrangers résidant en Belgique qui, par leur conduite, compromettraient la tranquillité publique, de s'éloigner d'un certain lieu, d'habiter dans un lieu déterminé, ou même de sortir du royaume. Il n'y avait d'exception que pour l'étranger autorisé à établir son domicile dans le pays, décoré de la croix de fer, ou marié à une femme belge dont il aurait des enfans nés en Belgique.

L'opposition niait qu'il fût constitutionnel de livrer à l'arbitraire du gouvernement ce droit d'expulser les étrangers, sans contrôle aucun, et sans garantie contre les abus de pouvoir. Elle ne refusait pas d'accorder au gouvernement les moyens d'assurer la sécurité du pays, mais bien de lui fournir des armes aussi dangereuses pour celui qui les maniait que pour celui contre qui on les employait. C'était d'une loi d'exception qu'il s'agissait; pour que les Chambres pussent voter une pareille loi, il fallait que les circonstances la rendissent indispensable, et, en second lieu, qu'elle ne fût pas contraire à la Constitution. Or on soutenait qu'aucun étranger n'ayant troublé l'ordre public depuis plusieurs années, il n'y avait pas nécessité de faire une loi d'exception, et que d'ailleurs celle-ci était une abrogation de l'article 128 de la Constitution. Elle n'avait d'autre but que d'autoriser le gouvernement à expulser un étranger sur le premier signe d'un ambassadeur. Une pareille loi donnerait tout à craindre

a

à l'étranger qui aurait déplu, non pas à un ministre, mais seulement à un agent inférieur de l'autorité. (MM. Fallon, Frison, Seron, Gendebien, Pirson, Dumortier, de Brouckère, Jullien.) Messieurs, disait en terminant ce dernier orateur, vous êtes maintenant en paix sur vos chaises curules; mais vous avez fait une révolution, vous avez eu un maître que vous avez chassé de ses états. Qui peut répondre qu'un jour vous ne serez pas réduits à aller mendier un asile et du pain sur la terre étrangère? Ah! messieurs, le pain de l'étranger est amer pour l'exilé. Dans cette triste prévision (j'espère qu'elle ne se réalisera pas), suivez les préceptes de l'Evangile ; faites pour les malheureux étrangers ce que vous voudriez qu'on fit pour vous-mêmes. Ne vous exposez pas, quand vous irez dans leur pays, à rougir devant eux et devant leurs concitoyens. »

Parmi les orateurs qui défendirent le projet ministériel, aucun ne le fit avec plus d'énergie que le secrétaire général du ministère des affaires étrangères (M. Nothomb), dans un un discours étendu dont voici les passages les plus saillans :

<< Où sont les fauteurs de désordres en Belgique, où sont les troubles, les conspirations, nous a-t-on dit? Où ils sont, messieurs; ils sont autour et à côté de nous. Il n'y a pas de conspirateurs? Mais la monarchie française restaurée ne respecterait pas plus l'indépendance de la Belgique, qu'elle n'a respecté les Pays-Bas autrichiens. Et la république respecterait-elle davantage notre indépendance qu'elle l'a fait en 1795? Les intentions des partis qui attaquent la monarchie de Louis-Philippe sont publiquement avouées, leur but est la destruction de la nationalité belge. La France restaurée, la France républicanisée voudrait les limites du Rhin. La Belgique doit donc repousser franchement la restauration et la république. En tombant, la monarchie de Louis-Philippe entraînerait dans sa chute la nationalité belge. (Interruption.) Et qu'on ne m'accuse pas de vouloir rabaisser la dignité de la Belgique; seulement je suis convaincu que les deux monarchies sont intimement liées l'une à l'autre; elles sont une nécessité réciproque. Pour le carlisme et le républicanisme, l'indépendance belge est une transaction. Les ennemis de Louis-Philippe sont donc les nôtres, en le renversant, ils nous renverseraient, nous devons par conséquent nous prémunir contre eux.

» Vaincus à Paris et à Lyon, les factieux viennent se réfugier en Belgique. En 1815 c'étaient des vieillards qui venaient nous demander la permission de mourir en paix sur notre sol. En 1845 le parti de la Convention était mort; depuis long-temps il avait disparu de la scène politique; quelques uns de ces conventionnels conservaient même les brillans déguisemens des antichambres de Bonaparte. Aujourd'hui ce sont des factieux, des conspirateurs, des combattans qui se retirent de la mêlée pour reprendre haleine. Ces hommes espèrent anéantir nos institutions; accueillez-les parni vous, et

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