peint sur le brin d'herbe et sur le moindre insecte, comme sur la vaste étendue du firmament, il n'y a ni haut ni bas, tout est à la fois profond et sublime; tout absorbe l'âme dans la contemplation de la Divinité. Nous voici de retour sur l'arrête d'où nous avions commencé à gravir. Ici nous rencontrons un jeune berger qui, le bâton en main et le havre-sac sur le dos, s'élance vers des rochers saillans sur la face à pic de la montagne, et passe de l'un à l'autre avec l'agilité du chamois. Tel est l'effet de l'exercice' et de l'habitude; à chacun son genre de force et d'habileté. Tandis que ce jeune homme vole sur ces rochers, et comme suspendu sur le précipice nous traçons modestement au-dessous de lui une ligne parallèle à la sienne, en suivant un sentier frayé là où cette face de la montagne commence à former un plan incliné. Ainsi l'homme ordinaire suit les routes battues, tandis que l'homme énergique et courageux, 4 s'abandonnant à l'élan du génie ou du zèle, accélère sa marche vers le but qu'il s'est proposé. Au bout de notre sentier se trouve le premier châlet qu'on rencontre en descendant: nous nous y arrêtons. Qu'y trouvé-je? un vrai philosophe. Pendant que mes guides se rafraîchissent avec du laitage, un léger incident donne lieu à une conversation religieuse, dans le cours de laquelle la maîtresse de cette cabane manifeste sa joie d'entendre sa demeure retentir des louanges de Dieu : et développant ses propres pensées, elle exprime ce qu'elle sent sur la grandeur de l'homme, et sur les signes, de sa supériorité à l'égard des animaux : les signes, c'est là son propre mot. Que ne deviendra pas un tel germe de lumière et de sagesse, quand cette femme obscure et ignorée aura reçu du Ciel tout ce qu'elle est destinée à en recevoir ? Préservée des écarts d'une fausse science, elle n'est pas éblouie par de brillantes illusions: elle a trop le sentiment de sa grandeur naturelle et de ses prérogatives, pour se confondre avec le pourceatu qu'elle engraisse et la vache qu'elle trait: elle voit juste, et elle voit par le cœur qu'elle n'a pas laissé dégrader. C'est aux yeux de la Divinité une des plus précieuses plantes des Alpes : un jour elle sera la bonne odeur de J. C. Nous descendons le long de la face occidentale de la montagne, ayant sous nos pieds la vallée de Mont-joie. Dès ce moment nous n'avons plus que de belles prairies à traverser : la pente est rapide; mais le chemin est agréable. De distance en distance nous rencontrons des granges destinées à recueillir l'abondante récolte des foins. Bientôt nous nous trouvons perpendiculairement au-dessus du beau village de St. Nicolas. Le clocher est le premier bâtiment qui se présente; et il semble qu'on doive le traverser du haut en bas pour arriver au village. Pendant la route je porte encore mes regards sur cette masse imposante du Mont-Blanc et sur ses glaciers. Dans , le bas, apercevant au loin le sentier qui de Bionay mène au col de Voza je me dis: voilà donc ce sentier dont, l'extrémité supérieure domine le ruisseau et le glacier de Bionassay, et où il me semble que j'étais déjà bien élevé; et d'ici cependant il se confond presque avec le bas de la vallée. Ainsi, plus nous croissons en lumière ou en sagesse, plus nous voyons combien nous étions dans l'erreur, lorsqu'enorgueillis de nos premiers progrès, nous avions une haute idée de nous-mêmes. Comme nous devons sentir le besoin d'en faire chaque jour de plus grands! Que l'humilité nous sied! Qu'elle nous est nécessaire ! www M IX. PROMENADE dans la vallée de Mont-joie, le 28 août 1815. APRÈS avoir contemplé du haut d'une montagne le riche spectacle que présente un vaste horizon, l'observateur aime à reposer sa vue sur une vallée étroite qui la soulage, et qui, en rapprochant les objets, en facilite l'examen. En conséquence je vais parcourir celle de Montjoie. J'ai déjà dit que cette vallée court du nord-est au sud-ouest, que le Bonnant l'arrose dans toute sa longueur, qu'elle est bordée à l'ouest par la partie meridionale de la chaîne du Mont-Blanc, et à l'occident par le mont Joly. Il y a de ce côté-ci d'autres montagnes dont je parlerai dans la suite. |