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veur de l'obscurité, avancèrent sans être aperçues. Le corps du général Geismar fut assailli soudainement, débusqué de ses positions, et forcé de se replier en toute hâte sur le corps du général Rosen à Dembewilkie. Ici la résistance des Russes, qui étaient maintenant en force, devint plus opiniàtre; mais les Polonais ne leur donnèrent pas un instant de relâche: ils les attaquèrent avec une nouvelle impétuosité, enlevèrent leurs retranchements, et, après un combat qui avait duré depuis cinq jusqu'à dix heures du soir, les contraignirent à une fuite précipitée.

Cette brillante affaire, dans laquelle le colonel français Romarino, qui était accouru au secours de la Pologne, se distingua particulièrement, coûta aux Russes 5 à 6,000 hommes tués ou blessés, 12 canons, des caissons, des munitions, des fusils, a drapeaux et 6,000 prisonniers.

Le général Rosen abandonna Minsk, et se replia sur ses réserves, poursuivi par les Polonais, qui, le 10 avril, remportèrent une seconde victoire au village d'Inganie, près de Siedlec. Quelques corps de troupes polonaises traversèrent le Bug et s'approchèrent des positions du maréchal Diebitsch lui-même.

Tout alors semblait favoriser le courage des Polonais, et tourner au désavantage des Russes, qui, manquant de subsistances, exposés aux intempéries de la saison, étaient en outre envahis par le choléra, qu'ils allaient bientôt transmettre à leurs ennemis. Après le combat d'Inganie, si le généralissime n'avait pas tenté de prendre Siedlec, c'est qu'il avait été retenu par la considération que les hôpitaux de cette ville étaient encombrés de malades, et qu'il y régnait des maladies contagieuses. «Mais, vaine prévoyance! disait le général Skrzynecki dans un rapport du 22; le contact de nos troupes avec celles de l'ennemi, le 10 avril, avait déjà porté le mal dans nos rangs. Nous avons quelques centaines de soldats atteints du choléra..... C'est ainsi que dans sa cruauté, l'ennemi, qui depuis des siècles vomissait sur notre sol toutes sortes de maux, vient de nous apporter le fléau qui nous manquait.»>

Tandis que le général Skrzynecki triomphait sur les rives de la Vistule, une insurrection formidable au premier abord, et qui promettait une diversion décisive en faveur de la Pologne, éclatait en Lithuanie, principalement dans le gouvernement de Wilna. Quelques seigneurs du pays s'étaient mis à la tête des insurgés. Mais loin que ces événements eussent fait fléchir l'empereur Nicolas de la rigueur de ses intentions, le gouvernement russe prépara toutes les mesures nécessaires pour dompter cette nouvelle rébelliou et en châtier sévèrement les auteurs. Par un ukase du 3 avril, l'empereur ordonna que tous les nobles qui auraient pris part à la révolte seraient jugés par un conseil de guerre, d'après le réglement criminel de campagne; que leurs biens'seraient séquestrés, et enfin, pour punir les pères dans leurs enfants, que ceux des rebelles seraient enrôlés comme cantonnistes militaires.

Après les victoires de mars et d'avril, le général Sierawski avait reçu l'ordre d'aller rejoindre le général Dwernicki dans le sud, pour tenter de soulever la Volhinie. Leurs opérarations furent d'abord heureuses. Ils nettoyèrent la rive droite de la Vistule, et même le général Dwernicki traversa le Bug. Toutefois ils n'avancèrent pas avec assez de prudence et eurent le tort d'agir à une trop grande distance l'un de l'autre. Le 17 avril, le général Sierawski se trouva en présence du général Kreutz, à la tête d'un corps d'armée russe de 24,000 hommes. Au lieu de se retirer à temps devant des forces beaucoup plus nombreuses que les siennes, le général polonais persista à soutenir pendant tout le jour un combat trop inégal. Il fut à la fin obligé de se retirer sur Kazimierz, où, attaqué de nouveau le lendemain, il se vit dans la nécessité de repasser la Vistule, ayant eu 1,200 hommes tués.

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Le général Dwernicki fut encore plus malheureux. Arrêté dans le cours de ses premiers succès par le général Rudiger, qui, le 20 avril, le força d'en venir à une action, il dut commencer un mouvement rétrograde, et fut coupé de la Vistule

et de Varsovie par les troupes que la défaite du général Sierawski avait laissées libres de se porter de son côté. Dans cette position difficile, le général Dwernicki marcha vers la Podolie, longeant la frontière autrichienne, tandis que le général Rudiger le poursuivait et achevait de l'entourer. Le 29 avril, les Polonais allaient être attaqués sur tous les points; au lieu de risquer une bataille impossible à gagner, le général Dwernicki chercha un refuge sur le territoire autrichien, où ses troupes furent désarmées par les autorités et éloignées de la frontière.

Le corps du général Dwernicki étant ainsi perdu pour la Pologne, et permettant aux forces des généraux Rudiger et Kreutz de soutenir les opérations du principal corps d'armée russe, le général Chrzanowski fut immédiatement dépêché en Volhinie par le généralissime polonais pour tenir la place des généraux Sierawski et Dwernicki. Le général Chrzanowski arriva à marches forcées sur les Russes, leur enleva plusieurs postes, et, le 6 et le 8 mai, remporta quelques avantages sur des divisions détachées, qui laissèrent entre ses mains un nombre considérable de prisonniers. Mais bientôt les Russes concentrèrent leurs forces, le firent reculer et l'attaquèrent le 9 à Lubartow, d'où les Polonais, après une défense opiniâtre, furent chassés avec quelque perte d'hommes et de munitions. Ils repassèrent le Wieprz et se réfugiérent dans le vieux Zamosc.

Dans le nord, où étaient les principaux corps d'armée, aucun engagement général n'eut lieu; seulement des corps détachés en vinrent aux mains; plusieurs villes furent prises et reprises par les deux partis. Les Polonais s'attribuèrent toujours l'avantage dans ces affaires, dont quelques-unes furent assez sérieuses, sans avoir du reste beaucoup d'influence sur les résultats de la campagne. Cependant le maréchal Diebitsch ayant achevé ses préparatifs, et reçu de puissants renforts, s'était mis en marche sur Varsovie. L'armée polonaise se retirait graduellement devant lui. Le 28 avril, le quartier général russe

était encore une fois à Minsk, où les Polonais, après avoir eu l'intention de faire résistance, jugèrent prudent de ne pas s'engager avec un adversaire supérieur en nombre. Ils évitèrent donc la bataille, et ils ne tardèrent pas à voir les Russes rétrograder. Le pays, en proie à tous les ravages de la guerre, était tellement épuisé, les Polonais ayant eu soin de détruire ou d'emporter dans leur retraite tout ce qui pouvait être utile à leurs ennemis, que le maréchal Diebitsch, qui manquait même de paille pour ses chevaux, fut obligé d'abandonner Minsk presqu'aussitôt qu'il l'avait occupé : il reprit sa première position derrière Siedlec.

L'armée polonaise suivit le maréchal Diebitsch, et reprit aussi ses positions devant lui à la fin d'avril et au commencement de mai. Après quelques jours passés en escarmouches sans importance, le général Skrzynecki commença une série de mouvements contre l'aile droite de l'armée russe, dont le quartier général était à Ostrolenka sur la rive gauche de la Narew. L'objet qu'il avait en vue était de pouvoir, en repoussant, cette aile, jeter en Lithuanie un corps de troupes qui concentrât et organisât les forces de l'insurrection dans cette ancienne province polonaise, et de, placer ainsi un nouvel ennemi derrière les Russes. Il devait espérer en même temps que, s'il parvenait à faire reculer leur aile droite, le reste de leur armée serait contraint également de rétrograder pour maintenir ses communications. Ce plan avait ce danger, qu'il laissait Varsovie à découvert, que les Polonais, en avançant trop loin, s'exposaient à une attaque de l'armée russe toute entière, bien supérieure en nombre à son ennemie, et qu'en cas de revers, le corps détaché en Lithuanie serait privé de tout secours.

Les Polonais longèrent d'abord la rive droite de la Narew, etmarchèrent de Sierock à Pultusk sans rencontrer d'obstacles sérieux. Le 18 mai ils franchirent la Narew et entrèrent dans Ostrolenka. Les troupes russes, quoiqu'elles comptassent alors parmi elles l'élite de la garde impériale, avaient abandonné Ann. hist. pour 1831.

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les fortifications élevées sur ce point, et, reculant devant une bataille générale, s'étaient retirées dans la direction de Bialystock. Le 20, une division polonaise continua sa marche et se rendit maîtresse de Lomza, tandis que le généralissime Skrzynecki s'avançait sur la route de Tykocin pour couper la retraite à la colonne russe qui avait quitté Lomza. Il ne réussit point dans ce projet; mais le 21 il attaqua Tykocin, que les Russes évacuèrent dans la nuit, après Havoir défendue tout le jour, à l'aide des obstacles qui rendent l'approche de cette place difficile.

Le colonel français Langermann, ancien aide-de-camp du général Lamarque, fut cité particulièrement par le généralissime polonais, pour la brillante valeur qu'il déploya à la prise de Tykocin.

L'aile droite des Russes avait maintenant perdu tant de terrain, que le chemin de la Lithuanie était ouvert. Aussitôt un corps polonais, sous le commandement du général Chlapowski, entra dans cette province. Quant au maréchal Diebitsch, qui était demeuré jusque-là avec son principal corps d'armée au sud du Bug, il repassa cette rivière et se remit, par cette manœuvre, en communication avec son aile droite. Ainsi le royaume de Pologne tout entier fut encore une fois délivré de ses ennemis.

Mais il semblait que le plan du généralissime russe fût de laisser les Polonais s'aventurer aussi loin, de rallier, de concentrer ses forces dans son mouvement en arrière, et de reprendre bientôt l'offensive avec toute son armée. Le 21, il passa' de nouveau le Bug, et le lendemain il était en pleine marche contre les Polonais. Ils commencèrent aussitôt leur retraite. Le 23, leur arrière-garde, commandée par le général Lubinski, qui avait été presque cernée par les Russes, dut se faire jour à travers leurs colonnes pour rejoindre le gros de l'armée polonaise. En même temps l'aile droite des Russes, par ses progrès, avait coupé les communications du général Skrzyneck¡' avec le corps du général Gielgud. Affaibli par cette séparation

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