SCÉNE I.

Mademoiselle DUBOIS, MARIANNE.

(Mlle Dubois entre, précédée de Marianne qui eft habillée en paysanne, quoique très proprement).

Mlle DUBOIS.

ENTREZ, Mademoiselle Marianne; alleyez-vous-là un inftant, Madame va defcendre.

MARIANNE s'affeyant. Bien obligée, Mademoiselle !

Mile DUBOIS fe plaçant à côté d'elle. Eh bien! comment vous trouvez-vous ici?

MARIANNE. Fort bien, Mademoifelle, grâce aux bontés de ma maraine. Mile DUBOIS. Je parie que vous ne demanderiez pas mieux que de quitter tout-à-fait le village pour venir demeurer

avec nous.

MARIANNE. A Vous dire le vrai, je n'en ferois pas fâchée.

Mile DUBOIS. Je m'en fais doutée. Eh bien ! réjouiffez-vous, Mademoiselle, je crois que vous nous reftez.

MARIANNE, avec joie. Quoi! vrai

ment!

Mlle DUBOIS. Oui; j'ai tout lieu de croire que je ne me trompe point dans mes conjectures.

MARIANNE. Ah! que je fuis contente! (d'un air careffant) Vous m'aimerez toujours bien?

Mlle DUBOIS, affectueufement. L'aimable enfant qui pourroit s'en défendre? MARIANNE. De mon côté, vous pouvez être sûre... Je fuis d'une joie !

Mlle DUBOIS. Quels transports! Mademoiselle, le féjour de la ville a fes agrémens mais il a auffi fes dangers. Vous êtes jeune, belle, fans expérience... MARIANNE, avec vivacité. Vous avez raifon mais ma maraine m'aime bien; M. le Marquis m'a dit auffi qu'il vouloir être de mes amis; & puis vous & Mile la Varenne...

:

Mlle DUBOIS. Vous méritez qu'on s'attache vous, & je vais vous parler en amie. Madame la Marquife a le cœur excellent, elle vous aime fincèrement; ce n'eft pas elle que vous devez craindre: mais prenez garde à M. le Marquis; la Varenne eft....

SCÈNE I I.

Mlle LA VARENNE, Mlle DUBOIS,
MARIANNE.

Mlle LA VARENNE à Mlle Dubois. Paffez chez Madame, Mlle Dubois; elle vous demande. (Mlle Dubois fort fans rien dire).

SCÈNE I I I.

Mlle LA VARENNE, MARIANne.

Mile LA VARENNE d'un ton vif & gai. Eh! bon jour, mon petit ange: que je vous annonce une charmante nouvelle; vous reftez.

MARIANNE. Cela me fait bien plaifir, Mademoisellé.

Mlle LA VARENNE. Comment! mais c'eft que j'en fuis enchantée, moi. MARIANNE faifant une révérence. Je vous remercie, Mademoifelle.

Mile LA VARENNE. Bon, voilà les façons revenues. Eft-ce que je ne fuis pas votre bonne amie?

MARIANNE. Vous avez bien de la

bonté.

Mlle LA VARENNE comme impatiente. Ce n'eft pas comme cela qu'il faut répondre il faut m'appeler votre bonne amie, me fauter au cou, & m'embraffercomme vous m'aimez.

MARIANNE Courant l'embrasser. Oh! pour cela, de tout mon cœur.

Mile LA VARENNE. Allons, mettezvous à votre aife avec moi, ma chère petite.

MARIANNE lui baifant la main. Vous êtes ma bonne amie.

Mile LA VARENNE. Qu'elle eft chas

mante!

MARIANNE Continuant de la careffer. Je fuis bien aife de demeurer ici avec

vous.

Mlle LA VARENNE. Qu'elle eft aimable! Oh ça, je veux que vous m'aimiez uniquement, que vous me donniez toute votre confiance', que vous me difiez tous vos petits fecrets; de mon côté je vous dirai les miens, & nous ferons les deux meilleures amies qu'on ait jamais vues. MARIANNE. Volontiers, ma bonaè

amie.

Mlle LA VARENNE. Mais c'eft que je veux qu'il n'y ait que moi que vous aimiez ainfi; excepté M. le Marquis pourtant, qui a des droits fur votre amitié qui vous veut du bien.

MARIANNE. Et ma maraine?

Mile LA VARENNE. Oui, c'est tout fimple. Mais c'eft la Dubois dont je ne veux point dans notre petite fociété. MARIANNE. Et pourquoi, ma bonne amie? Elle eft affez bonne perfonne, & elle m'aime bien auffi.

Mile LA VARENNE. Oui, vous avez raifon: mais elle eft fauvage, dure chagrine, cette fille-là; & cela ne me va pas à moi j'aime la joie, la gaieté.

MARIANNE. Comme vous voudrez.

Mile LA VARENNE. Savez vous bien que vous êtes charmante, malgré vos habits de paysanne; quand vous ferez vêtue en demoifelle, vous enleverez tous les cœurs.

MARIANNE honteufe. Oh! ma bonne amie! vous vous moquez de moi.

Mile LA VARENNE. Allez, petite friponne, vous ne connoiffez pas encore le prix d'une figure comme la vôtre. Je veux préfider moi même à votre toilette;