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main; et le déposant répondit que peut-être tous ne les prendraient point, parce qu'il y en avait que leur âge en détourneraient, mais que l'on pouvait compter sur dix-sept cents qui les prendraient, ce qui excita une vive surprise sur l'esprit dudit sieur comte de Lautrec. Il demanda ensuite au déposant quel était le général des légions de Toulouse? à quoi le déposant ayant répondu que c'était M. Douziels, ledit comte de Lautrec répondit qu'on aurait dû prendre un ancien militaire, chevalier de Saint-Louis, tel par exemple que M. de Gambon; et le déposant ayant ajouté que M. Douziels ayant très bien servi, était très propre pour cette place, et qu'il s'employait avec tout le zèle possible. La voiture qui devait venir prendre le comte de Lautrec arriva aussitôt traînée par deux chevaux blancs aux oreilles très courtes, que le déposant reconnut être celle du sieur Dutré, propriétaire du château de Blaignac, ayant reconnu aussi le cocher qui la conduisait, pour être celui dudit sieur Dutré, et plus n'a dit savoir.

Lecture à lui faite de sa disposition, il y a persisté. Requis de signer et s'il veut taxe, a signé et n'a voulu taxe, et nous avons coté et signé avec lesdits sieurs Bellan et Lacroix, adjoints, chaque page de la déposition; à l'instant même et sans déplacer, notre greffier a signé à la fin de la déposition. Jurez; Bellan, adjoints; Lacroix adjoint; Malpel, officier municipal; Philip, greffier. Ainsi signé à l'original.

Du 17 juin, etc. Par-devant nous, etc, a comparu le sieur Clément dit Montauban, grenadier de la légion de la Daurade, témoin assigné à la requête du procureur du roi, par exploit de cejourd'hui, etc. Enquis de ses noms, surnoms, âge, qualités et demeure, et s'il est parent ou allié :

A répondu s'appeler Jean-Marc Clément, âgé de quarante-cinq ans, garçon serrurier, grenadier de la Daurade, logé chez le sieur Couranjon, maître coutelier,et n'être parent ni allié.

Dépose que cejourd'hui, s'étant rendu au lieu de Blaignac, vers sept heures du matin, et ayant su que le sieur comte de Lautrec, son ancien colonel au régiment de Condé, dragons, était au château dudit Blaignac, chez le sieur Dutré, il s'y est rendu avec le sieur Guitard, chasseur de la légion de Saint-Pierre où étant, il s'est adressé au nommé Michel, un des domestiques dudit château, qu'il a prié de lui avoir une entrevue avec le sieur de Lautrec ; et ayant été introduit dans la chambre de ce dernier, il a été aussitôt reconnu de lui sous le nom de la Jeunesse, son ancien nom de guerre, et a reçu de lui toutes sortes de témoignages d'amitié, ainsi que ledit sieur Guitard, son ami, qui ne l'a jamais quitté; et étant venu à parler des affaires publiques, le sieur comte de Lautrec leur a dit que la confédération qui devait être faite à Toulouse, le 4 du mois prochain, était préjudiciable au peuple qui n'avait plus de quoi vivre, par l'effet de l'enlèvement des biens du clergé et de la suppression des privilèges de la noblesse; qu'il fallait, en conséquence, l'empêcher; que M. Douziels, général des légions, était un drôle, et que, si on voulait le nommer, lui, comte de Lautrec à cette place, il viendrait de suite résider à Toulouse; sur quoi le sieur Guitard lui ayant dit qu'il croyait l'avoir vu à Montauban, lors des troubles, parce qu'un dragon le lui avait fait connaître, le comte de Lautrec lui a répondu qu'il y était effectivement, mais qu'il en était bientôt sorti, à cause des désagré

ments qu'on avait donnés à son ami le duc de la Force.

Après quoi il a prié et invité tant le déposant que le sieur Guitard, de lui procurer deux cents hommes de bonne volonté, anciens militaires, en leur disant qu'ils seraient bien payés; auquel effet, il leur à montré un grand filet rempli de louis d'or, en leur disant: prenez, si vous le voulez, et vous serez encore bien payés»; ce que le déposant et son ami out refusé. Ledit comte de Lautrec leur ayant dit qu'avec les deux cents hommes qu'il leur demandait et autres qui étaient déjà soldés, il y aurait un nombre de huit autres hommes, et qu'étant à leur tête il se faisait fort d'empêcher la confédération et de rétablir l'ancien état de choses, ce qui serait suivi de récompenses que la noblesse et le clergé ne manqueraient pas de répandre pour faire subsister ceux de leur parti; et pour mieux engager le déposant et son ami, il leur a montré une lettre signée Vitalis, sergent des grenadiers de la seconde légion de Saint-Barthélemy, en disant que ledit Vitalis, le comte Jean du Barry et Le Blanc de Pontoise, le père, étaient les meilleurs citoyens et les meilleurs catholiques de la ville de Toulouse; que le sieur du Barry ne comptait pas tout à fait sur sa légion de Saint-Firmin, mais que la seconde de Saint-Barthélemy était sûre et ferme dans ses principes; qu'on pouvait s'incorporer dans cette dernière sans avoir à craindre la municipalité, et que si la troupe formée, tant de cette légion que des autres membres qui voudraient s'y réunir, voulait le nommer général, il n'irait pas à Barèges; ajoutant le déposant que, pendant la conversation, son ami et lui virent, entr'autres personnes, un homme de belle taille, maigre, cheveux et sourcils blonds, jeune, portant une lévite et des pantalons d'étoffe grise, qui disparut aussitôt qu'il fut observé tant par le déposant que par ledit Guitard son ami, et qu'ils imaginèrent être le duc d'Aumont; et plus n'a dit savoir.

Lecture à lui faite de sa déposition, il y a persisté. Requis de signer et s'il veut taxe, a signé et n'a voulu taxe, et nous avons coté et signé chaque page de la déposition avec lesdits Bellan et Lacroix, adjoints: à l'instant même et sans déplacer, notre greffier a signé à la fin de la déposition, Clément; Bellan, adjoints; Lacroix, adjoint; MALPEL, officier municipal; Philip, greffier. Ainsi signé à l'original.

Le Procureur du roi.

Vu notre requête en plainte, l'ordonnance d'enquis, l'exploit à témoins, et le présent cahier d'information, le tout en date de cejourd'hui, requiert que l'y dénommé comte de Lautrec soit décrété de prise de corps, ce 17 juin 1790. Moissu, procureur du roi. Ainsi signé à l'original.

Nous, maire et officiers municipaux, vu le réquisitoire du procureur du roi, avec les pièces y énoncées, le tout devant nous rapporté, en présence des sieurs Bellan et Lacroix, adjoints, ordonnons que l'y dénommé sieur comte de Lautrec, ancien colonel au régiment de Condé, dragons, sera pris et saisi au corps et conduit dans nos prisons, pour y ester à droit. Délibéré au Consistoire, en présence des sieurs Bellan et Lacroix, adjoints nommés par la municipalité, que nous avons fait appeler, ce 17 juin 1790; Rigaud, maire; Bertrand, ainé, officier municipal; Malpel, officier municipal; Vignoles, officier municipal; SaintRaymond Sarazin, officier municipal; Marie, aîné, officier municipal; Esquirol, officier municipal; Gary, officier municipal; Boubée, officier municipal; Castainz, officier municipal; Babas, offi

cier municipal; Bellan, adjoint; Lacroix, adjoint;
Maras, assesseur, rapporteur; Philip, greffier.
Ainsi signé à l'original.
Collationné: PHILIP.

Le 11 juillet 1790, a comparu le sieur Giscarole.
Enquis de ses noms, etc.

A répondu s'appeler Pierre Giscarole, âgé de trente-deux ans, maître tonnelier, habitant du lieu de Blagnac.

Dépose ne savoir autre chose, sinon que M. de Lautrec a résidé au château de Blagnac pendant cinq à six jours du mois dernier, et que dans cet intervalle, plus n'est venu à Toulouse, et plus n'a dit savoir,

Du 11 juillet 1790.

A comparu le sieur Grenade, cordonnier.
Enquis de ses noms, etc.

A répondu s'appeler Jean Carens Grenade, âgé d'environ quarante-huit ans, maître cordonnier du lieu de Blagnac.

Dépose savoir seulement que M. de Lautrec a resté pendant sept à huit jours au château de Blagnac, et ignore si, dans cet intervalle, il est venu à Toulouse, et plus n'a dit savoir.

Du 11 juillet 1790.

A comparu le sieur Rony.
Enquis de ses noms, etc.

A répondu s'appeler Pierre Rony, âgé de quarante-trois ans, ménager de son bien, et habitant de Blagnac.

Dépose savoir que M. de Lautrec a resté en visite chez le sieur Dutré, au château de Blagnac, pendant cinq à six jours, et qu'il l'a vu une seule fois venir à Toulouse, et en revenir le même jour, et cela dans le mois de juin dernier, et plus n'a dit savoir.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY.

Séance du samedi 17 juillet 1790, au matin (1).

La séance est ouverte à neuf heures du matin.

M. le Président annonce qu'il a présenté à la sanction du roi six décrets, savoir:

1° Celui du 9 juillet, portant suppression des offices de jurés-priseurs;

2o Celui du 10, portant que les biens des noncatholiques qui sont entre les mains des fermiers de la régie aux biens des religionnaires, seront rendus aux héritiers, successeurs desdits fugitifs;

3o Celui du 12, qui fixe définitivement la division du département de l'Eure en six districts;

4o Celui du même jour qui continue à l'économe général du clergé la régie qui lui est confiée;

5 Celui du 13, portant qu'il sera informé par

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

les tribunaux ordinaires dans les paroisses de la Chapelle-la-Reine, Achères, Ury, etc., contre les infracteurs du décret des dimes;

6° Celui du même jour, qui enjoint aux directoires des départements de charger, sans délai, les directoires de district de se faire représenter par les receveurs les registres de leurs recouvrements, afin d'établir la situation des collecteurs et de chaque municipalité du district.

M. Moreau fait une motion pour que la question relative au payement des électeurs de département et de district, soit renvoyée au comité de Constitution, afin que, s'il y a lieu, il présente un projet de décret sur la matière, dans le plus court délai possible.

Le renvoi de la motion au comité de Constitution est ordonné.

Les députés du district de Brignolles à la fédération demandent à l'Assemblée de fixer l'indemnité qui doit être allouée aux gardes nationales fédérées, pour leurs frais de voyage.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely). Il y a déjà des difficultés à ce sujet dans plusieurs départements. Elles n'auront vraisemblablement pas de suite. Le désintéressement dont les gardes nationales ont donné tant de preuves, et auquel je m'estime heureux de pouvoir rendre hommage dans le sein de cette Assemblée, m'en est garant. Il paraîtrait cependant convenable de rendre à cet égard un décret général.

M. Populus. J'observe que les districts ont été chargés de cette fixation par un de vos décrets. Il serait convenable de tarifer l'indemnité qui sera due, sauf à faire régler les difficultés, s'il en survient, par les directoires de départe

ment.

M. le Président met aux voix un projet de décret qui est adopté en ces termes :

« L'Assemblée nationale a décrété que les directoires de district fixeraient la somme à attribuer aux députés à la fédération dans les districts où elle n'a pas été réglée; et qu'en cas de difficultés, elles seraient référées au directoire de département qui les jugerait. »

M. le Président. Diverses députations, parmi lesquelles plusieurs sont envoyées par les districts de province, demandent à être admises à la barre.

M. Frétean. La multiplicité des députations a déjà fait perdre un temps considérable à l'Assemblée. Elle avait rendu, lors de sa translation, un décret dont l'événement a prouvé la sagesse. Je demande qu'il soit exécuté.

M. de Kyspoter. On pourrait faire une exception pour les députations de département et de district.

M. Loys. Vous obligeriez beaucoup les députations déjà arrivées ou qui sont en route, en refusant de les recevoir, surtout celles qui arrivent des extrémités du royaume; je propose de fixer un terme au delà duquel on n'en admettra plus, et je demande qu'on introduise à la barre toutes celles qui se présenteront jusque-là.

Cette proposition est adoptée et le décret suivant est rendu :

« L'Assemblée nationale décrète que, passé le

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1o L'état des reprises du Trésor royal provenant de créances qui ne produisent pas d'intérêt, ou d'objets en retard de payement;

2o L'état des reprises provenant de créances portant intérêt, et remboursables à des époques fixes;

3° L'état des reprises qui sont devenues des objets contentieux;

4° L'état des reprises sur des comptables ou autres personnes en faillite ;

5 L'état des articles de comptabilité, au nombre de dix, dont la comptabilité simplement

n'est plus encore réglée;

Enfin, on a joint à ces divers états, qui remontent à une époque très éloignée, le rapport détaillé que vient de faire le sieur Turpin, contrôleur adjoint des restes et des bons d'Etat, de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui les diverses poursuites judiciaires dont il est chargé.

Le sieur Basly, contrôleur-titulaire des restes et des bons d'Etat, à qui le premier ministre des finances a demandé un semblable rapport, ne l'a pas encore terminé, mais il le promet sous peu de jours.

Ces pièces sont renvoyées au comité des pensions.

Un de MM. les secrétaires rend compte que la commune du bourg de Moreuil offre un don patriotique de 4,959 liv. 12 sols en divers articles.

M. Robespierre, secrétaire, lit le procèsverbal de la séance d'hier. Il est adopté.

M. le Président annonce que M. de Fontanes fait hommage à l'Assemblée d'un poème séculaire ou chant pour la fédération du 14 juillet.

L'ordre du jour est un rapport sur les troubles de Lyon.

missaires présentèrent leur délibération aux officiers municipaux, et les invitèrent à faire cesser la perception des droits et rendre une ordonnance pour faire jouir les citoyens d'une diminution proportionnelle. La municipalité et le conseil de la commune, menacés de la fureur du peuple, n'ont pu résister à cette invitation. C'est dans ces circonstances que le comité des rapports présente le projet de décret suivant :

((

L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a rendu son comité des rapports, de ce qui s'est passé dans la ville de Lyon depuis les faits qui ont donné lieu à son décret du 13 de ce mois;

M. Chabroud. Je viens, au nom du comité des rapports, occuper encore l'Assemblée des entrées de la ville de Lyon. Le peuple, excité par des insinuations secrètes et des déclamations incendiaires, avait, dans les sections respectives, fait des pétitions pour demander la suppression des entrées. La municipalité, ayant proposé de convoquer la commune afin de temporiser, s'adressajà vous, et, le 13 de ce mois, l'Assemblée ordonna que les droits seraient perçus. Pendant ce temps, le peuple se forma en une assemblée que la municipalité fut contrainte à autoriser. Des commissaires furent nommés et choisis parmi les auteurs des troubles. Ils déclarèrent qu'il était utile de faire cesser toute perception aux entrées de la ville, excepté celle des droits de douane, pour les remplacer par une imposition générale. Le peuple alors se porta aux barrières et chassa les commis. Cette expédition s'est faite sans pillage, mais des denrées qui, par une prédestination assez singulière, se trouvaient aux environs des portes, sont entrées en très grande quantité sans payer de droits. Les com

« Considérant que la chose publique serait en danger si les insurrections contre l'impôt étaient tolérées ;

་་

Que le peuple de Lyon, connu par son attachement à la Constitution et sa soumission aux lois, a été égaré par d'insidieuses déclamations, dont les auteurs sont les vrais coupables, dignes de toute la sévérité des lois;

<< Invitant ce peuple, au nom de la patrie, à réserver sa confiance aux officiers municipaux dont il a fait choix, et à attendre du nouvel ordre qui sera mis dans les finances, tous les soulagements qui seront compatibles avec les besoins de l'Etat ; « A décrété et décrète ce qui suit :

Art. 1°r. « Les procès-verbaux, contenant nomination et délibération des prétendus commissaires des trente-deux sections de la ville de Lyon, des 9 et 10 de ce mois, sont et demeurent nuls et comme non-avenus, ainsi que tout ce qui a suivi; et cependant l'Assemblée nationale ordonne que les pièces relatives à cette affaire seront remises à son comité des recherches qu'elle charge de prendre tous les renseignements nécessaires contre les auteurs des troubles dont il s'agit, notamment contre les particuliers qui ont fait les fonctions de président et de secrétaires dans l'assemblée desdits prétendus commissaires, afin qu'il soit procédé contre eux selon la rigueur des lois.

Art. 2. Le décret du 13 de ce mois sera exécuté suivant sa forme et teneur; et à cet effet les barrières de la ville de Lyon seront incessamment rétablies, et les commis et préposés à la perception des droits qui y sont exigés, seront remis en possession de leurs fonctions, et le roi sera supplié d'employer la force armée en nombre suffisant pour protéger efficacement le rétablissement des barrières et la perception des droits; laquelle force sera employée à la réquisition des corps administratifs, conformément à la Constitution.

«

Art. 3. Dans la quinzaine, après la publication du présent décret, les cabaretiers, marchands et autres citoyens de la ville de Lyon, pour le compte desquels sont et seront entrées des denrées et marchandises sujettes aux droits, pendant la cessation des barrières, seront tenus d'en faire dans les bureaux respectifs la déclaration, et d'acquitter les droits à concurrence; et passé ce délai, le roi sera supplié de donner des ordres pour qu'il soit informé contre ceux qui n'auront pas fait la déclaration et le payement des droits dont il s'agit, sans préjudice de la responsabilité des citoyens composant la commune, qui sera exercée, s'il y échoit, et ainsi qu'il appartiendra.

« Et l'Assemblée ordonne que son président se retirera dans le jour vers le roi pour supplier Sa Majesté d'accorder sa sanction au présent décret, et de faire donner les ordres nécessaires

pour qu'il soit mis à prompte et entière exécution. »

M. Moreau. Je m'étonne qu'il ne soit pas question, dans ce décret, des gardes nationales. Ni elles, ni la municipalité n'ont fait la résistance nécessaire pour arrêter les entreprises du peuple. Il est au moins à propos de leur rappeler leurs devoirs. Les officiers municipaux de Lyon doivent être déclarés responsables des désordres qu'ils n'ont pas empêchés.

M. Martineau. Du moment où un officier municipal accepte la place à laquelle il est élevé par la confiance de ses concitoyens, il doit être déterminé à remplir ses devoirs au péril même de sa vie. S'il s'arrête ou s'il cède, quand il faut agir ou résister, qu'il abandonne un poste dans lequel il n'a pas le courage de mourir. Que diriezvous d'un militaire qui fuirait devant l'ennemi ? Il n'obtiendrait que votre mépris. Que penseriezvous d'un officier municipal qui ne serait pas disposé à exposer sa vie pour le maintien de la Constitution et pour l'exécution de vos décrets?

M. l'abbé Mayet. La correspondance particulière de plusieurs d'entre nous, nous a appris que les officiers municipaux de Lyon ont fait tous leurs efforts pour arrêter le désordre. Le maire, citoyen respectable, a surtout montré autant de courage que de zèle: il s'est présenté au peuple mutinė; il lui a ordonné de rentrer dans l'ordre; il l'a supplié de ne pas se livrer à des excès qué des mauvais citoyens seuls pouvaient se permettre. Tous les moyens ont été inutiles; il a fallu céder à une force à laquelle il était impossible de

résister.

M. Périsse. On oublie que la garde nationale de Lyon n'est pas complète, qu'elle n'est point organisée, et que, malgré le zèle des individus qui la composent, elle ne pourrait résister aux citoyens inactifs qui remplisse ntnos manufactures, et qui sont quatre fois plus nombreux qu'elle. Elle n'a pas du résister, les officiers municipaux n'ont pas dû l'exiger, ils auraient inutilement fait répandre le sang des citoyens. Ces officiers sont cependant inculpés; j'assure qu'ils sont honnêtes; que ceux de mes collègues qui les connaissent, disent qu'ils ne sont pas fermes et courageux. Je demande, comme M. le rapporteur, que la garde nationale de Lyon soit fortifiée; je demande qu'au lieu de l'accuser on l'organise. Le peuple est bon; ses ennemis l'égarent; ce sont ses ennemis qu'il faut contenir.

M. le Président met aux voix le projet de décret du comité des rapports. Il est adopté sans changement.

M. Gossuin, au nom du comité de Constitution. Messieurs, la ville de Riberac, chef-lieu de district, offre, plus que toute autre ville du royaume, une preuve de l'inconvénient du trop grand nombre des municipalités actuellement existantes, el de la nécessité de les réduire. Cette ville est de deux paroisses, nommées Saint-Martin et SaintMartial, dont les clochers sont à un quart de lieue de la ville, en sorte que Riberac n'a ni curé, Ini église paroissiale dans son sein, mais seule ment deux églises succursales, où les curés viennent faire au besoin les fonctions curiales. Les bourgs de Saint-Martin et Saint-Martial n'ont pas voulu se réunir à la ville de Riberac, pour former

entre eux une seule municipalité. La ville de Riberac a été obligée de constituer la sienne, de manière que, dans un espace de territoire on ne peut moins étendu, et pour une très mince population, il y a trois municipalités en activité. L'une des trois, celle du bourg de Saint-Martin, non contente de son territoire, a tenté d'exercer sur la ville de Riberac des actes d'autorité : elle entend même avoir seule droit de procéder à la confection des rôles des contribuables de Riberac, tandis que cette ville prétend, au contraire, que sa municipalité doit attirer à elle la municipalité des deux bourgs voisins. De cette mésintelligence résulte un retard dans la répartition et la levée des impôts; votre comité de Constitution a tenté vainement de concilier cette difficulté par différents avis, auxquels les prétentions particulières n'ont pu céder; mais le grand intérêt de la perception des impôts, sans laquelle il ne peut exister d'empire, l'oblige de vous proposer le projet de décret suivant:

« L'Assemblée nationale autorise l'administration du département de la Dordogne à prononcer, après avoir vérifié les faits, sur l'union des trois municipalités établies dans la ville de Riberac, les bourgs de Saint-Martin et de Saint-Martial et décrète que ces trois municipalités conserveront provisoirement l'administration, chacune dans leur territoire; mais qu'elles se réuniront à Riberac, pour procéder à la répartition des impositions dans les dépendances des paroisses de Saint-Martin et de Saint-Martial. » (Adopté.)

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M. Merlin, rapporteur. Messieurs, vous avez, en abolissant, par votre décret du 13 juin dernier, les retrails de bourgeoisie et de communion, ajourné à quinzaine la question de savoir si vous deviez abolir également le retrait lignager.

Ge décret ayant été rendu sur un rapport qui Vous avait été fait par votre comité de l'aliénation des biens nationaux, ce même comité s'est cru obligé d'en suivre les errements; il s'est, en conséquence, occupé du retrait lignager, et il vient aujourd'hui vous présenter le résultat de son travail.

En examinant, sous tous les rapports, ce droit antique en vertu duquel un parent est admis à se faire subroger aux achats que des étrangers font des biens de sa famille, votre comité a cru devoir se fixer principalement à deux points.

L'abolition de ce droit est-elle indifférente, ou

(1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire de co rapport.

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Par là, vous avez reconnu bien positivement que, pour encourager les acquéreurs, il ne suffit pas d'écarter des premières ventes qui vont leur être faites, les obstacles propres à diminuer à leurs yeux la valeur des biens nationaux; mais qu'il faut également éloigner ces obstacles des reventes qu'ils pourraient faire eux-mêmes et que pourraient, à leur tour, faire leurs acheteurs.

En partant de ce principe, il ne sera pas difficile d'apercevoir les rapports qui peuvent lier l'abolition du retrait lignager au succès de l'alienation des biens nationaux.

Cette liaison est évidente dans les coutumes qui soumettent les acquêts au retrait lignager. Car, si je prévois dès à présent qu'après avoir acquis des biens nationaux, je ne pourrais pas les revendre, sans que toute ma famille fût admise à les retirer, il est clair que je ne les porterai pas à toute leur valeur, puisque moi-même, en les revendant, je n'en tirerais pas le prix qu'ils vaudraient réellement.

Et il ne faut pas croire que les acquêts ne soient soumis au retrait que dans quelques coins de la France. Ils y sont soumis dans la coutume de Normandie, article 352; dans celle d'Anjou, article 366; dans celle du Maine, article 376; dans celle de Poitou, article 358; dans celle de Lodunois, article 152: dans celle de Touraine, article 156: dans celle d'Angoumois, articles 55 et 64; dans celle de la Rochelle, article 29; dans celle de Saintonge au siège de Saint-Jean-d'Angely, article 43; dans celle de Saintonge entre Mer et Charente, articles 30 et 36; dans celle de Bordeaux. article 14: dans celle d'Ax, titre 12, article 1er; dans celle de Saint-Sever, titre 5, article 2, dans celle de Bergerac, article 39; enfia dans celle de Bretagne, article 298. Et tel est également l'usage de la Provence, comme l'atteste Mourgues sur l'édit de 1472.

les acquêts comme pour les propres ainsi voilà déjà une grande partie du royaume intéressée à ce que le retrait soit aboli, afin qu'il ne puisse pas atteindre les reventes qui pourront être faites par les acquéreurs des biens nationaux.

Vous voyez donc, Messieurs, qu'une grande partie du royaume admet lerait lignager pour

Je vais plus loin, et sans doute, Messieurs, vous m'avez prévenu sur ce que j'ai à dire relativement aux provinces dans lesquelles il n'y a de sujets au retrait lignager que les propres. Vous le savez, un bien devient propre dès qu'une fois il est transmis d'une main dans une autre, soit par succession, soit par donation en ligne directe; voilà du moins la maxime la plus généralement reçue. Ainsi, les biens nationaux qui feront acquêts dans la personne des premiers adjudicataires, deviendront propres dans celle de leurs héritiers ou des donataires de leur descendance; et conséquemment ni ces héritiers ni ces donataires ne pourront les vendre sans donner ouverture au retrait. Or, je le répète, si vous avez cru devoir étendre jusqu'aux reventes qui pourraient avoir lieu pendant cinq et même pendant quinze ans, les privilèges et les encouragements qui vous ont paru nécessaires pour aiguillonner les premiers enchérisseurs des biens nationaux, quelle raison y aurait-il pour que vous laissassiez entrevoir à un père de famille qui, dans un âge avancé, serait amateur d'acquérir quelques-uns de ces biens, que si un jour ses enfants avaient besoin de les revendre, ils ne pourraient le faire qu'à perte, parce que le retrait lignager, dont ces biens seraient menacés, en diminuerait nécessairement la valeur?

Il n'est donc pas douteux l'avantage que la nation retirerait de l'abolition du retrait lignager, dans la vente qui va s'ouvrir des biens qu'elle a à sa disposition; mais si cette abolition est avantageuse à la nation, non seulement vous pouvez, mais vous devez la prononcer; car la nation ne vous a appelés ici que pour régler ses intérêts de la manière la plus utile pour elle; et ce serait manquer à votre mission; ce serait trabir votre devoir que de laisser échapper un seul moyen d'améliorer son sort.

Maintenant une autre question se présente; et c'est la seconde de celles que j'ai annoncées. Si vous affranchissez du retrait lignager les biens nationaux que vous mettez en vente, devez-vous en affranchir également les autres biens, et le retrait lignager doit-il entièrement disparaître de dessus la surface de l'Empire français ?

Je l'ai déjà dit, si le retrait lignager est un abus, nous devons en hâter l'abrogation; car quoique nous ne puissions pas encore nous occuper de la refonté générale de nos lois civiles, il suffit que nous rencontrions dans notre route une institution vicieuse et nuisible, pour que nous soyons autorisés, je dis plus, pour que nous soyons obligés de la proscrire.

Mais le retrait lignager est-il un abus ? Cette question est subordonnée aux différents points de vue sous lesquels le retrait lignager doit être considéré.

Premièrement, les motifs qui ont fait introduire en France le retrait lignager, ceux qui l'y ont fait conserver jusqu'à présent, sont-ils encore compatibles avec nos mœurs actuelles?

En second lieu, le retrait lignager est-il utile à la société, ou, en d'autres termes, favorise-t-il l'agriculture et le commerce?

Enfin, procure-t-il réellement et généralement aux familles les avantages qu'il semble leur promettre?

Avant de prononcer sur ces questions, exami

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