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Observations. L'art. 394 du Code d'inst. crim. déclare que la liste des jurés doit être notifiée à l'accusé la veille du jour fixé par le jugement. Le but de la loi est évident : elle a voulu que l'accusé pût connaître à l'avance les citoyens qui doivent prononcer sur son sort, afin de pouvoir exercer utilement son droit de récusation. Or ce vœu manifeste est étrangement contrarié par un usage qui s'est introduit dans toutes les Cours d'assises du royaume, et qui a tout-à-fait détruit le bienfait de cette notification. La raison comme la loi exigent que la liste notifiée contienne les noms des jurés qui doivent juger l'accusé ; mais il n'en est point ainsi. La liste que l'on notifie est celle des quarante, telle qu'elle est sortie de l'urne de la Cour royale; or le plus souvent cette liste se trouve tellement modifiée par les excuses, les absences et les remplacemens, que cette notification, tout à-fait mensongère, n'est plus qu'une vaine formalité. Ainsi l'accusé reçoit la liste de ses juges, il recherche avec soin ceux dont les lumières et l'impartialité doivent lui offrir le plus de garantie, et peut-être pas un de ceux-là ne figurera sur la liste définitive, celle sur laquelle s'opère la formation du tableau. On le demande : l'accusé peut-il réellement user alors de son droit de récusation? L'art. 394 est-il exécuté de cette manière? Voilà donc un droit qui est écrit dans la loi, et dont l'exercice est paralysé ; et ce droit si important pour la défense tient à l'essence même du jugement par jurés. Cependant une difficulté se présente, et nous ne la dissimulerons pas : il est impossible de notifier la liste définitive à l'accusé qui doit être jugé le jour de l'ouverture des assises. Dans ce cas il suffirait peut-être à l'intérêt de cet accusé de lui laisser quelque intervalle entre la formation du tableau et le tirage au sort, pour qu'il pût conférer avec son défenseur sur les récusations qu'il lui importe de faire. Mais, hors ce cas spécial, il est vraiment dérisoire de notifier pendant tout le cours de la session une liste imprimée d'avance, et qui a subi de nombreux changemens. Cet abus a paru tellement grave, qu'un député (M. Martin) a cru devoir proposer un amendement pour k détruire, lors de la discussion du projet de loi sur la compos tion des Cours d'assises. Cet amendement a été rejeté comme

étranger à l'objet spécial de cette nouvelle loi. Mais nous ne croyons pas que cette innovation fût nécessaire. L'art. 394 se sert de ces expressions: la liste des jurés sera notifiée; or il est hors de doute que la volonté du législateur a été d'ordonner une formalité utile et non une insignifiante notification. Il est certainement plus commode de notifier pendant toute la session la liste originaire, sans s'inquiéter des mutations qui y ont été opérées. Mais si cet usage, qui couvre souvent une foule de nullités, a été sanctionné par la Cour de cassation, il n'en est pas moins contraire sinon au texte, du moins à l'esprit évident de la loi; car la question: se réduit à savoir si cette loi a voulu établir un droit de récusation en faveur de l'accusé, ou si cette faculté ne renferme qu'une déception.

ART. 508.

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LIBRAIRE.

BREVET

RÉGLEMENT DE 1725.

L'exercice de la profession de libraire sans brevet est punissable de l'amende de 500 fr., conformément à l'art. 4 du réglement du 28 février 1723, qui est toujours en vigueur...

Cette peine est applicable au colporteur de livres comme au li-, braire lui-même.

Le sieur Barthe, colporteur, était prévenu d'avoir exposé des livres en vente, sans s'être muni de brevet, Le tribunal correctionnel d'Alais le renvoya des poursuites, parce que le réglement de 1723, fût-il encore en vigueur, ne pouvait s'appliquer à un individu qui n'avait fait que colporter des livres. Appel. par le ministère public. Les moyens développés à l'appui de cet appel sont rapportés dans l'arrêt qui suit :

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LA COUR, attendu que le droit d'interpréter les lois est attribué au chef de l'état, séant en son conseil, par la loi du 16 septembre 1807 ; que, la charte ni aucune disposition législative n'en ont changé ni modifié les. effets, jusqu'au 30 juillet 1828, époque à laquelle un nouveau mode d'interprétation ayant été adopté par une autre loi, celle de 1807 a été expressément abrogée; - Attendu, dès-lors, que l'ordonnance du roi rendue le

Ier septembre 1827, dans les formes voulues par l'art. 2 de la loi du 16 septembre 1807, relativement à un référé de la Cour de cassation, motivé Sur ce qu'il y avait lieu à interprétation de la loi en matière de librairie, étant antérieure à la loi de 1828, doit recevoir sa pleine et entière exécution; · Attendu que, conformément à son art. 1o, la contravention à la disposition de l'art. 11 de la loi du 21 octobre 1814 doit être pynie de l'amende de 500 fr. portée en l'art. 4 du tit. 2 du réglement du 28 février 1723; mais que la peine de la confiscation des livres saisis, encore portée par le même réglement, ne doit pas être prononcée, par le motif que cet art. 11 de la loi de 1814, en déclarant que les exemplaires saisis seraient restitués après le paiement des amendes, a supprimé la confiscation de ces exemplaires; Attendu qu'au prescrit de ce même art. 11 de la loi de 1814, nul ne peut être libraire s'il n'est breveté par le roi et assermenté; que vainement on chercherait à prétendre que l'obligation imposée au libraire ne peut atteindre que celui qui colporte des livres, puisque la seule différence qui existe entre le libraire et le colporteur ne consiste que dans la manière dont chacun d'eux fait le même commerce (celui des livres), et qu'en résultat, tant l'un que l'autre, peut, en se soustrayant à la volonté de la loi, porter un préjudice égal à la société ; Attendu, en fait, que des pièces versées au procès, ainsi que de l'aveu de Barthe, il est demeuré constant qu'il a vendu des livres sans avoir obtenu le brevet exigé par la loi; Par ces motifs, réforme le jugement, condamne Barthe à une amende de 500 fr.

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Observations. En admettant que la loi du 16 septembre 1807 ait eu force légale jusqu'à ce qu'elle ait été positivement abrogée par celle du 30 juillet 1828, il faut reconnaître que l'argumentation de la Cour de Nîmes est rigoureusement exacte : elle est, d'ailleurs, puisée dans les arrêts de la Cour de cassation des 12 septembre et 22 novembre 1828. Mais nous ne pouvons croire qu'une loi qui conférait à un seul des trois pouvoirs le droit de modifier les lois en les interprétant, pût être invoquée sous l'empire de la charte l'ordonnance interprétative de 1 septembre 1827 manquait done d'une condition de légalité indispensable pour être exécutée. Ajoutons qu'il ne s'agissait pas seulement d'interpréter un texte indécis, mais d'attribuer vie et puissance à un réglement que la loi du 17 mars 1791 avait nécessairement abrogé..

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Il est contraire au vœu de l'art. 69 du Code pénal d'appliquer à. un condamné pour délit correctionnel, qui a agi avec discernement, précisément la moitié de la peine qu'il aurait subie, s'il avait eu seize ans accomplis; il faut que la peine appliquée soit au-dessous de la moitié de celle qu'il aurait dû subir, s'il avait eu cet âge.

ARRET. (Ponchier.)

LA COUR, attendu que les vols sont certains et la culpabilité de Ponchier démontrée par les déclarations de plusieurs témoins et par les aveux du prévenu;

Attendu qu'en admettant que Ponchier fût âgé de moins de seize ans, la conduite qu'il a tenue avant, pendant et après les vols dont il est convaincu, prouve qu'il agissait avec discernement; attendu néanmoins qu'aux termes de l'art. 401 du Code pénal, le maximum de l'emprisonnement pour les vels simples est de cinq ans; que, d'un autre côté, l'art. 69 du Code pénal veut que le prévenu âgé de moins de seize ans qui aura agi avec discernement, et qui n'aura encouru qu'un châtiment correctionnel, ne puisse être condamné qu'à une peine qui soit au-dessous de la moitié de celle qu'il aurait subie, s'il avait eu seize ans ;

Attendu que les premiers juges ont prononcé contre Ponchier la peine de deux ans et demi d'emprisonnement, peine qui n'est pas au-dessous de la moitié de celle qu'aurait pu subir Ponchier s'il avait eu seize ansi qu'ainsi l'appel de Ponchier est fondé :

Faisant droit de l'appel, émendant, réduit la condamnation à deux ans et cinq mois.

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: ..).

Prés. M. Dé

Du 26 août 1830.-Cour de Bordeaux. granges, prés. ; concl. : M. Destor, cons.-aud.

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Les délits de diffamation, commis par la voie de la presse, ne sont pas compris dans l'amnistie du 2 août 1830.

ARRET. (le Constitutionnel, C. les gendarmes de Rodez.)

LA COUR, attendu que l'ordonnance du 2 août dernier n'a amnistié que les condamnés pour délits politiques de la presse ; Attendu que le

délit imputé au demandeur n'est pas un délit politique de la presse, mais un délit privé de diffamation, à l'égard duquel le ministère public n'a pas consenti d'action et qui n'a été poursuivi que sur la plainte des individus diffamés; que dès lors l'ordonnance d'amnistie n'est pas applicable au demandeur; Attendu que le demandeur condamné à une peine emportant privation de la liberté n'est point en état devant la Cour : - Vu l'art. 421 du Code d'inst. crim., déclare Guize, éditeur responsable du Constitutionnel, non recevable en son pourvoi.

-

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Du 10 septembre 1830. Cour de cass. M. Ollivier, rapp. M. de Gartempe, av.-gén.

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:

La subornation de témoins n'est punissable qu'autant qu'elle a es pour résultat d'amener un faux témoignage."

Ainsi, lorsqu'il est reconnu qu'il n'y a pas un faux témoignage, le crime de subornation de témoins ne peut exister.

ARRÊT. (Lépine.)

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LA COUR, attendu que la subornation de témoins n'est qu'un fait de complicité par provocation du rime de faux témoignage, et qu'il s'ensuit que là où il n'y a pas crime de faux témoignage, il ne peut se rencontrer crime de subornation de témoins; Que la provocation exercée envers des individus pour faire un faux témoignage, lorsqu'elle n'a été suivie d'aucune exécution, ni d'aucun commencement d'exécution criminel, est un acte immoral, mais qui n'est passible légalement d'aucune peine; Attendu que, dans l'espèce, les individus accusés de faux témoignage ont été déclarés non coupables par le jury, et par suite acquittés; qu'en conséquence la déclaration affirmative du jury, de subornation de témoins contre Lépine dit Prieux, étant en contradiction manifeste avec les précédentes, ne pouvait servir de base à l'application d'aucune peine, puisqu'il n'y avait pas de crime reconnu constant; Que dès-lors la Cour d'assises du département de l'Oise, en renvoyant ledit François Lépine absous de l'accusation portée contre lui n'a violé aucune loi, mais a fait au contraire une juste application des principes sur la complicité

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Du 8 juillet 1830. Cour de cass.

-M. Fréteau, av.-gén.

-

;- Rejette.

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M. Brière, rapp

V. arrêts des 18 février 1813 et 26 avril 1816.

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