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On affure que M. le Contrôleur général, craignant la fermentation qu'occafionneroit cet écrit, abfolument contraire à fes principes d'administration en cette partie, a fait tout ce qu'il a pu pour en empêcher la publicité; mais que M. le Lieutenant général de Police, du parti oppofé à celui des Economiftes, ne s'eft pas prêté aux vues du Miniftre: que celui-ci s'étant adresfé au Cenfeur, le Sr. Cadet de Senneville, ne l'a pas trouvé mieux difpofé; qu'ayant exigé qu'il ne donnât pas fon approbation, le Sr. de Senneville lui a demandé un ordre par écrit, & fur fon refus a donné l'approbation fuivante, dont la teneur est remarquable. Elle est conçue en

ces termes:

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"J'ai lu par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux un Ouvrage intitulé: Sur la Législation & le Commerce des grains. Quoique les ,, principes qui y font contenus me paroiffent ,, différer de ceux annoncés par le Gouverne,, ment fur cet objet, cependant l'auteur s'étant reftreint dans les bornes d'une fimple difcusfion, fans perfonnalités ni déclamation; & la vérité me paroiffant ne pouvoir que gagner à la difcuffion d'une queftion fi importante, j'ai ,, pensé que l'impresfion de cet ouvrage ne pouvoit être qu'utile. Paris ce 18 Avril 1775.” 28 Avril. M. de Brunoy ayant mangé plus de huit millions depuis qu'il eft queftion de fon

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interdiction & qu'il a gagné fon procès, cela donne lieu à une multitude de procès, pour la discusfion desquels on a donné une attribution à la feconde Chambre des Requêtes par un Arrêt du Confeil.

29 Avril 1775. Les Princes & Pairs ont été affemblés hier au Palais pour continuer à entendre la lecture du Rapport du procès de M. le Maréchal Duc de Richelieu. Ce Rapport eft fi énorme, qu'il n'a pu être fini dans la Séance & qu'elle a été remife à la huitaine.

29 Avril. Un Avocat, nommé Sarrot, qui s'étoit abftenu de plaider pendant tout le tems de l'interruption, a paru pour la premiere fois au Palais, le 28 Mars dernier, à la GrandChambre, à l'audience de relevée tenue par M. Ormesfon, Préfident à Mortier. Il a profité de cette occafion pour haranguer le Parlement, & il l'a fait de la façon la plus forte, non feulement contre les auteurs de la révolution, qu'il appelle les ennemis de l'Etat, mais contre fes propres confreres, qu'il inculpe d'avoir été brûler leur encens fur l'autel des faux Dieux. Il fe félicite d'avoir pour défenfeur adverfe un Avocat fidele en la perfonne de Me. Hutteau. Il gémit fur la nécessité où il fe trouve d'être exposé à plaider contre les autres. Il voudroit qu'on fuivît dans son Ordre l'exemple du jeune Monarque, uniquement occupé avec fes Confeils à

avoient reniés, en les corporifiant avec leurs adhérens. I applaudit à l'expulfion de Me. Linguet, & il fe flatte que cet Orateur célebre ne fera pas le feul renvoyé. H cite les maximes anciennes de l'honneur de l'Ordre, où les contaminés devoient fe retirer, & n'étoient pas faits pour fervir fous fes drapeaux. Enfin il attend la décifion, difpofé à s'y conformer.

Ce discours, extrêmement chaud, plein d'imagination, de métaphores, de comparaifons exagérées, annonce un jeune homme qui a plus d'honneur que de goût. C'est ce Me. Sarot qui, lors de la délibération fur Me. Linguet, fut d'avis de le conferver, attendu qu'on confervoit les 28.

29 Avril 1775. Le Sr. Tort répand encore une Addition intitulée: Cartons de la Replique de M. le Comte de Guines, tirée de la Correspondance entre M. le Due d'Aiguillon & cet Ambaffadeur. Il en tire les inductions & même les preuves les plus fortes en fa faveur, & conclut par faire voir clairement, fuivant lui, lequel des deux s'eft permis des injures, des rufes, des calomnies, des manoeuvres; lequel, en tergiverfant, a tâché d'éluder, d'éloigner d'empêcher le combat; lequel eft protégé vexé, perfécuté; lequel enfin s'eft conduit comme un coupable.

30 Avril, Le livre de M. Necker, indépendamment de fon mérite intrinfeque, a fait

grand bruit à caufe des circonstances. Dans la e Partie il discute l'exportation des grains : dans la feconde, la liberté ultérieure: dans la ge, il examine les modifications les plus connues, appliquables au Commerce des grains en général : dans la 4e il finit par hafarder fon opinion fur la Loi qui obvieroit au plus grand nombre d'inconvéniens.

Il réfulte de la re que la liberté ou la prohibition conftante d'exporter des grains font des Loix contraires au bien public.

De la feconde, que la liberté illimitée du Commerce des grains dans l'intérieur du Royaume réunit des avantages & des inconvéniens.

De la 3e, que toutes les modifications connues, apportées jusques ici au Commerce des grains, foit avec l'étranger, foit dans l'intérieur du Royaume, ne rémedient qu'imparfaitement aux diverfes difficultés qu'il développe.

Enfin, de la 4e qu'il faut rejetter toute Loi abfolue, toute Loi permanente, à moins que celle-ci ne foit modifiée de façon à s'allier à toutes les circonstances.

En un mot, M. Necker eft comme tous les Ecrivains qui combattent des fyftêmes, détrui-¡ fant beaucoup plus facilement qu'ils n'édifient. Il discute favamment, profondément la matiere; mais peut-être feroit il mieux de réduire à des élémens plus fimples un traité qui devroit être

bien écrit, avec force & élégance, & ne peut que faire infiniment d'honneur à fon auteur. La premiere Edition a été épuisée rapidement.

30 Avril 1775. L'Opéra doit donner mardi la premiere Représentation de Cephale & Procris, Ballet héroïque dont on a déjà parlé fort au long, lorsqu'il a été donné à l'occafion des fêtes du mariage de Madame la Comteffe d'Artois. Il y en a eu hier une repétition très nombreuse en fpectateurs, & presqu'auffi complette qu'une représentation.

30 Avril. Suivant le précis de la vie du Sr. Perchel, c'étoit l'exécuteur le plus ardent du Despotisme de M. le Chancelier en Normandie. On lui reproche d'avoir contribué à l'enlevement de M. Gianonne, Jurisconfulte très fçavant, & judicieux Hiftorien, mis en prifon à Chambery ; à celui de M. le Maître, Avocat, mis à la Baftille; d'avoir fait exiler deux autres jeunes Avocats, qui commençoient à fe faire connoître par leur éloquence: fçavoir, Me. Des Linieres, à Sauxilanges en Auvergne, & Me. Ferry, à Feurs en Velay; d'avoir fait enlever le Prieur de St. Lo, transféré auffi à la Baftille. Suivant ces anecdotes, il avoit pouffé l'ingratitude contre M. de Miromesnil, qui l'avoit honoré de fon amitié & comblé de fes bontés, au point de dire, lors de la disgrace de ce Magiftrat: Il ne reste à ce Miromesnil, batteur du pavé des rues de Paris, qu'à aller aux Invàlides

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