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décrire. Ici commencent une formation évidemment nouvelle, un nouvel ordre de choses, d'autres composés, d'autres fossiles entièrement distincts des premiers couleurs, densités, tout diffère, tout annonce des circonstances et des tems qui ne se rapportent en rien à ceux qui ont vu naître les substances de la formation précédente.

Le calcaire blanc moderne composé la masse extérieure de la chaîne tout entière, sur une épaisseur considérable; et, quoiqu'il s'élève à de grandes hauteurs, presque partout de profondes vallées se sont ouvertes sur ses bases, sans mettre à découvert un autre ordre de terrain. Cette formation étant bien connue, je ne m'attacherai point à donner un détail exact et minutieux de toutes les couches qui la constituent. Cette tâche serait trop étendue, et mériterait d'être l'objet d'un travail particulier. Elle embrasserait une immense variété de pierres calcaires de tissus différens, de marbres (1), enfin de couches diversifiées par la nature de leurs fossilles, ou qui fourniraient des observations intéressantes par leurs courbures ou leurs directions opposées à celles des couches voisines.

Je terminerai cette première partie, par la description d'un phénomène géologique fort curieux, qui se rapporte à la formation du calcaire blanc moderne, et dont l'étude ne man

quera sans doute pas de paraître instructive aux

(1) Guettard comptait en Bourgogne cinquante-quatre sortes de marbres. Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1763.

naturalistes qui seront à portée de venir le re-, connaître.

En se plaçant à la sommité d'une des montagnes élevées qui s'unissent avec celle de Sombernon, par une chaîne continue, la montagne de Roche-Aigue (1), par exemple, qui, suivant les observations du P. André de Gy, a 563, 27 de hauteur absolue, on se trouve sur le bord d'un bassin immense, de forme à peu près circulaire, d'où l'on peut prendre une idée de la manière dont quelques-unes des vallées environnantes ont pu s'ouvrir par la rupture de la portion la plus faible de leur enceinte, et se sont ensuite agrandies en tous sens, par le passage rapide et prolongé de toutes les matières de débris charriées par les eaux. Ce bassin dont la principale issue conduit ses eaux dans la plaine de Dijon, par une vallée de vingt kilomètres de longueur, n'est pas entièrement évidée dans son intérieur; mais le fond en est coupé de petites chaînes partielles qui, lors de l'écoulement des eaux qui le remplissaient, par suite de la rupture dont je viens de parler, ont laissé subsister des bassins secondaires, où une partie de ces mêmes eaux a été retenue, jusqu'à ce que, le poids de leur masse, joint à leur puissance érosive, leur aient ouvert un nouveau passage. Ce sont les restes du plus reculé de ces bassins qui offrent le phénomène que j'ai annoncé.

(1) Cette montagne domine au Nord-Est le village de Malain. Courtépée prétend qu'on a cru y reconnaître des Jignes de circonvallation d'un camp. Description historique et topographique du Duché de Bourgogne.

Sur la pente sud-ouest de Roche - Aigue, vient s'appliquer, à environ quatre-vingts mètres de hauteur, l'extrémité d'un barrage qui passe par Mâlain, et va presque en ligne droite se terminer à la même hauteur, sur la pente opposée de la montagne de Remilly. Avant que les eaux eussent rompu cette digue, sur quatre points, il en résultait un bassin d'environ six mille mètres, dans sa plus grande longueur, sur une largeur de trois mille, qui s'étendait sur le territoire des communes de Beaume-laRoche, Savigny, Mémont, et partie de celui de Mâlain (1). Pour en juger exactement, il faut monter sur la partie la plus élevée du château de ce nom, qui est placé sur l'arête ellemême et presque entièrement ruiné. De là comme de dessus la chaussée d'un étang desséché, on distingue, par les inégalités du fond, la manière dont les eaux se sont échappées par les ouvertures qui subsistent encore, leur pente et les traces de leur écoulement.

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Il serait difficile d'expliquer aujourd'hui comment s'est produit ce barrage massif dont les couches présentent leur tranche, et se relèvent à pic contre l'intérieur du bassin, en s'inclinant de l'autre côté de plus de quarantecinq degrés, tandis que celles des montagnes qui composent la grande enceinte, approchent de l'horizontalité. La pierre calcaire dont il est formé est d'un tissu plus lâche que celle des montagnes voisines, d'une couleur différente, et m'a paru ne point contenir de fossiles; circonstances qui semblent donner à penser, en

(1) Voyez la carte jointe à ce Mémoire.

les réunissant, avec l'observation relative à l'inclination des couches, que ce n'est qu'une vase calcaire devenue solide. Je n'avancerai qu'avec circonspection la conjecture que les roches primitives, dont ce barrage couvre la limite, de Mâlain à Remilly, ont pu en favoriser la production, en résistant à l'érosion des eaux, par leur masse et leur dureté, et en arrêtant et fixant sur cette limite, les vases du bassin général. Toujours est-il certain que ce dernier a été creusé bien plus profondément que celui qui lui est supérieur (1).

C'est à ses points de rupture que cette digue fournit les remarques les plus intéressantes par le bouleversement que ses couches y ont éprouvé, principalement aux deux percées qui avoisinent Malain. Quoique ces dérangemens se présentent sur une grande échelle, sur celle des phénomènes analogues déjà observés, je ne crois pas qu'ils doivent être attribués à une autre cause, et je les ai soumis, dans deux planches jointes à ce Mémoire, à l'examen des

(1) Sur la ligne du barrage, le granit et le grès-psammite paraissent n'être séparés du calcaire blanc qui compose cette digue naturelle, que par des couches peu épaisses de schiste et de calcaire à gryphites, sans doute parce que les couches supérieures ont été détruites par les eaux. Il serait encore permis de supposer, pour l'explication du phénomène, qu'originairement la formation intermédiaire supportait le calcaire blanc du barrage, en couches presque horizontales, à la hauteur de celui des montagnes voisines, et que, quand les roches de cette formation très-argileuse ont été minées et emportées au loin, les couches du calcaire moderne ont, en s'affaissant, produit cette digue telle que nous la voyons aujourd'hui. naturalistes.

naturalistes. La pl. II présente la percée entière qui touche le village, et sur le bord de laquelle est situé le château. La fig. 2o de la pl. III montre ses ruines du côté de l'ouest avec les couches brisées en sens contraire qui le supportent. La fig. 1 de la même planche offre un côté de l'autre percée de Mâlain, vue du pied de la montagne de Roche-Aigue.

SECONDE PARTIE.

Sans m'ériger en juge des divers projets qui ont été proposés jusqu'à ce jour, sur l'emplacement et la direction du point de partage du canal de Bourgogne, je me bornerai à en exposer les plus remarquables, en leur faisant, s'il y a lieu, l'application des observations géologiques consignées dans la première partie de ce Mémoire. Ces projets étant assez multipliés et occupant le public depuis un grand nombre d'années, les intéressés calculent sans doute avec inquiétude les retards de la décision; mais un objet aussi sérieux que l'est le choix du point de partage d'une navigation considérable, doit être examiné sans prévention, et éclairé par de bons documens et des reconnaissances multipliées. On ne saurait donc donner trop d'éloges à la sage lenteur que met l'administration dans cette importante délibération, et à la prudence avec laquelle elle s'entoure de toutes les lumières qui peuvent la guider (1).

(1) On espère que M. le comte Molé, conseiller d'état, directeur-général des ponts-et-chaussées, viendra lui-même Volume 33, n. 193.

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