jour ouverts à sa contemplation? Que de choses je vois et j'admire ici, qui sont saillantes pour moi, et que cependant mes compagnons de voyage n'aperçoivent pas ! Combien d'autres qui m'échappent et qui brillent aux yeux exercés du naturaliste ! Ce monde est une infinité de mondes, où chacun a sa sphère, ses tableaux, ses richesses, sans voir ce qui ne le concerne pas. Depuis l'enfant qui ne connaît de la rose que sa couleur jusqu'au botaniste qui la dissèque, et au médecin qui en tire des sucs médicamenteux, que de mystères et de degrés? il en est de même de l'Ecriture-Sainte, des sublimes mystères de la foi, et des biens de la vie à venir. Rendons-nous dignes qu'à cet égard nos yeux soient aussi ouverts, et qu'au sortir de cette vie le voile qui nous cache le monde de la Divinité tombe, et nous laisse jouir de la lumière et du ravissant spectacle des cieux. Deux classes d'hommes entr'autres auront part à cette lumière, les pauvres en qui règne l'esprit du devoir, et ceux qui leur font du bien. J'ai vu sur ma route tant de cabanes chétives, que je demande s'il n'y a pas des pauvres dans cette paroisse. - Oui, beaucoup. - Et comment sont-ils secourus ? - Il y a des braves gens qui les aident, mais qui ne veulent pas qu'on le sache : ils ont grand soin de taire le bien qu'ils font. Il y a donc ici, me dis-je à moi-même, des âmes capables des vertus les plus délicates et animées de la charité la plus tendre. Le Seigneur est dans leur demeure qui n'est obscure qu'aux yeux des hommes: une chaumière devient le palais du Monarque de la terre et des cieux. Grâces à Dieu, me voici de retour sans fâcheux accident, et profondément heureux de tout ce que j'ai vu et senti : _ la partie supérieure de mon être, celle qui constitue le vrai moi, celle qui doit durer éternellement, a vécu aujourd'hui. Etre Suprême, dont les adorables perfections agissent toujours de concert ! Non, tu ne fais jamais rien, tu ne crèes pas, tu ne meus pas un seul atome, que tu n'aies un but moral, ta gloire à manifester pour le bien même de tes enfans, et ainsi des heureux à faire, des malheureux à consoler, des pécheurs à punir ou à toucher pour les sanctifier. Gloire donc à ta charité, gloire à ta justice, gloire à ta sainteté et à ta sagesse; elles sont l'âme et le flambeau de ta toute-puissance. Aide-nous à le reconnaître et à t'adorer, à faire de la nature ton temple pour t'y servir, et un Evangile pour y voir ta volonté. www I I. PROMENADE de St. Gervais à Chamouny, le 10 août 1814. J E partis des bains de St-Gervais le 10 août 1814 pour visiter cette belle vallée de Chamouny, que j'avais contemplée quelques jours auparavant avec tant de plaisir depuis le col de Voza. Ma prière fut : « Dieu de bonté, Père des hommes; toi qui veux que nous sanctifions les biens temporels que tu nous dispenses! je vais chercher dans les montagnes des plantes pour la guérison de quelques âmes, pour l'édification de quelques-uns des rachetés du Sauveur : daigne me protéger, et que tes bénédictions viennent à ma rencontre. >>> Je passai par Sallenches pour prendre à St.-Martin la route des chars. Entre St.-Gervais et Sallenches qui en est dis : tante d'une lieue et demie, je remarquai une rivière qui passe à côté du pont, comme l'homme passe si souvent à côté de sa ligne : puis des moutons qui cherchaient leur nourriture dans la poussière du chemin, comme le font ces hommes dont la pensée est toute courbée vers la terre, qui se repaissent de ce qui ne nourrit point, et qui oublient que le Créateur les a faits pour regarder au ciel et y chercher la vie. Après avoir dépassé St.-Martin, je pris le chemin de Chamouny en côtoyant l'Arve. On regrette que cette rivière occupe un grand espace, que ses eaux changent fréquemment de lit, et fassent perdie beaucoup de terrain. Je ne pense pas de même. Le bassin de la vallée de Sallenches présente une plaine si unie qu'elle paraît presque nivelée; c'est pourquoi les ruisseaux qui descendent des montagnes du côté de la route de St.Gervais, ayant peine à arriver jusqu'à l'Arve, s'arrêtent et rendent ce bassin marécageux. Que serait-ce, s'ils occu |