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<< tièrement à écrire, je l'emploie à dessiner des plantes, «< ce qu'il fait exactement. Je suis très-content de son tra<< vail; il est laborieux, exact et intelligent. Je le crois fort « rangé; mais surtout c'est un bon sujet dont j'espère « que vous aurez de la satisfaction.

« La maladie de M. le comte de Buffon est effrayante << pour les suites; cependant les médecins font tout ce << qu'ils peuvent pour nous tranquilliser. Ils prétendent << le sauver; Dieu veuille qu'ils disent vrai! mais nous «< commençons à désespérer.

<< J'ai l'honneur d'être, avec un véritable attachement, << monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. « THOUËN.

<< Paris, ce 1er avril 1788, 4 heures du soir. »>

M. LUCAS

M. Lucas' était garde du Cabinet d'histoire naturelle, et occupait au Jardin du Roi un petit appartement qui faisait suite à celui du docteur Daubenton. C'était un fort bel homme, d'une taille élevée, d'une figure charmante et d'une tournure extrêmement distinguée. A ces qualités physiques il joignait des qualités morales non moins précieuses. Il avait un cœur excellent et une grande aménité de caractère; il était très-laborieux et très-instruit. M. Lucas avait une passion qui lui devint funeste. Il s'était plu à réunir une collection d'armes précieuses; rien ne lui coûtait pour l'enrichir, et son revenu tout entier passait en achats soit d'armes blanches, soit d'armes à feu. Il était d'une habileté rare dans leur maniement. D'un coup de pistolet il traversait un écu de six francs; avec un fusil

1. François Lucas, conservateur des galeries du Cabinet du Roi, huissier de l'Académie des sciences, naquit en 1745, et mourut dans un âge avancé.

double, il abattait une hirondelle à une grande distance, puis, se retournant, il en abattait une seconde. Le 24 août 1825, on le trouva mort d'un coup de feu1. En essayant, dit-on, une paire de pistolets de la fabrique de Versailles, le canon de l'un d'eux se serait embarrassé dans sa chevelure, qu'il portait habituellement fort longue, et le coup serait parti dans l'oreille. M. Lucas était alors âgé de quatre-vingts ans; il laissait un fils 2 et une fille. Sa femme lui survécut. C'était un intérieur heureux et une famille dans laquelle on trouvait l'exemple de toutes les vertus.

Tandis que M. Thouïn suppléait Buffon dans les affaires du Jardin du Roi, M. Lucas était chargé, à Paris, du soin de ses affaires domestiques. Il réglait les fournisseurs,

1. M. Humbert commet une erreur, et rapporte à François Lucas l'accident dont André fut la victime. François Lucas mourut de vieillesse, conservant jusqu'à sa dernière heure une inaltérable reconnaissance pour Buffon, et un dévouement sans bornes pour son malheureux fils.

2. Jean-André-Henri Lucas, né en 1778, mourut le 6 février 1825, victime de l'accident dont parle M. Humbert. S'il aimait les armes avec passion, il aimait aussi l'étude, et laissa divers ouvrages, aujourd'hui oubliés. La révolution le compta au nombre de ses plus zélés partisans. A dix-sept ans, il avait un grade dans la milice parisienne, et était adjudant dans la section de la Fidélité. Le 3 juin 1795, se trouvant de garde au Temple, il signa, en cette qualité, le procès-verbal de la mort du dauphin, Louis XVII.

touchait les revenus, et était employé dans toutes les commissions délicates qui exigeaient une discrétion absolue et un dévouement éprouvé. C'était l'homme de confiance de Buffon.

Lorsque, dans les négociations compliquées auxquelles donnèrent si souvent lieu les travaux d'agrandissement et d'embellissement du Jardin du Roi, surgissait quelque difficulté imprévue, Buffon envoyait aussitôt M. Lucas à Versailles, avec des instructions pour les bureaux et des lettres pour les ministres.

Lorsqu'un fils tendrement aimé, et qui servait alors dans les gardes françaises, avait fait quelque folie, Buffon députait au jeune étourdi M. Lucas, porteur d'une lettre remplie de tendres reproches, de sages conseils; mais, en même temps, d'une lettre de crédit.

M. Lucas prit part aux travaux de Buffon, et mérite, à ce titre, de figurer au nombre de ses collaborateurs secondaires. Il travailla sous sa direction aux planches enluminées de l'Histoire naturelle, comme le montre une quittance donnée par lui; elle est ainsi conçue:

« J'ai reçu de M. le comte de Buffon la somme de deux << cents livres pour mon travail et mes soins aux planches << de l'Histoire naturelle des oiseaux, pendant les quatre « premiers mois de la présente année. Dont quittance à << Paris.

« LUCAS. >>

M. VERNIQUET

En 1747, M. Verniquet1 était géomètre-arpenteur à Châtillon-sur-Seine (Bourgogne). C'était un homme fort ordinaire. M. de Buffon, qui fit sa fortune, l'appelait familièrement le bonhomme Verniquet. Il vint, en 1774, se fixer à Paris, où il acheta, grâce à la protection de M. de Buffon, la charge de commissaire-voyer de la ville. Son principal commis leva, avec son autorisation, le plan de Paris sur une vaste échelle : les places publiques, les édifices, les hôtels privés y étaient indiqués avec une telle exactitude, que chacun pouvait reconnaître l'empla- · cement de sa maison. M. Verniquet se donna comme auteur de ce grand travail et en tira seul profit. Il l'avait cédé à la ville moyennant une somme de trente mille livres; mais la révolution empêcha que cette somme ne fût payée.

1. Edme Verniquet, né à Châtillon le 9 octobre 1727, mourut à Paris le 26 novembre 1804, à l'âge de soixante-dix-sept ans.

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