mes à monter obliquement la monta gne en tirant vers l'ouest. Ici nul obstacle à la contemplation: peu d'arbres, beaucoup de prés et de champs, un sentier très-praticable, quoique trèsétroit, un air pur, tel qu'on le respire à une grande hauteur au-dessus des vallées. De distance en distance se trouvaient sous nos pas des éboulis de diverse nature, propres à exercer l'attention du Géologue. Ce qui m'intéressait surtout depuis cette hauteur, c'est que j'y trouvais la confirmation d'une observation que j'avais faite dans la vallée de Chamouny. En considérant 1.o que la partie la plus élevée du Mont - Blanc dans presque toute sa chaîne est du côté de l'est, où se trouvent sa plus grande cime et le Géant qui surpasse d'environ 160 toises l'Aiguille Verte, celle d'Argentière et celle du Midi placées plus près de la vallée de Chamouny; 2.o qu'en avançant vers l'ouest il y a encore des sommités considérables, quoique moins élevées, telles que le Bréven, le Buet, le Joly, le Varens, les Fours sur Sallenches; 3.o qu'en avancant davantage sur les mêmes lignes, l'on voit les hauteurs des grandes masses aller en diminuant jusqu'à la lisière la plus occidentale du Jura, j'étais acheminé à croire que tout l'intervalle depuis le Mont-Blanc jusqu'en Bourgogne ne formait qu'un seul plan incliné solide, avant qu'il y eût eu des érosions, des enfoncemens, des tremblemens de terre, avant toutes ces convulsions qui ont tourmenté le globe à l'époque du déluge et à d'autres dont je parlerai ailleurs. En comparant les hauteurs des montagnes et des cols qui se trouvent du côté du Piémont, j'ai conjecturé qu'il a dû y avoir aussi de ce côté-là un plan solide descendant jusque dans les prairies de la Lombardie, quoique les montagnes y finissent plus brusquement. Ce n'est que par les épouvantables, secouses qui ont travaillé tout le globe. à la fois, qu'on peut expliquer le trans port de ces rochers qu'on trouve à des distances considérables des masses dont ils ont été détachés, ou plutôt, arrachés. Si l'on calcule qu'elles doivent être la force et la vitesse d'un torrent, non pour rouler au fond de son lit, mais pour porter suspendu dans les eaux un caillou d'une livre, seulement pendant quelques secondes, on commencera à se faire quelque idée de ce qu'ont dû être les courans qui ont charrié ces blocs énormes, en les tenant suspendus assez long-temps pour les transporter sur d'autres montagnes, comme plusieurs ont été transportés sur Salève à travers la vallée des Bornes, et d'autres sur le flanc oriental de la chaîne du Jura, à travers cette vallée et celle du Léman et par dessus Salève. Et si l'on a de la peine à se représenter cette épouvantable rapidité des courans, comment se représentera-t-on celle de la terre même, dont l'énorme masse parcourt six lieues de son orbite par seconde, so it 21,600 lieues par heure sans parler d'autres planètes d'un plus gros volume , qui se meuvent plus rapidement encore? J'avais sous mes yeux, pour témoins de la vérité dont je parle, des blocs considérables de granit qui obstruent le lit de deux ruisseaux dominés par le MontRosset sur la pente duquel j'étais. Or ces blocs n'ont pu arriver là, sans y avoir été transportés depuis l'endroit de la chaîne du Mont-Blanc où se trouve le glacier de Miage, à travers la vallée de Mont-joie, par-dessus les arrêtes d'ardoise du mont Joly, puis à travers l'espace qui est entre ce mont et le mont Rosset, pour dépasser celui-ci et rouler sur sa pente occidentale. J'observais l'excavation de la vallée de Sallenches, les sillons horizontaux des courans tracés sur les rochers du haut des montagnes, l'ouverture pratiquée par les érosions entre les monts Varens et Dorens, et la direction du principal courant pour s'écouler vers l'ouest par la vallée qui a son débouché à Cluse, direction signalée par le cours de l'Arve qui est le reste de ce courant, comme les ruisseaux qui coulent au fond des nants sont les derniers filets des eaux qui les ont creusés; et de tout cela je concluais qu'il est impossible d'expliquer tous les phénomènes géologiques de ce genre, 1.o par le séjour long-temps prolongé des eaux de la mer sur les terres, puisque ce séjour ne pouvait produire que des accumulations lentes et par couches horizontales, comme le sont en général les montagnes calcaires; 2.o ni par des secousses partielles et locales, puisque les mêmes phénomènes s'observent partout. De là j'étais conduit à conclure qu'il y a eu coïncidence de quelque inondation générale avec une secousse aussi générale, un état de convulsion du globe entier, pendant lequel il y a eu transport de rochers, affaissement de terrains, inclination avec agitation d'une grande partie des couches horizontales de la surface du globe, soulèvement et redressement vertical de plusieurs autres, et désordre partout. |