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A l'honneur, au bon goût également fideles,
Repouflant à la fois & le vice & l'ennui,
Et méntant la gloire, & l'aimant dans autrui,
Offrant à l'amitié de nobles facrifices,
Exemples d'un pays dont ils font les délices ;
Laiffant mourir loin d'eux les libelles impurs,
Fabriqués par la haine en les antres obscurs..

De qui hait les talens j'augure toujours mal;
Jamais leur détracteur ne devient leur rival.
Mules, vous repouflez le facrilége impie,
Dont la main viola les autels du génie.

Tu vivras éloigné de ces lâches fureurs:
Le temple des beaux-arts eft l'afyle des mœurs.
Dans ce léjour facié la France voit paroître.
D'illuftres Citoyens, des Grands dignes de l'être ;
Laifle quelques efprits, triftement prévenus,
Penfer, dès qu'on cft Grand, que l'on n'est rien de
plus.

A la ville à la cour des mortels refpectables

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Ont joint l'esprit du monde au goût des ays aimables.

Le talent fe polit dans leur fociété,

Acquiert plus d'agrément & plus d'urbanité,
Ce ta heureux & fin, ceton, cet art de plaire,
Aux mœurs comme à l'efprit parure néceflaire.

Αν

1

La Feuillade & Vendôme & Chaulieu vicilliffant,
Préfidaient aux eflais de Voltaire naiflant.
Le Héros de Dénain, l'enfant de la Victoire,
Aimait à le couvrir des rayons de la gloirs.
Il goûtait leurs leçons, & ces Maîtres choifis
Le formaient au bon goût du fiecle de Louis.
Il eft, il est encor d'auffi parfaits modeles

Du jugement exquis, des grâces naturelles.
Attire leurs regards fur tes heureux effais ;
Mérite enfin qu'un jour, honorant tes fuccès,
Te donnant pour leçon leurs exemples à suivre,
Nivernois & Beauvau t'enfeignent l'art de vivre.

C'eft peu de pofféder, il faut favoir jouir;
Il faut goûter en paix ce qu'on fut obtenir.
Aux palmes d'Hélicon il eft beau de prétendre ;
Des mains de l'amitié qu'il eft doux de les pren-
dre!

Pour moi je puis encor, témoin de tes honneurs,
Je puis à ta couronne attacher quelques fleurs.
Apollon a reçu tes premiers facrifices;
Ce Dieu, de mon printemps a reçu les premices.
Cet amour des beaux arts eft fouvent féducteur;
Ils ne m'ont point trompé, puifqu'ils font mon.

bonheur.

Ils enchantent mes jours, & leur riant cortége
Ecarte les foucis dont l'eflaim nous affiége.
Je me fauve en leurs bras, j'y trouve le repos.

Le Vieillard au front chauve, à l'inflexible faulx,
De nous à chaque inftant ravit quelque partie,
Il moifionne en courant les fleurs de notre vie.
L'efprit jouit encor quand les fens font flétris:
C'eft le dernier foutien de nos derniers débris.
Un jour mon œil éteint fous les voiles de l'âge,
Ne verra la beauté qu'à travers în nuage.
Les partums du printemps, fon éclat, fes couleurs,
Pour mes fens émouflés auront moins de dou-

ceurs,

Et des airs de Grétty l'aimable mélodie
Frappera foiblement mon oreille engourdie.
Alors, toujours fenfible aux charmes des neuf
Sœurs,

Puilé-je encor goûter leurs dons confolateurs,
Raflembler avec joie autour de ma vieilleffe,
Ges Ecrivains chéris qu'adora ma jeunesie,
Relire & dévorer ces ouvrages charmans,
De la raifon, del'ame immortels alimens,
Me réchauffer encor de leur flamme divine,
Et retrouver mon cœur dans les vers de Racine!

Par M. de la Harpe,

BRUTUS A SERVILIE*, Pièce qui a obtenu le fecond acceffit, au jugement de l'Académie Françoife.

LEV

Peuple Roi! commandez.

voile eft déchiré ; Célarétoit mon pere:
Brutus fils d'un Tyran !... Et vous êtes ma mere,
Vous! la fœur de Caron! malheureux ! je frémis,
Et Céfar eft vengé, puifque je fuis fon fils.
Quel aveugle génie à mon deftin préfide!
Mon cœur eft vertueux & ma main parricide!
O vertu ! nom fatal, mais toujours révéré!
Les Dieux m'ont-ils puni de t'avoir adoré ?

Vous qui jetez l'horreur dans mon ame étonnée,
O mere plus chérie encor qu'infortunée,
Quel Dieu de votre hymen alluma le flambeau ?
Cachez moi que l'opprobre entoura mon berceau.
Pardonnez... je vous plains: mais c'est vous que
j'implore;

Trompez-moi par pitié.. je veux douter encore.
Souten z mon courage, ô manes des Brutus!
Je porte votre nom, donnez moi vos vertus.
C'est à vous de parler, à moi de vous entendre ;
C'est de vous feul enfin que j'ai voulu descendre:

*A Paris, chez Demonville, rue St Séverin.

Oui, je vous appartiens, quels que foient mes

parens ;

Mon bras, comme le vôtre, immole les Tyrans,
Et Célar & Tarquin nous uniflent ensemble:
J'ai prouvé mes aïeux, puifque je vous reflemble.
Célar fut un tyran : l'honneur de le punir,
Rome l'a prononcé, devoit n'appartenir ;
Céfar fut ua tyran... Eh bien ! fût-il mon pere;
Ce que Brutus a fair, Brutus a dû le faire.
Libérateur de Rome, annoncé par mon nom,
J'ai fait voir dans fon fils le neveu de Caton.
Fille des Scipions, fongez à vos ancêtres ;
Ils n'ont point triomphé pour nous laifler des
maîtres;

Et dans ce Capitole, orné par leurs exploits, J'appris d'eux à marcher fur la tête des Rois. beaux jours écliplés de la grandeur de Rome! Ils renverfoient Carthage, & nous fervions un honime!

Un hommeinfolemment nous traînoit à fon char, Souverains de la terre & fujets de Céfar!

Que le Vainqueur du Rhin, de la Seine & du

Tage,

De l'Euphrate indompté nous ait promis l'hom

mage,

Le front fous les lauriers, nous recevions fes lois. Figurez-vous Céfar luivi de les Gaulois,

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