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Jacob dans les déserts : certainement l'Eternel est en ce lieu-ci; c'est ici la maison de Dieu, et la porte des cieux (Gen. XXVIII. 16, 17).

Le jour avançait; nous venions de dépasser Trient, et d'atteindre la hauteur de la Forclaz. Nous voyons à nos pieds Martigny, le terme de notre journée, la maison qui devait nous abriter. Cependant nous eúmes à marcher à pied pendant une heure et demie, sans qu'il nous semblât que nous fussions de moment en moment plus près du but. Ainsi en est-il de l'homme qui a fixé le regard de son âme vers les portes de l'éternité bienheureuse, de la maison céleste où il espère se reposer des fatigues de sa carrière mortelle, se consoler de ses peines, se nourrir du pain des Anges, et atteindre le complément de son être : plus il avance, et plus il lui tarde d'arriver: mais il faut qu'il remplisse toute sa tâche, qu'il fournisse toute sa carrière.

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XIV.

De Martigny à l'hospice du grand St. Bernard, le 12 juillet 1817.

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L est temps de rapporter notre course au grand St. Bernard. Nous quittâmes à Martigny la route du Simplon; et laissant sur notre gauche le haut Valais, nous tendîmes vers ce célèbre asile bâti par la charité. Après avoir traversé les deux quartiers de la ville séparés l'un de l'autre par une prairie, nous commençâmes à tourner la montagne en cotoyant la Drance.

Je ne parlerai pas en détail de ce torrent impétueux et bruyant, de ses nombreuses sinuosités qui forcent le voyageur à le traverser plusieurs fois, de ses eaux bourbeuses, des rochers contre lesquels il se brise, des abîmes qu'il a creusés et dans le fond desquels il se cache par intervalles, et du ravage qu'il fait sur ses bords: les réflexions morales que tout cela donnerait lieu de faire, je les ai présentées dans d'autres occasions: ce qui mériterait surtout d'occuper la pensée, c'est le terrible désastre que ce torrent a causé, depuis que je l'ai vu suivre son cours ordinaire (1).

Derrière la montagne sur laquelle s'appuie Martigny, et qu'on nomme le Mont du chemin, est la vallée de Bagne. Du côté de la ville ce îmont ne présente qu'une médiocre élévation en pente douce et couverte de verdure: mais de l'autre côté on ne voit que rocs nus, têtes saillantes, couches verticales posées sur des couches horizontales, et des feuillets pyramidaux qui donnent quelque idée de ceux du Mont-Blanc du côté du Piémont. A droite est le Catogne.

Le premier hameau que nous trouvâmės dans cette vallée, dont je dois d'abord parler conformément à l'état où elle était au moment de notre passage, est celui de Brocas, où se trouvait une usine pour la fabrication des ustensiles de fer; ensuite les Valettes, puis le village de Bauvergny. Ces lieux ont été ravagés par l'inondation dont je viens de parler.

(1) Ce désastre, qui a désolé toute la vallée

de Bagne, est arrivé le 16 Juin 1818.

Nous rencontrons une pauvre femme qui allaitait deux enfans: quelle tâche! quel assujettissement ! que de peines et de sollicitudes! Tout cela sera-t-il apprécié par les enfans? On a raison de dire que l'amour descend et ne remonte pas: aussi, comment aimonsnous la Providence, cette tendre mère qui nous porte tous nous nourrit et nous garde! Comment l'aimons-nous ?

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Nous passons au-dessous des ruines des bains d'eau thermale qui sont sur la pente du Catogne. Là bien des malades ont trouvé jadis la santé, d'autres ont été trompés dans leur attente. Le temps n'est point encore venu où le Seigneur dira: paix, paix à celui qui est loin

et à celui qui est près, car je le guérirai; celui qui habitera dans Jérusalem ne dira point, je suis malade ; l'iniquité du peuple qui y habitera aura été pardonnée. (Esaïe. LVII. 19. XXXIII, 24). C'est sans doute à cela que le Sauveur faisait allusion, quand il disait aux malades en les guérissant, vos péchés vous sont pardonnés. Mais l'œuvre de sanctification que Dieu veut opérer par les maux n'est pas à son terme.

Le chemin qu'il faut suivre le long de la Drance est étroit et tortueux comme elle: nous arrivons dans un endroit où il fait un coude, et se trouve serré entre la rivière qu'il domine et un énorme rocher éboulé qui fait saillie, de manière qu'il faut passer avec beaucoup de précaution, surtout lorsqu'on vient de St. Branchier, à cause de la descente qui ne permet pas d'arrêter à temps les chars et les voitures. Il me paraît d'autant plus important de donner cet avis, que je fus informé sur place du triste sort de trois voyageurs, dont le char ayant heurté

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