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sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

FORMEY,

conseiller privé du Roi, secrétaire

perpétuel de l'Académie.

(Ces différentes lettres sont inédites, et m'ont été communiquées avec une grande obligeance par M. de Grignon, de Rougemont.)

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En 1782, l'enceinte du Jardin du Roi était habitée par M. de Buffon, qui occupait seul l'hôtel de l'Intendance; par M. Daubenton, qui avait, au premier étage du bâtiment destiné aux collections, un petit appartement attenant au Cabinet d'histoire naturelle; enfin par MM. Thouïn frères 2, préposés à la culture du jardin, et M. VanSpaëndonck3, qui a dessiné la plus grande partie des planches de l'histoire naturelle.

1. André Thouïn, membre de l'Académie des sciences, né à Paris le 10 février 1747, y mourut le 27 octobre 1824.

2. Jean Thouïn, frère cadet d'André, fut, en 1795, à la réorganisation du Muséum, jardinier en chef, à la place de son frère, nommé professeur de culture.

3. Gérard Van-Spaëndonck, peintre hollandais, né en 1746, mort en 1822, fut appelé par Buffon, en 1774, au Jardin du Roi, et devint professeur de la chaire d'iconographie lors de sa fondation. On voit au Louvre, sous les vitrines de la galerie d'Apollon, deux tabatières peintes par Van-Spaëndonck, léguées au

L'appartement occupé par M. Van - Spaëndonck et MM. Thouïn se trouvait au-dessous de la grande butte.

En entrant dans le jardin par la place de la Pitié, à gauche, au pied de la butte sur laquelle on a placé un gnomon, d'où part une bombe qui éclate en l'air, au point de midi, et sert à régler les horloges de la ville, se voyait alors une forge volante, dans laquelle plusieurs ouvriers étaient occupés à façonner les fers envoyés des forges de Buffon, et destinés aux grilles du jardin. A droite, était la demeure des frères Thouïn. M. Thouïn l'aîné, chez lequel je me plaisais à passer mes soirées, me fit toujours souvenir de ces hommes de bien de l'ancienne Grèce, qui poussèrent jusqu'à l'exagéraration la rigoureuse pratique des vertus domestiques. D'une modestie sans exemple, il n'assista jamais aux séances solennelles de l'Académie, et vit à regret, même avec une sorte de résignation, son nom inscrit sur la liste des chevaliers de la Légion d'honneur; il ne voulut point consentir à porter une décoration, sans objet, disait-il, sur la poitrine d'un jardinier. Qu'on taxe, si l'on veut, cette détermination de singularité, mais on se tromperait si l'on soupçonnait M. Thouïn de misanthropie. Nul n'é

Musée par M. Théodore Dablin. Elles proviennent des objets précieux vendus à Montbard lors de la fin tragique du fils de Buffon. Ce sont deux charmantes miniatures, encadrées de perles, qui font bien connaître le talent gracieux et facile de cet artiste distingué.

tait plus accessible, nul n'apportait dans le commerce intime plus de douceur et d'aménité; son temps, ses connaissances, ses plantes mêmes, étaient à la disposition de ceux qui savaient les lui demander. M. Thouïn ne se maria jamais; il fut le soutien de sa famille, qu'il accoutuma de bonne heure à compter sur lui. Orphelin à dix-sept ans, l'aîné de six frères en bas âge, il intéressa à son sort Bernard de Jussieu', aussi distingué par les qualités du cœur que grand dans la science par ses immortels écrits. M. de Jussieu vint trouver Buffon et lui dit : — « Ces orphelins, si vous le voulez, deviendront nos enfants. Ne nommez pas à la place de jardinier qui est vacante; je veillerai aux affaires du jardin durant la minorité de mon protégé. Je le prends avec moi; je l'instruirai soir et matin, je le bourrerai de connaissances, et, un jour, vous en serez content. » Sous ces auspices, M. Thouïn entra au Jardin du Roi. Les services qu'il a rendus à la culture sont trop connus pour qu'il soit besoin de les rappeler ici.

André Thouïn était, au Jardin du Roi, un des auxiliaires les plus dévoués de Buffon. Son concours lui fut d'une grande ressource. Buffon ne résidait pas à Paris : il pas'sait la plus grande partie de l'année dans sa chère retraite

1. Bernard de Jussieu naquit en 1699 et mourut en 1777.

de Montbard, absorbé par ses études. Grâce à André Thouïn, il put administrer de loin, et sans fatigue, le Jardin du Roi. M. Thouïn le secondait avec une infatigable activité. Il surveillait les embellissements entrepris par ordre de l'intendant, arrêtait et soldait les mémoires, enrôlait les ouvriers, et tenait, avec l'architecte Verniquet, une comptabilité détaillée de toutes les dépenses. De nombreuses lettres écrites de Montbard à André Thouïn, et conservées dans la bibliothèque du Muséum, montrent à quel point Buffon comptait sur lui. Il ne craignait pas d'entreprendre et de diriger à distance des travaux considérables, parce que, l'exactitude d'André Thouïn lui étant connue, il envoyait ses instructions avec l'assurance qu'elles seraient exactement comprises et fidèlement suivies. André Thouïn avait voué à Buffon un dévouement sans limites. On peut voir, par une lettre qu'il écrivit à mademoiselle Blesseau, quelques jours après la mort du naturaliste, et que j'ai publiée dans la Correspondance (tome II, page 599), quel profond chagrin il ressentit de cette perte.

Je possède une autre lettre d'André Thouïn, adressée à Trécourt. Elle fut écrite le 1er avril. 1788, quinze jours seulement avant la mort de Buffon; et montre que déjà, malgré les assurances des médecins, on n'avait plus d'espoir. Cette circonstance la rend intéressante.

<< Soyez tranquille, monsieur, votre fils se porte bien << et travaille toujours pour moi. Je lui ai fait des repro<<ches de sa négligence à vous écrire, et il me paraît décidé « à ne plus les mériter. N'ayant pas de quoi l'occuper en

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