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MÉMOIRE

SUR LE TERRAIN GRANITIQUE

DES PYRÉNÉES;

Par JOHANN DE CHARPENTIER, Officier des Mines de Saxe, Correspondant de l'Académie des Sciences de Toulouse, et de la Société philomathique de Paris.

Extrait d'un ouvrage manuscrit, ayant pour titre : Observations géognostiques sur les Pyrénées.

S. 1.

du terrain

Le terrain primitif, ailleurs si étendu, ne Etendue et constitue que la moindre partie de toute la disposition masse des Pyrénées. On le trouve, il est vrai, primitif des d'une extrémité de la chaîne à l'autre, mais il Pyrénées. est néanmoins souvent caché, et même sur des étendues fort considérables, par des roches d'une formation bien plus nouvelle.

Il est plus répandu, ou, si l'on veut, se montre plus à découvert sur le versant septentrional de la chaîne que sur le versant méridional, et il est aussi plus abondant dans la partie orientale et dans le centre des Pyrénées, que dans la partie occidentale: il n'existe au faîte de la chaîne que dans un petit nombre d'endroits; mais cependant il en est ordinairement trèspeu éloigné ; il atteint même le pied du versant septentrional aux deux extrémités de ces montagnes, et enfin, à l'exception du Mont-Perdu,

Sa com

position.

Stratifica

tion des roches primi

tives.

les sommets les plus élevés des Pyrénées sont formés par des roches primitives.

S. 2.

Le terrain primitif de cette vaste chaîne est extrêmement simple dans sa composition. Il consiste principalement en granit et schiste micacé, schiste argileux et schiste talqueux.

Le granit est la roche dominante, et après lui le schiste micacé, qui dans les Pyrénées est identique avec le schiste argileux et le schiste talqueux (1). Les autres roches primitives y sont très-peu étendues, et un grand nombre de celles qui dans d'autres pays occupent une surface considérable, manque totalement dans ces montagnes. On peut citer entre autres les porphyres et les siénites (2).

S. 3.

Les roches primitives dont la texture est schisteuse sont ordinairement très-bien stratifiées; dans les autres la stratification est moins

‚ (1) M. d'Aubuisson a fait des observations analogues dans les Alpes. Dans la description intéressante qu'il a donnée du département de la Doire (Journal des Mines, nos. 172 et 173), il dit que le schiste micacé, le schiste argileux, et le schiste talqueux, n'y forment point de terrains séparés, mais font partie d'une seule et même formation.

(2) On trouve cependant dans les Pyrénées des roches qui ont les caractères attribués aux siénites et aux porphyres; mais ces siénites et ces porphyres des Pyrénées sout ou des anomalies du granit auquel ils sont communément subordonnés, ou bien des roches trappéennes ayant une structure porphyroïde et subordonnées au schiste micacé; en outre, dans ces deux cas, ces roches occupent une étendue si peu considérable, qu'elles ne doivent point compter parini

apparente, et quelquefois on n'en reconnaît pas même le moindre indice. Leur direction est de l'Est-Sud-Est à l'Ouest-Nord-Ouest; elle est donc parallèle à la direction de la chaîne des Pyrénées. Les inflexions et contournemens que la chaîne présente, n'influent point sur la direction des strates de ces roches; de même leur inclinaison est aussi entièrement indépendante des versans. Comme je traiterai, dans un chapitre particulier, de la stratification des roches des Pyrénées, je ne m'arrêterai point à présent sur cet objet important; j'observerai seulement, en passant, que ce fait prouve que la forme actuelle de cette grande chaîne, est sans doute toute différente de celle que ces montagnes présentèrent en sortant des mains de la nature. Cela fait présumer des catastrophes dont nous ne pourrons peut-être jamais deviner les causes, mais dont on est forcé de reconnaître les effets et leur généralité, dès qu'on examine attentivement la stratification et qu'on s'attache à observer et à comparer soigneusement l'ordre et l'arrangement dans la superposition des roches d'un certain système de formation dans les divers pays, et les rapports géognostiques de différens systèmes de formation entre eux.

Après cette courte notice sur le terrain primitif des Pyrénées en général, passons à la description du granit qui en fait la majeure partie.

les masses minérales dont l'assemblage forme ces vastes montagnes. Elles se distinguent donc parfaitement des siénites et porphyres véritables des autres pays, qui évidemment sont le résultat d'une formation bien plus nouvelle.

Des variétés que le

granit présente dans les Pyrénées.

mun aes

S. 4.

Le granit, comme je viens de le dire, est parmi les roches primitives des Pyrénées, celle qui est la plus répandue.

Le granit étant une roche composée, il présente des variétés à l'infini, qui sont dues à des différences, soit dans les proportions dans lesquelles les trois minéraux qui le composent ordinairement sont mêlées ensemble, soit dans la grosseur des parties agrégees, de leur mode d'agrégation, de leur homogénéité, soit enfin de leur couleur. Ces variétés, déjà très-nombreuses par elles-mêmes, sont encore très-multipliées par les mélanges assez fréquens d'autres substances qui s'associent accidentellement avec les principes essentiels du granit. On sent facilement, d'après cela, qu'une description de toutes les variétés de cette roche, que j'ai eu occasion d'observer dans ces montagnes, serait un travail aussi ennuyeux que peu utile: il suffira donc d'indiquer seulement la variété la plus commune, et quelques autres, qui par des accidens particuliers, méritent d'être connues, ou bien qui peut-être n'ont été observées ailleurs que rarement.

S. 5.

pe

Granit le Le granit le plus ordinaire est à grains de plus commoyenne grosseur, le plus souvent même à Pyrénées. tits grains et rarement à gros grains. Le feldspaih, d'un blanc-grisâtre ou jaunâtre, rarement d'un rouge de chair, en est la partie dominante; son éclat est vitreux et assez vif,

pourvu qu'il ne soit pas décomposé, ce qui a lieu assez souvent; le quartz est d'un blancgrisâtre ou jaunâtre, quelquefois gris de fumée, tantôt opaque, tantôt translucide; enfin le mica est d'un vert ou d'un brun foncé très-souvent mêlé de talc, qui même le remplace quelquefois entièrement; il est disséminé en petites lames au milieu du quartz et du feldspath. Voilà la variété la plus commune; il serait inutile d'indiquer les lieux où elle se trouve.

§. 6.

Le granit à très-gros grains est assez rare Granit à dans les Pyrénées. On en trouve de très-beau gros grains. auprès de l'étang d'Arbu, dans la vallée de Suc (1), où il est accompagné de gros cristaux de tourmaline noire et de mica cristallisé, qui se rapporte à la variété binaire de M. Haüy: à Argut, dans la vallée de la Garonne ; à la montagne nommée Etcheco mendia, au NordEst du village de Mendionde, dans le Larbourd etc. Dans tous ces endroits il se trouve associé avec du granit à petits grains, et il ne forme pas même des masses bien considérables.

S. 7.

Une autre variété peu commune, est un gra- Granit à nit à grains assez gros, dans lequel le feld- structure porphyroïspath forme les deux tiers de toute la masse ; de. il est d'un blanc-grisâtre ou d'un gris cendré rarement d'un rouge de chair; le quartz est

'(1) La vallée de Suc est une petite vallée latérale de celle de Vicdessos, dans le département de l'Arriége (ci-devant comté de Foix ).

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