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genres de besoin, sans murmurer; mais en perdant continuellement, par les maladies, par les escarmouches contre l'ennemi, par l'abandon de quantité d'officiers et de soldats, plus de la moitié de leur force. Ce n'est que depuis l'entrée du général Beurnonville dans le ministère, qu'on commence à s'occuper de son recrutement et de ses besoins: mais il y a si peu de temps, que nous éprouvons encore tout le fléau désorganisateur, dont nous avons été les victimes. Telle était notre situation, lorsque, le 1er février, vous avez cru devoir à l'honneur de la nation, la déclaration de guerre contre l'Angleterre et la Hollande. Dès-lors, j'ai sacrifié tous mes chagrins: je n'ai plus pensé à ma démission, que vous trouverez consignée dans mes quatre mémoires. Je ne me suis occupé que des énormes dangers et du salut de ma patrie. J'ai cherché à prévenir les ennemis; et cette armée souffrante a oublié tous ses maux pour attaquer la Hollande. Pendant qu'avec de nouvelles troupes, arrivées de France, je prenais Breda, Klundert et Gertruidenberg, me préparant à pousser plus loin ces conquêtes; l'armée de la Belgique, conduite par des généraux remplis de courage et de civisme, entreprenait le bombardement de Maëstricht. Tout manquait pour cette expédition : le nouveau régime d'administration n'était pas encore établi; l'ancien était vicieux et criminel: on regorgeait de numéraire; mais les formes nouvelles qu'on avait mises à la trésorerie nationale, empêchaient qu'aucune partie du service ne reçût d'argent. Je ne puis pas encore détailler les causes de l'échec qu'ont reçu nos armées, puisque je ne fais que d'arriver. Non-seulement elles ont aban

donné l'espoir de prendre Maëstricht; mais elles ont reculé avec confusion et avec perte. Les magasins de toute espèce qu'on commençait à ramasser, et Liége même, sont devenus la proie de l'ennemi, ainsi qu'une partie de l'artillerie de campagne et des bataillons. Cette retraite nous a attiré de nouveaux ennemis; et c'est ici que je vais développer les causes morales de nos maux. Il a existé de tout temps dans les événemens humains, une récompense des vertus et une punition des vices. Les particuliers peuvent échapper à cette Providence, qu'on appellera comme on voudra, parce que ce sont des points imperceptibles: mais parcourez l'histoire, vous verrez que les peuples n'y échappent jamais. Tant que notre cause a été juste, nous avons vaincu! Dès que l'avarice et l'injustice ont guidé nos pas, nous nous sommes détruits nous-mêmes; et nos ennemis en profitent!

On vous flatte, on vous trompe. Je vais achever de déchirer le bandeau. On a fait éprouver aux Belges tous les genres de vexations on a violé à leur égard les droits sacrés de la liberté on a insulté avec imprudence leurs opinions religieuses: on a profané, par un brigandage très-peu lucratif, les instrumens de leur culte : on vous a menti sur leur caractère et sur leurs intentions. On a opéré la réunion du Hainaut à coups de sabre et à coups de fusil: celle de Bruxelles a été faite par une vingtaine d'hommes, qui ne pouvaient trouver d'existence que dans le trouble; et par quel ques hommes de sang, qu'on a rassemblés pour intimi der les citoyens. Parcourez l'histoire des Pays-Bas, vous trouverez que le peuple de la Belgique est bon, franc, brave et impatient du joug. Le duc d'Albe, lę

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plus cruel des satellites de Philippe II, en a fait périr 18 mille par la main des bourreaux. Les Belges se sont vengés par 30 ans de guerres civiles; et leur attachement à la religion de leurs pères a pu scul les faire rentrer sous le joug espagnol.

Vos finances étaient épuisées, lorsque nous sommes entrés dans la Belgique. Votre numéraire avait disparu (1), ou s'achetait au poids de l'or. Cambon, qui peut être un honnête citoyen, mais qui certainement est audessous de la confiance que vous lui avez donnée pour la partie financière, n'a plus vu de remède que dans la possession des richesses de cette fertile contrée. Il vous a proposé le fatal décret du 15 décembre: vous l'avez accepté unanimement; et cependant chacun de ceux d'entre vous, avec qui j'en ai parlé, m'a dit qu'il le désapprouvait, et que le décret était injuste. Un de mes quatre mémoires était dirigé contre ce décret; on ne l'a pas lu à l'Assemblée : le même Cambon a cherché à rendre mes remontrances odieuses et criminelles, en disant à la tribune: « que j'apposais un veto sur le dé>>cret de l'Assemblée. » Vous avez confirmé ce décret par celui du 30-décembre; vous avez chargé vos commissaires de tenir la main à son exécution. D'après vos ordres, le pouvoir exécutif a envoyé au moins 30 commissaires. Le choix est très-mauvais; et, à l'exception de quelques gens honnêtes, qui sont peut-être regardés comme des citoyens douteux, parce qu'ils cherchent à mitiger l'odieux de leurs fonctions, la plupart sont ou des insensés ou des tyrans, ou des hommes sans ré

(1) Il dit plus baut qu'on regorgeait de numéraire.

flexion, qu'un zèle brutal et insolent conduit toujours au-delà de leurs fonctions. Les agens de la tyrannie ont été répandus sur la surface entière de la Belgique. Les commandans militaires, par obéissance au décret, ont été obligés d'employer sur leur réquisition les forces qui leur étaient confiées: ces exacteurs ont achevé d'exaspérer l'ame des Belges. Dès-lors la terreur, et peut-être la haine, ont remplacé cette douce fraternité qui a accompagné nos premiers pas dans la Belgique. C'est au moment de nos revers, que nos agens ont déployé le plus d'injustice et de violence.

Vous avez été trompés sur la réunion à la France de plusieurs parties de la Belgique. Vous l'avez cru volontaire, parce qu'on vous a menti. Dès-lors, vous avez cru pouvoir enlever le superflu de l'argenterie des églises, pour subvenir, sans doute, aux frais de la guerre. Vous regardiez, dès-lors, les Belges comme Français : mais, quand même ils l'eassent été, il eût encore fallu attendre que l'abandon de cette argenterie eût été un sacrifice volontaire; sans quoi, l'enlever par force, devenait à leurs yeux un sacrilége. C'est ce qui vient d'arriver. Les prêtres et les moines ont profité de cet acte imprudent: ils nous ont regardés comme des brigands qui fuient; et, partout, les communautés de village s'arment contre nous. Ce n'est point ici une guerre d'aristocratie, car notre révolution favorise les habitans des campagnes; et cependant ce sont les habitans des campagnes qui s'arment contre nous, et le tocsin sonne de toutes parts. C'est pour eux une guerre sacrée : c'est pour nous une guerre criminelle. Nous sommes en ce moment environnés d'ennemis. Vous le verrez par les

rapports que j'envoie au ministre de la guerre : vous verrez en même temps les premières mesures que la nécessité m'a forcé de prendre pour sauver l'armée française, l'honneur de la nation, de la République ellemême.

Représentans de la nation, j'invoque votre probité et vos devoirs j'invoque les principes sacrés, expliqués dans la Déclaration des droits de l'Homme; et j'attends avec impatience votre décision. En ce moment, vous tenez dans vos mains le sort de l'Empire, et je suis persuadé que la vérité et la vertu conduiront vos décisions; vous ne souffrirez pas que vos armées soient souillées par le crime, et en deviennent les victimes. Le général en chef de l'armée du Nord,

No 5.

Signé DUMOURIEZ.

Mesures arrêtées par la Convention pour parer aux suites de la défection de Dumouriez, former une armée de 40 mille hommes, envoyer des députés militaires avec de pleins pouvoirs à l'armée du Nord; enfin pour lever 30 mille cavaliers montés et équipés.

Du 4 avril 1793.

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de défense générale, décrète :

ART. Ier. Il sera procédé dans le jour, par appel nominal, à l'élection d'un nouveau ministre de la guerre.

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