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XI.

PROMENADE de Lausanne à Clarens; le 10 Juillet 1817.

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pensée; ce monde est un reflet des grandeurs de Dieu. On peut y voir la Suprême Intelligence et recueillir les leçons de la Sagesse. Mais si on le peut, on le doit; et comme on le peut toujours, quand est-ce qu'on doit le négliger? Quelle est la pierre du temple de la nature, qui ne dirait rien à l'homme sacrificateurde la Divinité? Plein de cette pensée je m'achemine encore vers les Alpes, persuadé que la Providence m'y fera trouver de nouveaux sujets de méditations salutaires, et que j'en puiserai même dans la société de la personne qui m'accompagne, parce que ses prin

cipes sur les œuvres de Dieu sont les mêmes que les miens.

Nous partons pour aller visiter l'hospice du grand St. Bernard, remarquable par sa position et par les vertus de ceux qui l'habitent.

Lausanne d'où nous partons est placée dans une situation magnifique et bien favorable à la contemplation de la nature. " Elevée de plus de quatre cents pieds au-dessus du niveau du lac, elle le domine dans toute son étendue, et elle a sur lui deux vues tout-à-fait différentes; l'une sur l'embouchure du Rhône, où ce bassin bordé par des montagnes hautes et escarpées présente un aspect sombre et imposant; l'autre du côté de Genève, où il s'étend à perte de vue dans une large et belle vallée et où ses bords découpés en festons, ornés d'un grand nombre de villes, de villages et de châteaux, forment le paysage du monde le plus riche, le plus brillant, et le plus varié » (Voyage de Saussure § 1100). Le Signal, éminence

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qui domine Lausanne, est le point d'où l'on embrasse le mieux l'ensemble de ce riche amphithéâtre couvert des merveilles du Créateur. Là devrait être un temple consacré à la piété: les âmes sensibles et chrétiennes iraient s'y édifier et entonner l'hymne de la reconnaissance et de l'adoration. Et certes, ce beau spectacle n'a pas été donné à l'homme seulement pour le distraire et l'amuser.

De Lausanne à Vevey la distance est d'environ 4 lieues : la route est presque toujours au bord du lac, serrée par économie entre les murs qui soutiennent le vignoble de la Vaux, et néanmoins découverte de manière à laisser les voyageurs jouir de toute la perspective.

Le géologue rencontre sur son chemin des poudingues, des caillous et des sables siliceux qui, venus des montagnes primitives, mais séparés d'elles par les masses calcaires qui bordent la rive méridionale du lac, signalent les trois grandes époques de la formation des montagnes (1).

Vers le fond de la partie de la vallée du Rhône qui se découvre depuis les bords du lac, on voit s'élancer dans les nues les monts primitifs, tels que la Dent du Midi; plus près du lac, les rochers calcaires de Meillerie et de Saint Gingouph atteindre à une moindre élévation; et du côté du pays de Vaud, de belles collines présenter sur leurs pentes rocailleuses de nombreuses habitations qui bordent la côte du lac. Cette gradation est remarquable.

(1) Comme ces poudingues et ces caillous sont de même nature que ceux qui se trouvent entre Martigny et St. Maurice, il est évident qu'ils ont été transportés à travers cette vallée dans le temps des grandes convulsions de la nature, tandis que les poudingues grossiers qu'on trouve au pied des monts calcaires qui dominent Vevey, contenant beaucoup de matière calcaire, prouvent par cela même qu'ils sont formés en très-grande partie des débris des montagnes voisines.

Il y a quelque chose d'étonnant dans la force de ce gluten qui lie les caillous dont se composent les poudingues, ces masses entassées par le désordre, et néanmoins parvenues au plus haut point de dureté et de solidité. Il semble dire qu'il n'y a de remède au désordre moral, aux maux qui résultent de la chute primitive de l'homme et des passions déréglées des individus, que dans la charité qui les lie étroitement entr'eux et en compose un seul corps, dans cette charité que le Ciel distille sur la terre, et qu'il filtre à travers tous les obstacles pour réunir ce que le crime a si malheureusement divisé!

Le long de la route, ayant continuellement devant les yeux les Hautes-Alpes, en comparaison desquelles l'homme n'est qu'un point, et occupé de l'idée que les montagnes les plus hautes ne sont guère elles-mêmes que la trois-millième partie de l'épaisseur du globe sur la surface duquel elles reposent, je me disais : que l'homme est petit et faible! et néan

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