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LUCILE. Comment?

DORANTE. Je ne puis m'expliquer

encore.

LUCILE. Mon frère porre la prévention encore plus loin.

DORANTE. Votre frère le connoîtra

auffi.

LUCILE. J'apperçois Durval.... De grâce, diffimulez!

DORANTE. Je ne diffimule que pour prendre le fourbe dans fes propres filets.

SCENE VIII.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, DURVAL.

DURVAL, à Lucile & à Dorante Comment donc ? On diroit que vous êtes en scène? Peut être fuis je venu mal adroitement couper le dialogue. Mais, qu'importe? l'action n'en fera que plus

vive.

DORANTE. Je parlois à Mademoifelite du dénouement.

DURVAL. Il me femble un peu prévu. On dit que c'eft un défaut : mais j'espère n'être pas du nombre des frondeurs. DORANTE. Et moi, je crois la pièce mieux conduite que vous ne l'imaginez.

SUZETTE. Je voudrois bien y faire au moins quelque petit rôle.

DURVAL. (Il rit). Ha! ha! ha!... A propos de pièce, je vous dirai, pour foutenir notre ton figuré, qu'il s'en joue une maintenant des plus fingulières.

SUZETTE Monfieur en eft fans doute l'Auteur. Je ne doute pas qu'elle ne foit, comme on dit, bien tiffue.

LUCILE. Ne pourroit-on pas en favoir quelque chofe.

peu

DURVAL. Vous faurez tout... à près pourtant... mais le trait eft impayable!

DORANTE à Lucile & d'un air d'intel-` ligence. Tout s'éclaircira.

DURVAL (à Lucile). Je ne vois point ici Madame votre mere. Pour notre cher d'Almont, je n'en fuis pas étonné; il a toujours une petite dent contre Dorante... à celui ci) Mais je veux vous réconcilier; laiffez-moi faire.

DORANTE, d'un ton ironique. Je vous fais gré de l'intention. J'espère, toutefois, n'avoir pas befoin de médiateur.

DURVAL. Pardonnez-moi. Il y a certaine vieille hiftoire, certain vieux procès... Entre-nous, il fera bien difficile de le tirer de là!... Et puis, n'y aura-t-il

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pas beaucoup d'imprudence de ma part?.. Vous m'entendez?

SUZETTE. Oh! vous vous garderez bien d'avoir peur!

SCENE IX.

LES ACTEURS PRÉCÉDENS, DU FAUSSET.

DURVAL, en appercevant de loin du Fauffet. Comment?... Eh! c'eft notre Orphée, notre cher du Fauflet!

DORANTE à Lucile. Une affaire im. portante m'appelle ailleurs. J'y cours, & je reviens avec la même promptitude. (Il fort, & Lucile paroit vouloir auffi fe retirer).

DURVAL à Lucile. Mademoiselle nous aurions auffi quelque répétition à faire.

LUCILE, Je fais mon rôle, & je ne doute pas que vous ne poffédiez parfaitement le vôtre. (Elle fort).

SCÉNE X.

DURVAL, DU FAUSSET.

DURVAL. Hé bien ? qu'as-tu fait ?
DU FAUSSET. Des merveilles! Votre

coquette eft prife pour dupe, & les deux rivaux font, je crois, bien fots dans ce

moment.

DURVAL. Tu crois que tout a réuffi? DU FAUSSET. N'en doutez pas; je fais auffi bien mener une intrigue que filer un fon.

DURVAL. Après tout, je n'ai pas trop à me plaindre de Céphife. Je la néglige un peu, depuis que j'ai des vues fur Lucile. Mais elle me quitte avant que de bien favoir fi elle eft quittée. Cela mérite, au moins, une légère avanie.

DU FAUSSET. Ma foi, vous êtes trop bon. J'aurois fait cent fois pis, moi qui vous parle.

DURVAL. C'eft fort bien vu; mais tu fais que je dois au moins fauver les apparences. Il faut que je me venge fans paroître me venger. Nous ferons mieux une autre fois. Dis-moi feulement les mefures que tu as prifes pour mettre à fin notre délicieux projet.

DU FAUSSET. Rien de plus fimple. Vous m'aviez inftruit de l'heure à laquelle Damon devoit fe rendre chez Céphife. J'en ai, à mon tour, inftruit Valfan, qui croyoit Céphife à la campagne. Vous m'aviez informé que Damon devoit s'in

woduire chez elle par la porte du jardin. J'en ai informé Valfan. Il prétend, dit-il, faire ufage de la découverte. Ainfi, vous voyez que Céphife, au lieu d'un fimple tête à-tête, aura chez elle un petit co. mité.

DURVAL. Que je t'embraffe, mon cher! Tu es un homme charmant. Je n'aurois pas mieux fait. On me l'avoit Toujours bien dit: tu fais plus que ta gamme & ta tablature.

DU FAUSSET. Bon! je ne chante que pour me faire écouter. On voit tant de femmes qu'il faut prendre par les oreilles. Tout le monde s'accorde à dire que je fais les délices des foupers; mais fr l'on ne dit rien de plus, c'eft que je fais me taire moi même.

DURVAL. (à part) Le fat! (haut) On parle pourtant, mon cher Orphée, de certain mari-cerbère, que tes chant me purent adoucir.

DU FAUSSET. C'eft un brutal.... Mais, enfin, le cerbère a été pris pour dupe.

DURVAL. Et cet Anglois 6 fier, fr riche, & fi peu au fait de nos ufages, qui te trouva à certaine heure dans un lieu où il avoit la bonté de croire devoir être feul admis; que fit-il ? que dit-il ?

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