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qui l'a déjà été du dauphin, mon petit-fils, et Joffreville, lieutenant général de mes armées. Au surplus, je confirme tout ce qui est dit dans mon testament, que je veux et entends être exécuté en tout ce qu'il contient.

Fait à Versailles le 13 avril 1715.

Signé : LOUIS.

Je nomme pour précepteur du dauphin le s de Fleury, ancien évêque de Fréjus.

Je nomme pour confesseur du nouveau roi le Père Le Tellier. Signé : LOUIS.

M. de Dreux1, conseiller de la grand'chambre, lut ce testament, et il parut bien que le Parlement entier étoit déterminé à ne pas faire grand cas de toutes les précautions que le feu roi avoit cru devoir prendre pour former un Conseil de régence sans qu'il y eût de régent. Mais tout concourut à donner une autorité au duc d'Orléans déclaré régent, et, en un mot, on n'oublia rien de tout ce qui pouvoit le rendre maître absolu.

Ce prince commença par vouloir gagner le Parlement auquel on redonna la liberté entière des remontrances.

Dès ce moment, ce nombre prodigieux de présidents et de conseillers se crurent réellement en possession du titre fastueux de tuteurs des rois pupilles.

M. Daguesseau, procureur général, proposa, de la part du duc d'Orléans, plusieurs conseils. Le prétexte apparent de ce prince étoit de gouverner le royaume avec le secours des principaux de l'État et du Parlement.

1. Thomas Dreux, l'ami de Chamillart, qui obtint pour son fils l'érection en marquisat de la terre de Brézé, achetée à la femme du grand Condé, et la charge de grand maître des cérémonies, restée héréditaire dans sa famille jusqu'à la Révolution.

Chacun croyant y trouver son intérêt applaudit à tout. Le seul maréchal de Villars entra deux fois dans le parquet des gens du roi. La première après la séance du matin, et la seconde avant que celle de l'après-midi commençât. Il parla au procureur général Daguesseau en bon citoyen, et lui représenta que ce qu'il alloit lui dire étoit même contre son intérêt particulier, puisqu'il étoit assuré par la parole du duc d'Orléans d'avoir une part des plus honorables dans les changements que l'on méditoit, mais que son intérêt personnel ne l'empêcheroit jamais de représenter, et avec force, que dans les premiers moments d'une nouvelle administration il ne falloit pas renverser tout l'ordre anciennement établi dans le gouvernement; qu'il pouvoit y avoir des changements nécessaires, mais qu'il importoit de les faire avec ordre et avec mesure, de se borner à ôter ce qui étoit reconnu certainement mauvais, et à mettre à la place les règlements qui seroient estimés meilleurs.

Le procureur général répondit que M. le duc d'Orléans étoit entièrement déterminé à ces nouveaux conseils, et qu'il croyoit en cela suivre un principe auquel le dernier dauphin étoit résolu. Enfin, au lieu des quatre secrétaires d'État qui avoient les départements, on régla les conseils projetés, mais ils ne furent déclarés qu'un mois après. En voici l'ordre :

Un conseil de guerre dont le maréchal de Villars fut déclaré président.

Un conseil de finances dont le duc de Noailles fut président.

Un conseil des affaires étrangères, le maréchal d'Huxelles président.

Un conseil de conscience, le cardinal de Noailles président.

Un conseil de marine, le maréchal d'Estrées président, et le comte de Toulouse à la tête en qualité d'amiral.

Un conseil du dedans du royaume, le duc d'Antin président.

La charge de secrétaire d'État de M. Voysin, chancelier, fut vendue à M. d'Armenonville.

M. de Torcy fut très chèrement récompensé de la sienne par une grosse somme d'argent, et de plus on érigea en charge de surintendant l'administration des postes qu'il avoit, comme celle des bâtiments fut rétablie en surintendance en faveur du duc d'Antin.

Dans cette première occasion le Parlement s'opposa par de vives remontrances aux vues du régent sur le rétablissement de ces deux surintendances. Mais le prince envoya le marquis d'Effiat prier cette cour d'avoir pour lui la complaisance de déférer à ses désirs.

Les opinions furent vives. Le Parlement s'assembla deux fois. Tous les Pairs furent pour ce que désiroit le régent, et le maréchal de Villars en opinant dit qu'il falloit louer la cour de sa fermeté à s'opposer à ce qu'elle ne croyoit pas de l'intérêt de l'État, mais que son avis étoit que l'on devoit conserver ces sentiments pour des occasions plus importantes, et dans celle-ci donner au régent une marque de complaisance qui, dans le fond, ne pourroit jamais être d'un grand préjudice.

La vivacité fut grande, et les Pairs décidèrent par leurs voix, parce que cette dernière assemblée ne se trouva pas nombreuse.

Les conseils furent établis, et celui de régence

commença.

Le Parlement avoit laissé le régent maître absolu de retrancher de ceux que le feu roi avoit nommés dans son testament, d'y en mettre de nouveaux, et en un mot l'autorité entière.

Ce prince commença par n'y pas appeler le maréchal de Tallard, et y fit entrer le maréchal de Bezons, le duc de Saint-Simon, l'ancien évêque de Troye, et il fut établi qu'il y auroit trois conseils de régence par semaine, un pour les finances, l'autre pour la guerre et le troisième pour les affaires étrangères.

Dans les commencements ces conseils étoient réellement des conseils. Quelque temps après ils n'en eurent plus que les apparences, et enfin il n'y fut plus question que d'entendre lire la Gazette, à la réserve de quelques procès rapportés par des maîtres des requêtes. Mais les premiers jours le régent voulut que l'on délibérât même sur les grâces.

Le maréchal de Villars rapporta la lieutenance générale de Provence. Le duc d'Orléans dit qu'il avoit demandé cette charge au feu roi pour le marquis de Simiane, gendre du comte de Grignan, qui en étoit pourvu; il demanda les opinions, et elles allèrent toutes à approuver le désir de Son Altesse Royale.

Il y eut un grand conseil sur les diverses prétentions du grand et du premier écuyer au sujet des dépouilles qu'ils soutenoient appartenir totalement à leurs charges à la mort des rois. On cita des exemples du temps de Henri IV, et on trouva que le duc de Bellegarde avoit eu 25,000 écus comme grand écuyer pour la grande écurie, et que le premier

écuyer avoit eu 20,000 francs pour la petite écurie.

Le conseil de régence donna le premier exemple de corruption, et l'on ôta tout au roi pour le donner à MM. d'Armagnac et de Beringhen1.

Le maréchal de Villars dit qu'il n'y avoit que le roi qui perdoit son procès, que son sentiment étoit que, comme le feu roi avoit surpassé en magnificence tous les rois ses prédécesseurs, il étoit juste que les grands officiers dont il s'agissoit eussent le double de ce que l'on voyoit dans les exemples passés, mais que le reste devoit rester au roi, dans un temps surtout où la plus exacte économie étoit nécessaire. Cet avis ne fut pas suivi, et le jeune roi se trouva dépouillé dès les commencements de tous les chevaux et carrosses.

Les présidents des conseils avoient leurs jours marqués pour rendre compte au régent des détails qui n'étoient pas rapportés au conseil de régence, dans lequel on ne parla qu'une seule fois de la distribution des charges et des emplois.

Le maréchal d'Huxelles lut seul presque pendant tout le temps de son ministère les dépêches des ministres étrangers, et les réponses qui leur étoient faites.

Le duc de Noailles parloit aussi de ce qu'il y avoit

1. Voir dans Saint-Simon (XII, 292) le récit de cette triste querelle et de la séance du conseil de régence où elle fut jugée : « Villars pouffa, verbiagea, complimenta les parties, se plaignit du procès, désira des cotes mal taillées, mais conclut pour Monsieur le premier » (XII, 303). Le comte d'Armagnac, dit M. le Grand, était de la maison de Lorraine. Le marquis de Beringhen, dit M. le Premier, tenait sa charge de son père et de son grandpère, lequel l'avait achetée au père de Saint-Simon (I, 68). Son extraction était très modeste.

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