BUFFON I M. de Buffon' eut pour mère une femme d'un grand mérite dont je l'entendis parler souvent: Catherine Marlin 2 mourut sans avoir vu la gloire de son fils. Son père3, qui était conseiller au parlement de Bourgogne, contracta un second mariage avec une de ses 1. Georges-Louis Le Clerc, comte de Buffon, né à Montbard le 7 septembre 1707, mort à Paris le 15 avril 1788, à l'âge de quatre-vingt-un ans. 2. Anne-Christine Marlin, née à Moutier-Saint-Jean en 1681, épousa, le 9 août 1706, Benjamin-François Le Clerc de Buffon, conseiller au parlement de Bourgogne, et mourut à Dijon, le 1er août 1731, à l'âge de cinquante ans, après lui avoir donné cinq enfants: Buffon fut l'aîné. 3. Benjamin-François Le Clerc de Buffon naquit à Montbard le 1er mars 1683. Il fut pourvu d'un office de conseiller au par parentes, Antoinette Nadault'. M. de Buffon blåma cette union2 et en conserva longtemps rancune à sa bellemère; mais il lui rendit mieux justice dans la suite et se plut à reconnaître les qualités élevées de son âme et les inspirations généreuses de son cœur. M. de Buffon ne fut pas un esprit précoce; sa jeunesse, à part quelques soudaines révélations, ne permit pas de soupçonner ce qu'il serait au jour de sa maturité3. Son génie fut lent à se former et ses écrits lents à lement de Bourgogne le 14 juin 1720 et mourut à Montbard, le 23 avril 1775, à l'âge de quatre-vingt-douze ans. Son père était mort à l'âge de quatre-vingt-huit ans, son aïeul vécut jusqu'à quatre-vingt-quatorze ans. Ces exemples de longévité se continuant pendant plusieurs générations dans la même famille méritent d'être notés, lorsque l'on songe surtout que Buffon conserva jusqu'à quatre-vingt-un ans, et malgré les attaques répétées d'une cruelle maladie, toute la force de son esprit. 1. Antoinette Nadault, née à Montbard le 27 mai 1709, épousa, le 30 décembre 1732, Benjamin-François Le Clerc de Buffon, son parent, et mourut à Buffon, le 4 octobre 1770, à l'âge de soixante-deux ans; de ce mariage sont issus deux enfants. 2. Voir dans le recueil de la Correspondance de Buffon la lettre qu'il écrit, le 25 octobre 1732, au président de Ruffey pour lui annoncer le mariage de son père, et la note qui l'accompagne. (T. I, p. 16 et 206.) 3. Madame Necker, dont l'opinion est bonne à consulter chaque fois qu'il s'agit de Buffon, a parlé autrement de sa jeunesse : « M. de Buffon, dit-elle, a mené, dans sa jeunesse, toutes les << sciences de front; il n'avait jamais été à Paris à vingt-quatre << ans, et il écrivait très-bien en français, la curiosité et la vanité << ont développé ses talents; il ne voulait pas qu'un homme pût se produire. La perfection de son style est due à la sûreté de son goût, à la sévérité de sa critique et à la patience de sa plume qui ne se fatigua jamais à retoucher des pages laborieusement écrites. Les caractères de son génie sont la constance et la force. Personne mieux que M. de Buffon n'a connu le prix du temps; personne, même dans ses heures de jeunesse et de dissipation, n'en fut plus économe et plus ménager. L'heure de ses repas, les instants consacrés à la promenade ou au repos étaient invariablement fixés et assujettis aux convenances de ses études. Il a pensé, il a écrit avec la constante préoccupation d'un homme fort qui a entrepris une œuvre courageuse et qui veut la mener à bonne fin. Sans cesse occupé de son sujet, il l'envisageait sous ses diverses faces, en cherchait les différents rapports et trouvait la force de son style dans l'énergie de sa conviction, la netteté saisissante de son raisonnement dans la logique de sa pensée. Aussi chaque page de son œuvre immortelle est-elle le résultat d'un grand nombre d'idées et d'une merveilleuse combinaison de rapports'. Il avait coutume de dire << entendre ce qu'il n'entendait pas lui-même; il ne voulait rien «< ignorer de tout ce qu'il pouvait savoir, dans quelque genre « que ce fût. » (Mélanges, t. III, p. 81.) 1. Ici on peut encore citer le témoignage de madame Necker, entièrement conforme à celui de M. Humbert : « M. de Buffon |