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Je ne peux voir qu'avec effroi
La médisance & l'injuftice ;
L'impofteur pâlit devant moi,
Et mon mépris fait fon fupplice.

Hélas à quels malheurs font exposés les Rois!
Que d'ennemis fans nombre à combattre à la fois !
D'exéciables flatteurs, ardens à les féduire,
S'emparent de leur cœur, corrompent les pen-

chans.

Efclaves de mille brigands,

Ils jettent dans leurs mains les rênes de l'Empire;
A les pervertir tout confpire,
Miférables rofeaux, jouets de tous les vents.

Ah! que ta clémence infinie
Eloigne de moi ces malheurs,
Seigneur ; & que toute ma vie
Soit l'éloge de tes faveurs!

Qu'il t'aime toujours, qu'il te craigne
Ce Roi, felon tes fentimens!"

Dieu! qu'aimé des bons, fon règne
Ne foit en horreur qu'aux méchans.

Les Devoirs du Prince réduits à un feul principe, ou difcours fur la Juftice; dédié au Roi; volume in-8°. A Verfailles, de l'Imprimerie du Roi, dé

partement des Affaires Etrangères; & à Paris, chez Moutard, Libr. rue du Hure poix.

On ne peut pas concevoir un plan d'inftruction plus utile à un Prince, que de faire fortir de l'Hiftoire même les leçons de morale, de politique & de droit public qu'on lui deftine. Il y a longtemps qu'on l'a dit, que ce n'étoient pas. des fyftèmes, mais des faits, qui formoient la véritable conftitution des Etats; & que ce n'étoit que dans l'histoire des Nations que l'on pouvoit appercevoir les caufes des loix primitives, auxquelles elles fe font foumifes: auffi ne convientil guère qu'à ceux qui ont approfondi notre hiftoire avec un efprit de critique & fur-tout d'impartialité, de nous donner des leçons fur le droit public.

Rien de plus digne d'un Citoyen éclairẻ & ami de fa Patrie, que de puifer dans l'hiftoire, & de rendre fenfibe cette vérité précieufe aux Princes, que

le

gouvernement ne peut jamais être arbitraire, parce qu'il eft effentiellement affujetti aux loix aux loix que les hommes n'ont point faites; que toute puiflance, quel que foit l'agent qui l'exerce, a, dans fa

Εν

nature & dans fa deftination, fes bornes & fa règle; & qu'il eft auffi impoffible à l'homine de fe fouftraire à l'empire de l'ordre moral, qu'il lui eft impoffible de s'affranchir de l'ordre phyfique.

En effet, l'ordre phyfique eft néceffairement invariable. Nulle créature ne peut l'enfreindre. L'harmonie que Dieu a mife dans la Nature, pour diriger tous les effets que le mouvement doit produire, ne peut être dérangée, interrompue ou fufpendue que par lui

feul.

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L'ordre moral oppofe beaucoup plus de force aux coups par lefquels on voudroit l'anéantir. Il ne cède pas même à la caufe qui l'a produit. Le premier de ces ordres eft l'enfemble des êtres vifibles, dont l'adorable harmonie nous impofe le tribut d'un hommage continuel: mais ces êtres vifibles peuvent rentrer dans le néant à la feule voix de l'Etre Suprême, qui les en a tités. Le fecond, au contraire, eft l'empire abfolu & éternel de la justice qui n'eft pas plus defructible que l'Etre Suprême, dans le fein duquel elle eft affife comme fur son vrai trône. L'ordre, confidéré fous ce dernier rapport, a précédé la formation

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des fociétés; fon origine & fa durée font éternelles. Les idées immuables & la volonté de la cause univerfelle en font l'unique fource. Les Souverains, comme le moindre de leurs Sujets, font également foumis à cette juftice univerfelle, antérieure à tous les fiècles & à l'établiffement de toutes les Républiques. L'hiftoire générale de l'Univers fuffit seule pour démontrer l'empire de cette juftice qui s'étend fur tous les hommes, fans diftinction de climat.

L'Auteur de l'Ouvrage que nous annonçons a cherché, fur tout dans les Faftes de l'Empire des François, les preuves les plus fenfibles de la néceffité & de l'immutabilité de cette juftice, fans laquelle les Chefs des fociétés ne peuvent remplir aucune des obligations qui leur font effentielles; & ce font ces obliga tions, elles-mêmes qui font le princi des engagemens des Sujets. Si le Roi eft obligé, dit cet Auteur, de nous défendre contre notre propre licence, nous devons lui fournir les armes dont il fe fert pour la combattre, les liens qu'il em ploie pour l'enchaîner; &, dans cette communication mutuelle de bienfaits & de fervices, de protection & de fecours,

la jouiffance la plus douce eft toute entière pour la Nation, le travail le plus pénible tout entier pour l'autorité.

C'est en envifageant l'autorité fous ce rapport, que l'on conviendra que, lein d'être un joug accablant, elle n'eft véritablement qu'une puiflance bienfaifante, qui n'eft occupée qu'à nous rendre heureux. Or, le principal moyen que l'autorité puiffe employer pour remplir cette noble deftination, confifte dans l'obfervation religieufe des formes qui préfervent les Rois de la féduction, & qui infpirent aux Peuples l'amour & la confiance. Ces formes précieufes éclairent la loi dans fa naiffance, difent les Jurifconfultes patriotes, la confervent dans fa durée, & l'affermiffent dans tout le détail de l'exécution. Et l'on a dit plus d'une fois que l'intérêt invariable du Trône eft fi évi. demment attaché à l'observance des formes & des loix falutaires qui les prefcriven, qu'il eft rare de voir les Princes fe porter d'eux mêmes à les éluder. Cette corruption vient toujours des Sujets, dont les uns veulent le fouftrafre aux loix, & les autres afpirent à dominer fur elles.

Le difcours fur la juftice ne refpire que l'amour des loix & des formes, qui,

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