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A la députation du genre humain succéda celle des vainqueurs de la Bastille. L'assemblée, frappée d'admiration pour l'héroïque intrépidité de ces hommes qui n'avaient pas même combattu, leur décerna des récompenses, et leur assigna, à la fédération du 14 juillet, une place distincte entre toutes, afin que la France pút contempler à loisir les premiers conquérans de sa liberté.

Ces décrets exaltaient au plus haut degré la fièvre révolutionnaire, et les retentissemens de la souveraineté populaire annonçaient au loin la chute des trônes.

A mesure que nous avançons, nous assisterons à de grandes destructions; quelques heures d'une séance du soir viendront les consommer. La nuit du 19 juin acheva l'œuvre qu'avait marquée la nuit du 4 août; Alexandre Lameth commença le mouvement de la séance, ainsi que le vicomte de Noailles avait déterminé celui de la soirée du 4 août.

L'assemblée, dans son système de nivellement et dans son enthousiasme de démocratie, était impatiente de détruire tout ce qui rappelait la gloire des rois de France. Le premier coup de hache devait être porté aux trophées élevés à Louis XIV sur la place des Victoires; le courtisan devenu tribun donnait, de la tri

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bune même, le signal à de nouveaux Vandales qui devaient mutiler les monumens de la patrie. Des acclamations répondirent au discours de Lameth. A peine ce décret est rendu, qu'un député, jusqu'alors inconnu, s'élance à la tribune: « C'est aujourd'hui, s'écrie-t-il, le tom<< beau de la vanité; je demande la suppression « de tous les titres de duc, comte, marquis, baron, chevalier, comme une conséquence de << la déclaration des droits de l'homme. » A ces mots, des bancs du côté gauche partent mille cris confus; la fureur de détruire va jusqu'au délire. Charles Lameth s'élance à la tribune; il a devancé La Fayette, comme lui impatient d'élever la voix. « Ces titres, s'écrie-t-il, bles<< sent l'égalité, et l'égalité forme la base de << notre constitution; ils ne sauraient donc sub<«< sister sans une inconséquence absurde, et j'en demande la suppression. Je demande << avec elle la suppression de la noblesse héré<< ditaire, qui choque la raison et blesse la vé<< ritable liberté. Il doit être défendu de pren«dre dans les actes le titre de noble. Quant à «< ceux qui, dans leur langage et leurs lettres, « affecteraient de conserver encore ces dis<< tinctions puériles, l'opinion les en punira en <«<les notant parmi ceux qui méconnaissent << notre heureuse révolution. >>

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Le titre de monseigneur était encore réservé aux princes du sang. La Fayette, rêvant toujours l'Amérique au milieu de la France, vint s'opposer à sa conservation : « Dans un « pays libre, s'écria-t-il, il n'y a que des ci<< toyens et des officiers publics. Je sais qu'il <«< faut une grande énergie à la magistrature « héréditaire du roi; mais pourquoi vouloir << donner le titre de prince à des hommes qui «< ne sont à mes yeux que des citoyens actifs, lorsqu'ils se trouvent avoir les conditions prescrites à cet égard. »

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Vainement MM. de Montlosier, d'Ambly, de Digoine, de Grosbois, d'Ignocourt, et d'autres encore, élèvent une voix que couvrent bientôt les cris des tribunes.

L'abbé Maury combat avec toute la puissance de sa supériorité; il invoque et l'histoire et la politique pour arrêter tant de destructions. Parmi ses adversaires on remarque le jeune Montmorency, qu'entraînait alors le délire des temps, et qui, au bruit des agitations de ce nouveau 4 août, demanda la suppression des armoiries.

Au milieu des cris qui partaient et des tribunes et du côté gauche, vainement le côté droit réclamait le réglement, par lequel l'assemblée s'était prescrit à elle-même de ne

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