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occupation favorite de sa vieillesse; elles sont intéressantes et me semblent bien à leur place ici.

I

A MONSIEUR ADAM, NOTAIRE ROYAL A MONTBARD

Paris, le 12 octobre 1785.

Je vous suis bien obligé, monsieur, de l'avis que vous avez bien voulu me donner au sujet de la vente qui se fera le 17 de ce mois. Je vous prie de dire à M. Guérard ', que je serais bien aise d'avoir, pour promener mes agneaux, quatre journaux qui sont sur la montagne de Courcelotte, et qui tiennent à quatre autres journaux que j'ai sur la même montagne, au-dessus de l'enclos de feu mon neveu. Je sens bien que la curatelle dont vous êtes chargé vous coûte de la peine et du temps; j'en suis bien reconnaissant. J'ai l'honneur d'être, avec un sincère attachement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

DAUBENTON.

II

AU CITOYEN JUNOT, A LA BERGERIE DE COURTANGY,
PAR MONTBARD

Paris, 17 prairial an III républicain.

Je n'ai reçu qu'hier la lettre de Clément, datée du 11 de ce mois; elle a été retardée d'une poste. Nous étions

1. M. Guérard était alors notaire à Montbard.

fort en peine, ma femme et moi, de la santé de Clément, à cause de la chute qu'il avait faite; il paraît qu'elle n'a pas eu de mauvaises suites.

« Je suis bien aise que les moutons soient tondus, mais il faut m'écrire combien il y a à peu près de livres de laine en suint. Je ne compte la vendre que lorsqu'on saura à quel prix elle sera cette année.

<< Il aurait fallu dire si le payement a été fait au citoyen Laubin en assignats à face.

« Clément fera mes compliments au citoyen Pion et le priera d'aller avec lui dans ma bibliothèque prendre le Roman de Cléveland, le Doyen de Kilerine, les Mémoires d'un homme de qualité, Manon Lescaut, les Mémoires de madame de Staal, et les tragédies de Racine. Clément enveloppera ces livres de papier et les mettra dans une boîte avec les assignats à face qui sont chez le citoyen Adam, appartenant à ma femme. Il portera la boîte à la diligence à mon adresse. Il faut toujours mettre deux adresses afin que si l'une manque, l'autre reste. Clément a bien fait d'aller à la vente du champ que ma femme désire d'avoir, quoiqu'à un gros prix.

« J'enverrai au plus tôt des livres et de l'argent à Clément par la diligence. Il dira au citoyen Pion que je lui écrirai au sujet des livres qu'il demande. Notre bibliothécaire du Muséum a bien voulu se charger de cette commission, il espère avoir ces livres avec la remise accordée aux libraires, et peut-être par occasion. Clément fera, en attendant, mes remercîments au citoyen Pion pour ses offresobligeantes; il faudrait y avoir recours dans le besoin.

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<< Puisque le messager ne va pas à Auxerre, il faut mettre la farine à la diligence; cela coûtera moins que de la voiturer à Auxerre. On la mettra dans un sac, et le sac dans une caisse; ainsi il y aura deux caisses: l'une pour la farine et l'autre pour les livres et les assignats.

DAUBENTON.

<< La citoyenne Buffon ira à Montbard dans quelque temps; elle logera dans notre maison. Il faut nettoyer les chambres; et, s'il y a quelques petites réparations à faire, il faudra les faire faire. La citoyenne Buffon n'aura point de chevaux; on pourra mettre sa voiture à la bergerie, ou à l'auberge. »

Singulière lettre! Elle porte la date de 1794; on est en pleine terreur, les esprits sont inquiets, les têtes et les plumes se laissent emporter au courant des utopies politiques, et Daubenton, retiré dans sa maison du Muséum, ne songe qu'à ses livres et à ses moutons.

M. GUENEAU DE MONTBEILLARD

M. Gueneau de Montbeillard, de Semur, a fourni à M. de Buffon un grand nombre de matériaux pour l'histoire des oiseaux. Homme de goût plutôt qu'homme de travail, mais associé à une femme vraiment remarquable 2, M. Gueneau de Montbeillard, aidé par elle; dans le seul but d'alléger M. de Buffon d'un fardeau devenu trop lourd et non plus comme M. Daubenton avec une arrière-pensée de gloire personnelle, rassembla sur les

1. Philibert Gueneau de Montbeillard, né à Semur le 2 avril 1720, y mourut le 28 novembre 1785. Madame Necker a dit qu'il avait une plume d'acier; mais Buffon lui a rendu ce témoignage que c'était « l'homme du monde dont la façon de voir, de juger et d'écrire avait le plus de rapport avec la sienne. »

2. Élisabeth-Bénigne Potot de Montbeillard, femme du précédent, née à Semur en 1727, morte dans la même ville le 19 mai 1790, aida son mari dans ses travaux scientifiques et littéraires. Elle a écrit un précis de sa vie pour servir à l'éloge qui devait être prononcé devant l'Académie de Dijon, dont Gueneau de Montbeillard était membre. On trouve cette intéressante notice à la page 335 du tome I de la Correspondance de Buffon.

mœurs des oiseaux, leurs habitudes, leurs formes variées, leurs différentes espèces, sur les diverses contrées qu'ils fréquentent, de nombreuses observations; il prit des extraits dans les livres des voyageurs et classa les documents que lui remettait M. de Buffon. Ils étaient adressés à l'auteur de l'Histoire naturelle par les correspondants du cabinet et les savants étrangers.

Préparer ce vaste travail n'était pas une œuvre sans valeur; aussi M. de Buffon, faisant à M. Gueneau de Montbeillard, dans l'histoire des oiseaux, une part plus importante que celle qu'il y avait réellement prise, associa son nom au sien' et poussa la reconnaissance et la délicatesse jusqu'à faire figurer parfois sous le nom de M. Gueneau des articles qu'il avait écrits sans sa collaboration; M. Guenau de Montbeillard s'étant seulement occupé de rassembler les matériaux dont ils étaient composés 2.

Gueneau de Montbeillard faisait les vers avec une grande facilité et avait de bonne heure pris l'habitude de com

1. Voyez la note 7 de la page 443 du tome I de la Correspondance.

2. Pour se rendre un compte exact de l'inportance du travail de Gueneau de Montbeillard dans l'histoire naturelle, il suffit de lire les lettres que lui écrit Buffon. Il y est presque exclusivement question des recherches, classements et descriptions dont Montbeillard s'était volontairement chargé.

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