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perfuader au Clergé que fa piece des Courti fannes eft non- feulement très honnête, mais même utile & néceffaire pour la réforme des moeurs. Enforte que la cabale des Dévo:s eft en mouvement pour le foutenir & obtenir un ordre du Roi qui faffe jouer fa Comédie. Celle des Philofophes l'avoit déjà rendu recommandable dans le parti. Dans celle-ci il a introduit encore un certain Sophanès, auquel il fait. jouer le rôle le plus infâme, & qu'il prétend être un repréfentant de ces Meffieurs. Sonobjet eft de montrer à quelle dégradation conduit cette exemption des préjugés, foit religieux, foit politiques, foit de convention, qu'affichent les Encyclopédiftes. On affure que M. l'Archevêque de Paris eft abfolument dans les intérêts du poëte.

13 Avril 1775. L'Académic Royale de Mufique fe propofe de donner après Pâques la Tragédie Lyrique de Céphale & Procris, dont les paroles font de M. de Marmontel, Ia Mufique du Sr. Gretry. Cet Opéra, joué à Verfailles pour les fêtes du Mariage de Madamela Comteffe d'Artois, n'y avoit pas fait fortune. On fait qu'il eft de beaucoup changé & amélioré conféquemment; c'est ce qu'on verra.

15 Avril. Tout s'ébranle, tout eft en mouvement pour le Sacre. Il paroît que cette cérémonie fe fera avec encore plus de pompe & de dépense que les précédentes. Les curieux

vont

vont déjà voir les habillemens, les broderies qu'on prépare, furtout le Caroffe du Roi, coûtant 250,000 livres.

16 Avril 1775. Depuis longtems on fe plaint du local incommode de la Comédie Italienne.. Un architecte eftimé, le Sr. Le Noir le Ro main, vient de faire imprimer un projet préférable, ce femble, à bien des égards, aux au tres déjà formés pour le même objet. Convenance du lieu; fpectacle commode, vafte & ifolé; iffues multipliées; la voie publique entiérement libre; rien à détruire, & peu de dépenfes à faire relativement à l'importance du monument qu'il annonce. Tels font les avantages qu'il fait valoir..

Cette Salle feroit élevée dans un lieu actuellement en marais. Elle feroit fituée entre la rue Poiffonniere & celle du fauxbourg St. Denis. Il y a joint un plan avec fon profpectus, & d'après cela il a fait faire un modele en relief de la Salle qu'il montre aux Amateurs. Le plus grand & peut-être le feul inconvénient de ce projet, eft l'éloignement de la Salle, qui fe trouveroit ainfi à l'extrêmité & même hors de Paris.

16 Avril. M. le Duc d'Orléans a acheté la fuperbe collection des Théâtres qu'avoit rasfemblée M. de Pont de Vele. C'eft une des plus complettes connues.

17 Avril 1775. M. le Duc de Chartres a fait derniérement un pari contre un Seigneur de la cour, à qui parcoureroit le plus vîte le chemin de la grille de la Muette à la porte St. Denis, toujours en trottant. Le premier a gagné de 45 pas. Le pari étoit perdu au premier inftant où le cheval de l'un d'eux auroit pris le galop. M. le Comte d'Artois étoit préfent à cette courfe, qui s'eft faite le SamediSaint.

17 Avril. Le Sr. Paliffot, non content d'attaquer juridiquement la troupe des Comédiens François, la berne encore dans une Epitre intitulée: Remerciement des Demoiselles du monde aux Demoiselles de la Comédie Françoife, à Toccafion des Courtifannes, Comédie. Cette Piece, très piquante, l'eft encore plus par les circonftances. Il paroît que la Dame Préville eft celle à qui l'auteur en veut davantage.

Il obferve dans une Note de fon Mémoire que les Demoifelles Drouin, Bellecourt, Le Lievre, Molé, &c. ainfi que la Dlle. Sainval, lui ont donné leurs voix.

18 Avril. Un auteur très médiocre, nommé La Vieville, s'eft avifé de compofer une mauvaise brochure, ayant pour titre: La RéConciliation des Auteurs, & s'eft attiré l'Epigramme fuivante :

De l'Hélicon grand pacificateur,
Rimeur bénin, qui veux du peuple auteur
Finir les querelles peu fages;
Hélas! quel fut le fruit de ton effort?
Tous les auteurs d'aujourd'hui font d'accord,
Pour ne point lire tes ouvrages.

18 Avril 1775. La réception de M. le Che valier de Châtellux à l'Académie Françoise eft fixée au jeudi 27 de ce mois.

19 Avril. Le feu Roi aimoit beaucoup, pour fe délaffer de fes auguftes occupations du Trô ne, à fe livrer aux détails particuliers de la cuifine. Il avoit tout l'attirail de ce genre.chymique, & s'en amusoit finguliérement. Feu M. le Dauphin, Prince très pieux, avoit le goût du Lutrin, du plein chant, du chant d'Eglife. Le Roi actuel aime les ouvrages de la main, mais furtout la Serrurerie.

19 Avril. La difcuffion des auteurs dramatiques contre les comédiens excite une fermentation générale. M. le Chevalier du Coudray fe met fur les rangs & a écrit une Lettre à M. Paliot fur le refus de fa Comédie des Courtifannes en trois actes & en vers. Malheureusement cet athlete n'est pas un grand renfort contre les hiftrions. L'auteur, bon gentilhomme, fuivant ce qu'il annonce, eft une espece de fol, piqué au jeu lui-même, pour avoir tenté vainement de faire recevoir trois mauvaifes Comédies de fa façon: Le Moralifeur, l'Egoïfte & la Cinquan- 】

taine dramatique. Il y a quelques" anecdotes dans cet ouvrage, où l'on met les comédiens à leur vrai rang, c'est-à-dire au deffous des valets de pied du Roi.

20 Avril 1775. Le projet de la nouvelle Salle de Comédie Italienne, dont on a parlé, eft abfolument tombé & rejetté, quoique fort foutenu par M. le Duc de Duras. On a fenti la folie de placer hors de Paris un tel Spectacle.

20 Avril. La Comédie des Courtifannes eft imprimée. Malheureufement c'eft la meilleure maniere que l'auteur ait pu prendre pour juftifier les acteurs de leur refus. Elle eft en trois actes & en vers, & a tous les défauts de convenance théâtrale qu'ils lui ont reproché: ni action, ni intrigue, ni gaieté, ni intérêt.

21 Avril. Il y a de grands mouvemens dans les Bureaux de la guerre pour les nouvelles Ordonnances que prépare M. le Comte du Muy. A l'exemple de M. le Duc d'Aiguillon, fon prédéceffeur, & de tout Miniftre fage, il confulte les Officiers généraux. Il eft furtout grandement queftion des notices très étendues que les Inspecteurs doivent donner fur les Of ficiers des divers Corps.

22 Avril. Le Sr. Le Tourneur, qui étoit Secrétaire général de la Librairie, & que fon attachement à M. le Chancelier a rendu desagréable, eft obligé de quitter cette place, & elle eft conferée à M. Gaillard de l'Académie Fran

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