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fassent cette distillation pour le compte du propriétaire, soit qu'ils distillent pour leur propre compte des récoltes par eux achetées, et qu'ils aient ou non l'intention d'en revendre les produits, sont soumis á la déclaration préalable, et passibles d'une amende, en cas d'infraction. (Art. 129, 138, 141 et 147 de la loi du 28 avril 1816.)

ARRÉT.

LA COUR, vu les art. 85 et 138 de la loi du 28 avril 1816, — Attendu que, de la combinaison de ces articles, il résulte qu'il n'y a, relătivement à la perception des droits sur les boissons, que deux sortes de distillateurs : les distillateurs de cru, et les distillateurs de profession; que les premiers sont ceux qui ne distillent que les produits de leurs récoltes; que les seconds sont ceux qui distillent les produits des récoltes d'autrui, soit qu'ils fassent cette distillation pour le compte des propriétaires, soit qu'ils distillent pour leur propie compte des récoltes par eux achetées, soit enfin qu'ils veuillent, ou non, revendre les produits distillés; - Que les distillateurs de profession ne peuvent entreprendie la distillation, sans faire la déclaration prescrite par les art. 138 et 141 de la loi du 28 avril 1816, à peine d'être condamnés à l'amende portée par les art. 129 et 143;- Et, attendu que, dans l'espèce, il est prouvé, par le procès-verbal des employés, et d'ailleurs convenu que Sauce distillait des marcs de vendange par lui achetés ; — Que dès-lors il était distilla teur de profession, obligé de faire, avant sa distillation, et à peine d'encourir l'amende portée par les art. 129 et 143, précités, la déclaration prescrite par les art. 138 et 141; Que, néanmoins, le jugement attaqué a décidé que Sauce n'était pas distillateur de profession, parce qu'il ne distillait pas pour revendre, et, par ce motif, a renvoyé ce prévenu des poursuites faites par la régie contre lui, pour n'avoir pas fait de déclaration; - En quoi ce jugement a violé les art. 138, 141, 129, 143 et 83 de la loi du 28 avril 1816; par ces motifs, Cassel le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Mihiel, du 23 mars dernier.

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- Du 24 septembre 1829. Cour de cass, Ch. crim. M. Olivier, rapp.-M. Laplagne-Barris, avoc.-gén.

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Les peines de la récidive portées par l'art. 56 du Code penal ne sont pas applicables au condamné pour crime, qui a été précédemment condamné à une peine afflictive et infamante par un tribunal militaire, lorsque la première infraction n'est pas qualifiée crime par la loi pénale ordinaire. (Art. 56 du Code pén.)

Thérin, dit Pichonel, avait été condamné le 31 août 1822, par un conseil de guerre, à cinq ans de fers, pour avoir vendu des effets militaires. Traduit postérieurement devant la Cour d'assises des Côtes-du-Nord, et déclaré coupable de vol avec circonstances aggravantes, cette Cour fe condamna aux travaux forcés à perpétuité, comme étant en état de récidive. Pourvoi.

ARRET.

LA COUR, attendu qu'il résulte de la combinaison des art. 5 et 56 du C. pén., qu'il n'y a lieu à l'application de la peine de la récidive portée par ce dernier article que lorsque la première infraction commise est qualifiée crime par les lois ordinaires; — Attendu en fait que l'infraction pour laquelle Thérin dit Pichonel avait été condamné par le jugement du deuxième conseil de guerre permanent de la première division militaire, n'est pas qualifiée crime par le droit commun; - Qu'en conséquence, l'arrêt attaqué, en lui infligeant la peine de la récidive, a fait de l'article 56 une fausse application et violé formellement l'art. 5, ci-dessus cité; — Par ces motifs, casse et annulle.

-Du 12 novembre 1829.

M. Chauveau Lagarde, rapp.
Chauveau-Lagarde,

Cour de cass. - Ch. crim.

M. Fréteau, avoc.-gén.

Nota. Cet arrêt est absolument conforme à celui rendu par les Chambres réunies le 9 novembre 1829 (V. notre art. 218); mais est important, parce qu'il porte la preuve que la Chambre criminelle a complétement répudié son ancienne jurisprudence pour adopter celle des Chambres réunies.

ART. 269.

DÉFENSE. ABSENCE. -TÉMOIN.

Il n'y a pas nullité de ce que la déposition d'un témoin aurait eu lieu hors la présence du conseil de l'accusé.

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LA COUR, attendu, sur le moyen pris de ce qu'un témoin avait déposé devant la Cour d'assises, avant que le conseil de l'accusé fût présent à l'audience; que le président avait satisfait à tout ce qu'exige la loi, relativement au défenseur de l'accusé, en nommant, pour remplir cette fonction, un avocat à la Cour royale d'Orléans, comme il conste de l'interrogatoire de J. Durand, par le président des assises ;—Rejette.

-Du 20 novembre 1829. -Cour de cass. M. de Coussergues, rap p.-M. Fréteau, avocat-général.

ART. 270.

OMNIPOTENCE DU JURY.

La doctrine de l'OMNIPOTENCE du jury est contraire à la loi.

Les attributions du jury sont limitées à la connaissance des questions de fait il manque à ses devoirs s'il soumet sa déclaration à des considérations tirées de la loi pénale.

Le défenseur de l'accuse outrepasse les droits de la défense en invitantles jurés à rechercher si la peine est proportionnée au dělit.

Couet était traduit devant la Cour d'assises de la Seine, sous la prévention de vol commis dans une maison où il était serviteur à gages depuis sept années. Son défenseur invoqual l'omnipotence du jury à l'égard de la circonstance aggravante de la domesticité; il soutint que son pouvoir étant sans limites, il devait rechercher s'il y avait une juste proportion entre la peine et le délit. Le président des assises ayant averti l'avocat qu'il ne pouvait émettre une pareille doctrine, et celui-ci ayant nsisté, l'arrêt suivant est intervenu :

ARRET.

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Considérant

LA COUR, vu les art. 342 ct 311 du Code d'Inst. crim. qu'aux termes de l'art. 342 du Code d'Inst. crim., le juré qui, pensant aux dispositions des lois pénales, considérerait les suites que peut avoir, par rapport à l'accusé, la déclaration qu'il est appelé à rendre, manquerait au premier de ses devoirs; Considérant que l'art. 511 du mème Code prescrit au défenseur de ne rien dire contre le respect dû à la loi; - Statuant sur la réclamation du conseil de l'accusé, dit qu'il n'échet de l'autoriser dans sa demande.

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Du 2 février 1830.

Cour d'assises de la Seine.

M. Jacquinot Godard, président.

Observations. Divers publicistes ont pris à tâche, depuis quelque temps, d'édifier une doctrine nouvelle, celle de l'omnipotence du jury. Si nous saisissons bien les principes qu'ils enseignent, la puissance dont la loi a investi le jury serait sans limites et sans règles; sa mission ne serait plus restreinte à prononcer sur l'existence et la moralité des faits incriminés; elle s'étendrait à l'appréciation de leur criminalité, à l'examen de la loi qui les a punis, et, dans le cas où le châtiment ne lui semblerait pas en harmonie avec la gravité du délit, elle lai T. II.

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conférerait le droit, en modifiant, en anéantissant même un fait dont l'existence serait cependant hors de doute, de modifier, d'anéantir la loi elle-même. Cette doctrine présente une telle confusion de principes, un bouleversement si étrange des notions les plus élémentaires, soit de notre droit public, soit de la législation criminelle, que nous avons long-temps hésité à la combattre.

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L'institution du jury, comme tous les pouvoirs de la société, est soumise a des règles, est renfermée dans des limites qu'elle ne peut méconnaître sans jeter la perturbation dans le corps social, sans compromettre sa propre existence. Ces règles ont été tracées par la loi. « Les jurés manquent à leur premier devoir, porte l'art. 542 du Code d'Instruct. crim., lorsque << pensant aux dispositions des lois pénales, ils considèrent les « suites que pourra avoir, par rapport à l'accusé, la déclaraa tion qu'ils ont à faire. Leur mission n'a pas pour objet la << poursuite ni la punition des délits; ils ne sont appelés que « pour décider si l'accusé est ou non coupable du crime qu'on « lui impute.» Rapprochez de ces termes formels les expressions de l'art. 345, et vous resterez convaincus que, dans l'intention de la loi, la mission du jury doit se borner à rechercher si le fait est constant, si l'accusé en est coupable. Voilà le cercle où il doit exercer son pouvoir : juge souverain du fait, il excède sa puissance toutes les fois qu'il veut dominer la loi.

On élude néanmoins cette distinction solennelle. Les jurés, dit-on, n'ont pas seulement à prononcer sur l'existence d'un fait matériel; la qualification de ce fait leur appartient : chez toutes les nations où le jury a été établi, les jurés prononçaient leur jugement par ces mots seuls, coupable ou non coupable: le Code a conservé en partie cette formule; or, le droit de prononcer sur la culpabilité d'un accusé emporte nécessairement celui de rechercher le degré de criminalité du fait qui lui est imputé et la juste proportion du châtiment avec ce fait. Cet argument peut paraître spécieux, il est cependant facile d'y répondre. Écartons d'abord les exemples tirés des législations étrangères dont les principes, quels qu'ils soient, curieux à étudier, sont sans force aux yeux du jurisconsulte lorsque la loi française est

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claire et positive. Notre Code n'a point réduit les réponses du jury en une formule générale, comme en Angleterre : Loin de lå,notre jury doit répondre, l'accusé est ou n'est pas coupable d'avoir commis TEL FAIT. Ainsi, il n'a point à rechercher si l'accusé est punissable pour avoir commis tel fait, mais seulement s'il est vrai qu'il l'a commis, s'il l'a commis avec une intention criminelle : Tel est le système de notre législation; les questions soumises au jury n'embrassent que l'existence et la moralité du fait : elles tracent et limitent sa mission. Aussi c'est un principe général, que l'existence et la moralité du fait tombent seules dans le domaine du jury sa qualification appartient à la Cour (art. 362, 363, 364 du C. d'Inst.); à la vérité quelques difficultés se sont élevées dans l'application de ce principe; mais alors même que la qualification du fait pourrait dans certains cas appartenir au jury, qu'en résulterait-il? pourrait-il, plus que le juge, secouer le joug de la loi ? pourrait-il méconnaître les caractères du délit, et déclarer, par exemple, qu'un individu qui a commis un homicide volontaire n'est pas coupable d'un meurtre, que celui qui a brisé une porte pour voler n'a pas commis d'effraction ? S'il le pouvait, ses décisions devraient donc cesser d'être irréfragables, et leur indélébilité même est une preuve que la loi n'a pas voulu leur conférer une telle puissance,

La déclaration du jury est irréfragable, et telle est encore une des bases de l'omnipotence: mais si le législateur, mû par les plus hauts motifs, a voulu qu'en matière criminelle les accusés n'eussent qu'un seul degré de juridiction, par combien de précautions n'a-t-il pas tâché de suppléer aux dangers qui pouvaient en résulter? Combien de garanties n'a-t-il pas demandées aux jurés? C'est dans les classes les plus élevées, les moins sujettes à l'erreur, les plus intéressées à la répression des délits, qu'il en fait le choix. Il exige de plus qu'au commencement de chaque affaire un serment solennel les lie à leurs devoirs; ce n'est pas assez; il va proclamant ses instructions jusque dans la salle où les jurés délibèrent, et c'est la main sur le cœur que leur chef déclare devant Dieu et devant les hommes que l'honneur et la vérité ont dicté la réponse qu'il va prononcer. La déclara

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