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<< et aux officiers municipaux, et de les inviter « à convoquer l'assemblée de leurs ordres res

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Si le roi eût convoqué les assemblées bailliagères des trois ordres, il est certain qu'elles eussent voté à une immense majorité la révocation de ces mandataires qui avaient violé leurs mandats, et qui avaient tout détruit pour tout envahir. Après les attentats d'octobre, le premier devoir de Necker eût été de donner ce conseil au roi; mais il resta accablé dans ses tristes et stériles rêveries, et son impuissance vint hâter le progrès des factions.

L'assemblée, convaincue qu'un appel fait à la France briserait son pouvoir, décréta que «< nulle convocation ou assemblée par << ordre ne pourrait avoir lieu dans le royau<< me; que les assemblées de bailliages et de << sénéchaussées se feraient à l'avenir par indi

vidus, et qu'il serait sursis à toute convoca«<tion de provinces et d'états, jusqu'à ce que << l'assemblée eût déterminé, avec l'accepta<tion du roi, le mode de leur convocation. »

Dès cet instant l'usurpation s'acharna à détruire tous les liens qui unissaient les provinces, et leroyaume de France cessa d'exister. Une division nouvelle de la France fut décrétée des chaînes de montagnes et des rivières détermi

nèrent les nouvelles classifications par départemens et districts. Pour briser les résistances qui auraient pu s'élever des provinces, on effaça jusqu'à leurs noms.

Les états du Cambrésis donnèrent l'exemple d'une résistance énergique; ils prirent un arrêté par lequel : « Considérant que certains « décrets de l'assemblée nationale préparent << la ruine du royaume et l'anéantissement de « la religion; que si elle a pu mettre certains «< biens à la disposition de la nation, tous les propriétaires peuvent s'attendre au même << sort... elle déclare, dès ce moment, les pou« voirs des députés du Cambrésis à l'assem« blée nationale nuls et révoqués.

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L'assemblée nationale n'osa point mander à sa barre les membres de la commission intermédiaire du Cambrésis. Après une longue discussion, elle annula cet arrêté, comme attentatoire à la souveraineté nationale; elle arrêta que le roi serait supplié de donner des ordres pour faire exécuter les décrets de l'assemblée. Si toutes les provinces eussent imité cette courageuse et loyale conduite, c'en était fait de cette assemblée factieuse; une semblable résistance eût amené sa dissolution. Dans de telles conjonctures, les dépositaires de l'autorité royale eussent dû provoquer la forma

tion des assemblées électorales; mais ils n'étaient plus que les dociles agens de l'assemblée usurpatrice.

Cependant, malgré les clameurs des journaux révolutionnaires, la vérité sur les causes de ces journées sanglantes se manifestait de toutes parts; et de toutes parts on en signalait les moteurs dans les chefs du parti d'Orléans. Des cris d'indignation contre ce prince éclatèrent alors; ils retentirent jusqu'au PalaisRoyal. On menaçait de mettre le feu à ce palais, pour punir un traître qui n'avait pris le masque du patriotisme que pour tromper le peuple, et le faire servir d'instrument à ses làches desseins. Vainement les journaux qui lui étaient dévoués s'efforçaient de donner une autre direction à l'effervescence de la multitude, la plus vive agitation se manifestait de toutes parts. La Fayette proposa l'éloignement du prince comme une mesure indispensable au rétablissement de la tranquillité, et le menaça de demander aux tribunaux la punition de ses crimes, s'il ne prenait la résolution de partir à l'instant même pour l'Angleterre. Le duc d'Orléans recourait vainement tour à tour à ses complices ou à ses orgies pour relever son esprit inquiet. Pour la première fois, des clameurs s'étaient élevées contre lui jusque dans le Palais

tu;

Royal: à défaut de remords, la peur l'avait abatdes journaux sanguinaires osaient seuls le défendre; leurs apologies devenaient une nouvelle preuve de ses crimes. Il se détermina donc à partir pour Londres; et par la plus étrange faiblesse du pouvoir, on donna à son départ l'apparence d'une mission secrète auprès du roi d'Angleterre. Mais ses plus intimes affidés s'irritaient de sa soumission; et voici le plan qui fut arrêté. Mirabeau devait dénoncer à l'assemblée les clameurs qui s'étaient élevées contre le prince; celui-ci paraissant lui-même pour défier ses accusateurs, ses amis devaient prendre hautement sa défense, et faire rendre un décret qui proclamerait son innocence. Le jour était fixé; mais le duc d'Orléans, en proie à de nouvelles terreurs, n'osa paraître : il accepta son exil. Mirabeau reçut à cette séance un billet d'Orléans ainsi conçu : J'ai changé d'avis; ne faites rien; nous nous verrons ce soir. « Le lâche! s'écria Mirabeau en lisant « ce billet; il ne mérite pas la peine que l'on << se donne pour lui (1).

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(1) L'expression que M. Thiers met dans la bouche de Mirabeau est encore plus caractéristique. (Voyez Histoire de la Révolution française, p. 375, note 10.)

Les partisans du duc d'Orléans tentèrent de mettre obstacle à son départ, en le faisant arrêter par la municipalité de Boulogne, qui prit pour prétexte qu'un député ne devait pas quitter l'assemblée sans une autorisation; mais l'assemblée elle-même leva les obstacles, et le duc d'Orléans, accablé du mépris de la France, partit pour l'Angleterre, où il avait encore de nouveaux affronts à subir.

Nous aurons à examiner plus tard l'action qu'exerça sur la révolution française le gouvernement anglais; mais ici nous trouvons déjà

la

preuve que plus d'une fois cette nation n'épargna pas ses dédains à ceux que de lâches ambitions rendaient l'instrument des vengeances ou des combinaisons politiques de son gouvernement. Pitt affecta de partir pour la campagne, à l'instant même où le duc d'Orléans arrivait à Londres. Le roi ne lui accorda que fort tard une audience de quelques minutes, et lui dit ces paroles remarquables: «Le roi << de France m'a donné connaissance des évé<«< nemens arrivés dans son royaume ; j'en suis << sensiblement touché : sa cause est celle de << tous les souverains. Je n'ignore pas non plus l'extrême courage de la reine et son grand << caractère. Je suis très-aise de témoigner au premier prince du sang de France les sen

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